L'affaire Benalla est-elle vraiment "du niveau du Watergate" ? On a demandé à un historien
Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen ont établi un parallèle entre les violences commises par Alexandre Benalla et la célèbre affaire qui avait poussé Richard Nixon à démissionner en 1974. Pour l'historien Corentin Sellin : "La comparaison est très exagérée".
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Les chefs de l'opposition intensifient leurs accusations à l'encontre de l'exécutif. Dans un entretien au Monde, samedi 21 juillet, Jean-Luc Mélenchon a affirmé que l'affaire Alexandre Benalla était "du niveau du Watergate". Sur BFMTV, Marine Le Pen a établi la même comparaison, estimant qu'il "y a autant de mensonges du gouvernement qu’il y en avait dans l’affaire du Watergate".
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En 1972, cinq hommes avaient été arrêtés après avoir tenté de cambrioler l'immeuble du parti démocrate, à Washington. L'enquête du Washington Post avait abouti à l'inculpation de plusieurs collaborateurs de Richard Nixon puis à sa démission, en 1974. La comparaison tient-elle ? Les ressemblances sont très limitées, explique Corentin Sellin, professeur agrégé d'Histoire et spécialiste des États-Unis.
Franceinfo : Peut-on voir des similitudes entre le scandale du Watergate et l'affaire Benalla, comme l'affirment Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen ?
Corentin Sellin : Côté Watergate, à partir de l’été 1971, il y a eu la mise en place d’une cellule de renseignements, hors du champ légal et ordinaire. Avec les agissements d’Alexandre Benalla, on se retrouve là avec quelqu’un qui ne faisait pas partie du Groupe de sécurité de la présidence de la République (GSPR) et qui agissait, comme à l’époque de Nixon, hors du cadre légal. A la rigueur, sur ce point, on peut voir que l’affaire Benalla fait écho au Watergate. Mais à part la sécurité présidentielle qui semble privatisée, il n’y a pas grand chose de commun avec ce qu’a fait Nixon.
Quelles sont les différences ?
Avec Alexandre Benalla, on est confronté à une affaire de protection personnelle du président. C'est quand même très différent que de mettre en place une cellule qui fait des opérations contre les médias et contre les opposants, comme ce que fut Nixon. Il y avait alors une visée politique : faire taire les oppositions et museler les médias. Jusqu’à preuve du contraire, on n’en n’est vraiment pas là.
Avec l'affaire Benalla, nous n'avons pas affaire à des activités illégales cautionnées et admises par le président lui-même.
Corentin Sellinà franceinfo
A l’époque, on était vraiment dans une logique d’activité clandestine et assumée comme telle, à l’intérieur même de la Maison Blanche. Là, on est dans l’affaire d’une sécurité privatisée, en dehors des cadres légaux. Si on veut faire une comparaison française, on pourrait se référer à l’affaire des écoutes de l’Elysée à l’époque de Mitterrand, c'est déjà plus pertinent. Mais on comprend pourquoi Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon préfèrent faire référence au Watergate. L'affaire a amené à la destitution du président Nixon : il ne seraient sans doute pas contre que la situation se reproduise avec Emmanuel Macron.
Pour vous, la comparaison est donc limitée…
Oui, elle est très exagérée. Mais l’histoire nous apporte d’intéressantes leçons, qui peuvent d’ores et déjà s’appliquer au cas Benalla. Quand Nixon a appris le cambriolage du siège du comité national du Parti démocrate, il était abasourdi : ce n’était manifestement pas lui qui en avait donné l’ordre. En juin 1972, il est alors confronté à un choix rapide : soit il admet avoir nommé des gars et il affronte le scandale, soit il les couvre. Il choisit cette option, qui va l’amener à démissionner.
S'il y a une leçon à retenir du Watergate, c’est qu’il ne faut jamais cacher et toujours assumer.
Corentin Sellinà franceinfo
Avec "l’Irangate", le scandale des ventes d’armes américaines via Israël à l’Iran, Ronald Reagan avait choisi d'assumer. Dans un premier temps, il couvre l’affaire. Et puis, aspiré par le scandale, il retourne à la télévision et dit aux Américains qu’il s’est trompé. Il assume, face caméra. Ça lui a permis de sauver sa peau et celle de son vice-président, Georges H. W. Bush, en jouant la transparence. Politiquement, il est donc toujours plus payant d’admettre ses échecs.
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