Venus de Russie, des migrants entrent en Norvège à vélo
Le Grand Nord est devenu la nouvelle route que prennent les réfugiés syriens. La frontière russo-norvégienne est la porte d’entrée la plus septentrionale de l’espace Schengen. Depuis le début de l’année, plus de 200 réfugiés ont fait cet immense détour pour terminer leur voyage loin de tout : à Kirkenes, en Norvège, où les derniers mètres pour atteindre la frontière...se parcourent à vélo.
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Le petit poste-frontière de Storskog est à quelques mètres de la Russie, Mourmansk est à deux heures de route à peine. Ce poste-frontière se trouve près de la petite ville de Kirkenes, en Norvège, et de ses 3.500 habitants. Une bourgade nichée au cœur des fjords, à 500 kilomètres au-delà du cercle polaire arctique. Une route du bout du monde.
Une frontière à 4.000 kilomètres de Damas qui se traverse à vélo
Un endroit improbable finalement pour des réfugiés syriens : nous sommes à 4.000 kilomètres à vol d’oiseau de Damas. Et pourtant, depuis le début de l’année, ils sont de plus en plus nombreux à rejoindre l’espace Schengen, via cette frontière entre la Russie et la Norvège. Une frontière qu'ils franchissent à vélo, car la Russie interdit de traverser à pied. Il faut donc acheter un vélo côté russe, pour l’abandonner une fois passé de l’autre côté.
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Le responsable du poste-frontière, Stein Kristian Hansen, nous montre le garage à vélo improvisé, des dizaines et des dizaines de vélos entassés, flambants neuf, qui n’ont servi que pour faire quelques mètres entre Russie et Norvège : "Là, vous voyez les vélos que les réfugiés ont laissés à la frontière, plus de 90 ! raconte le responsable du poste-frontière. On n’a pas encore décidé ce qu’on allait en faire, mais peut-être qu’on va les donner à des centres d’accueil dans la région. "
227 réfugiés ont passé cette frontière en 2015
Stein Kristian Hansen affiche une mine dépitée. Ses services sont complètement dépassés par cet afflux de réfugiés : "Cette année, nous avons eu 227 réfugiés qui ont traversé cette frontière de la Russie vers la Norvège, s'étonne encore Stein Kristian Hansen. Les années précédentes on en avait cinq ou dix réfugiés par an. C’est un vrai défi pour nous, car tout le monde peut voir qu’ici ce n’est pas un gros poste-frontière. Nous n’avons pas les infrastructures, nous ne pouvons pas les garder, alors nous les renvoyons vers les services du gouvernement à Oslo!"
"Il s’agit à 90 % de Syriens qui arrivent chez nous depuis la Russie, poursuit le responsable du poste-frontière. Et on a d’autres nationalités : des Turcs, des Tunisiens, des Macédoniens, des Ukrainiens. "
"C’est nouveau de voir des réfugiés sur ces vélos " (Stein Kristian Hansen, responsable du poste-frontière)
Mais pourquoi certains migrants choisissent cette route si longue et inattendue ? Stein Kristian Hansen s'est fait son idée au fil du temps. "Je ne sais pas si c’est plus facile, mais c’est beaucoup plus sûr, avoue-t-il. Parce que vous n’avez pas à traverser la Méditerranée dans un bateau en plastique. Ils traversent la frontière avec des papiers, ils ont des cartes d’identité. Ensuite on a une discussion avec eux, on leur demande s'ils ont besoin d’une aide médicale. Enfin, ils sont enregistrés et nous les envoyons dans un centre d’accueil à Oslo."
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Des réfugiés sûrs de trouver un lieu d'accueil
Stein Kristian Hansen explique d'ailleurs qu'une fois arrivés à sa frontière, les réfugiés sont forcément écoutés et leur situation étudiée en détail. "Nous ne pouvons pas les renvoyer vers la Russie, parce qu’ils demandent l’asile. Je ne peux pas faire ça, je dois recevoir tous ceux qui arrivent à notre frontière."
Sur la présence de passeurs à son poste-frontière, l'officier est assez dubitatif : "Tout se passe du côté russe. On ne peut pas dire s'il y a des passeurs ou pas. Mais si des Norvégiens leurs font traverser la frontière, qu’ils se font payer et que tout ça est organisé, alors ils risquent jusqu’à six ans de prison."
"Il me semble que ça va continuer. L’hiver arrive bientôt, il reste deux ou trois semaines avant la neige. Mais, si on se fie à ce qu’il se passe aujourd’hui, oui, ça augmentera." Stein Kristian Hansen, responsable du poste-frontière
"Bien sûr on veut les aider ! Je suis officier, je suis professionnel, je dois faire mon travail. Mais évidemment, tout ça m’affecte. Ils nous parlent peu, parce qu’ils n’ont pas une grande confiance envers les officiels, particulièrement les policiers, sans doute par rapport à ce qu’il s’est passé dans leur pays."
