Rohingyas en Birmanie : le pape François doit "insister sur les droits des individus plutôt que sur les droits communautaires"
En visite en Birmanie lundi, le pape François doit prendre en considération le fait que les musulmans Rohingyas ne sont pas reconnus "comme une minorité ethnique par les autorités", explique le spécialiste de l'Asie, Jean-Louis Margolin.
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Le pape François est arrivé en Birmanie, lundi 27 novembre, pour une visite inédite qui s'annonce délicate. En toile de fond, la question des musulmans Rohingyas, victimes d'une campagne de répression de l'armée birmane. Les Rohingyas ne sont pas reconnus "comme une minorité ethnique par les autorités birmanes", a rappelé, sur franceinfo, Jean-Louis Margolin, maître de conférences en histoire contemporaine à l’université Aix-Marseille et membre statutaire de l’Iinstitut de recherches asiatiques (Irasia). Pour lui, le pape doit donc "éviter de trop insister sur les droits communautaires (…) mais plutôt sur les droits de ces gens en tant qu'individus. Je pense que cela passera mieux", estime-t-il.
franceinfo : En août dernier, le pape avait évoqué ces "frères rohingyas". Aujourd'hui, plusieurs de ses conseillers lui demandent de ne même pas prononcer le mot en Birmanie. La question est-elle à ce point tabou dans le pays ?
Jean-Louis Margolin : Effectivement, on est au cœur du problème. On a une communauté musulmane importante avec plus d'un million de personnes qui se trouvent dans la province occidentale de l'Arakan. Cette communauté de l'Arakan n'est pas reconnue comme une minorité ethnique par les autorités birmanes et par la quasi-totalité du reste de la population parce qu'elle est composée à la fois de gens qui sont présents depuis plusieurs siècles dans cette région mais également issus d'une d'immigration relativement fraîche. Jusqu'à il y a une cinquantaine d'années, ces gens ne se considéraient pas comme un groupe ethnique. Le terme même de Rohingyas est un terme récent qui a commencé à apparaître dans les années 1960, donc c'est un enjeu de conflit. S'agit-il d'un groupe ethnique de formation auquel on doit reconnaître des droits ou bien d'un groupe d'immigrants récent à qui on peut accorder des droits individuels mais pas des droits en tant que groupe ethnique ou de communauté ? Là, on est au centre du conflit actuel.
Est-ce qu'une déclaration du pape qui condamne cette répression militaire, dans un pays qui compte environ 700 000 catholiques sur 51 millions d'habitants, serait mal vue dans le pays ?
Ça dépend dans quels termes. Encore une fois, il s'agit, à mon sens, d'éviter de trop insister sur les droits communautaires quoi qu'on puisse en penser mais plutôt sur les droits de ces gens en tant qu'individus ayant leur résidence en Birmanie souvent depuis plusieurs générations et coexistant avec les autres groupes ethniques. Si le pape se limite à demander ces droits individuels, je pense que ça passera mieux. Maintenant, il faut savoir à qui on s'en prend. Dans la période récente, on l'a entendu s'attaquer au moins autant à Aung San Suu Kyi parce que c'est la seule personnalité birmane connue internationalement que les véritables responsables de ces exactions, qui sont plutôt les militaires. Ces derniers ont, pendant plus de 50 ans, exercé le pouvoir. Aujourd'hui, ils continuent avec des ministères qui leur sont réservés, y compris le ministère des Frontières. Faut-il s'en prendre à ces militaires ou à Aung San Suu Kyi qui a plutôt essayé de calmer le jeu, de résoudre les problèmes de façon pacifique ? Elle a reçu tout le choc des critiques alors qu'elle-même est dans une situation très difficile, face d'une part à l'armée et face à un certain nombre d'extrémistes bouddhistes.
Comment l'opinion birmane vit-elle les critiques de la communauté internationale ?
Je pense qu'elle les ressent assez durement et plutôt comme une certaine injustice. Quelle que soit la gravité du problème de ces musulmans de l'Arakan dont il ne s'agit pas de contester le drame, c'est l'ensemble des Birmans qui connaît des situations politiques mais surtout économiques et sociales extrêmement difficiles. C'est un pays parmi les plus pauvres d'Asie. Et puis il y a toute une série d'autres minorités comme les Karens et les Kachins en butte. Depuis des décennies, elles-mêmes, à une répression violente de l'armée birmane. Elles ont été marginalisées dans leur propre pays, dont les terres ont souvent été accaparées par des grandes compagnies, des grandes sociétés chinoises et qui aimeraient bien que la communauté internationale s'occupe un petit peu plus de leurs problèmes et n'ait pas une sorte d'indignation entièrement focalisée sur cette seule question des Rohingyas dont la gravité du problème n'est pas à contester.
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