" Certains ont payé au total 2.000 ou 3.000 dollars pour faire tout le voyage" (Stein Kristian Hansen)
Cette route vers le Grand Nord Stein Kristian Hansen sait très bien que la plupart des migrants, arrivant aujourd'hui, ne l'ont pas découverte par hasard. "Evidemment les médias, les réseaux sociaux, ont fait circuler l’information et dans certains journaux arabes, une carte a été publiée qui montre la route pour rejoindre Kirkenes en Norvège. Bien sûr, la rumeur s’est propagée."
A la frontière, les Norvégiens découvrent la situation
Près du poste, je croise Signa, 33 ans, qui vit à Bergen. Elle semble effondrée, elle nous dit qu’une famille de réfugiés attend de passer de l’autre côté :
"C’est vraiment une surprise, j’avais jamais entendu parler de ça ! On devrait mieux les accueillir ! J’ai vu qu’un nouveau groupe arrivait. Il y a des petits enfants. C’est un si long voyage ! Ils n’étaient pas à vélo depuis le début, bien sûr ! " (Signa, habitante de Bergen)
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Pour cette jeune Norvégienne, face à cette situation, c'est le gouvernement qui doit prendre les choses en main. "Je pense que la Norvège devrait organiser un transport en bus pour les aider, ce serait plus facile pour eux ! explique Signa. Ç a ne devrait pas être illégal de les aider à passer la frontière avec nous, mais c’est une façon d’éviter qu’il y ait un trafic avec des passeurs, où on leur prendrait de l’argent pour ça. Pour ces gens qui veulent venir en Norvège, je pense qu’on devrait essayer de rendre la dernière partie de leur voyage plus facile "
De Damas à Kirkenes, enfin l'arrivée
Après six heures d’attente, la barrière finit par se lever côté russe. J’aperçois une quinzaine de personnes sur leurs vélos. 15 personnes, c’est plus que sur toute l’année 2014. Des vélos surchargés, tout ce qu’ils possèdent se trouve dessus. Il y a des mamans qui tiennent des bébés dans leurs bras. Ils sourient, certains pleurent, lèvent les bras aux ciel, allument une cigarette, passent des coups de fils avec leurs portables, sans doute pour prévenir les proches qu’ils sont sauvés. Ils s’embrassent.
"Welcome", lance un journaliste norvégien aux réfugiés
Les policiers les prennent en charge immédiatement, nous empêchent de les approcher. Mais spontanément, un jeune homme et une jeune femme voilée s’approchent de nous avec les larmes aux yeux et la mine soulagée. La maman porte une bébé de sept mois dans les bras. Un journaliste norvégien, présent sur les lieux leur dit "Welcome" .
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L’homme explique qu’il s’appelle Mohammad, il a 23 ans. Il nous serre la main. Son épouse s’appelle Terelid, elle a 18 ans et leur petite fille s’appelle Saloua, elle est née en Russie. Mohammad nous raconte leur long voyage avec ses quelques mots d’anglais.
"Merci la Norvège. Merci beaucoup" (Mohammad, réfugié syrien)
Ils habitaient à Hama, en Syrie. Puis ils ont fui vers la Biélorussie. Ils sont arrivés en Russie il y a un an, avant de rejoindre finalement Mourmansk, puis la frontière russo-norvégienne. Cette dernière partie du voyage a pris sept jours. Au total, Mohammad dit qu’ils ont dépensé 2.000 dollars. Je lui demande si cette route est moins dangereuse, par rapport à la Méditerranée. "Oui c’est moins dangereux. Nous sommes très heureux, la Norvège nous accueille, nous voulons rester ici, aller à Oslo ", dit Mohammad, "ma famille est heureuse ". "Merci la Norvège, merci beaucoup " ajoute Terelid et Mohammad.
Les policiers viennent les chercher. Ils prendront le prochain avion pour Oslo, où ils rejoindront un centre d’accueil pour réfugiés. La Norvège s’est engagée à accueillir 8.000 réfugiés syriens d’ici 2017. Et à Kirkenes, un centre de transit devrait ouvrir dans les prochaines semaines pour tous ces réfugiés syriens qui affluent à la frontière entre la Norvège et la Russie.
Kirkenes, ville d'accueil, les bras grands ouverts
Cecilie Hansen, maire de Kirkenes, tend les bras aux réfugiés : "Dans la région de Sør-Varanger il y a 10.200 habitants au total et il y a plus de 70 nationalités différentes qui vivent en permanence ici. Nous vivons dans une société multiculturelle, on vit ensemble et en paix. On est habitués à avoir des gens qui viennent du monde entier. "
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