: Reportage "Tous mes clients se plaignent" : aux Etats-Unis, des voix s'élèvent pour dénoncer la gestion de l'un des plus grands centres de rétention du pays
Près de 2 000 immigrés en situation illégale attendent une décision de justice au Stewart Detention Center, à Lumpkin, en Georgie. L'établissement, réputé pour son opacité, n'a jamais été autant rempli.
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Le Stewart Detention Center a été construit en 2006 en pleine forêt, au milieu de nulle part. Ici, pas de transports en commun, pas de ville. Juste des corbeaux. Et un bâtiment d'un étage, vaguement beige, protégé par une triple clôture de barbelés : ici, tout ressemble à une prison.
Katryn, 25 ans, est venue voir son mari, un Mexicain sans papiers, arrêté il y a 15 jours à la sortie d'une audience au tribunal. La visite se fait dans un box séparé par une vitre, chacun d'un côté. On communique en décrochant un combiné téléphonique. La jeune femme, qui habite en Floride, a fait six heures de route avec son bébé et son aîné de 6 ans. "Je lui explique que son papa va bientôt revenir, confie-t-elle. Je ne peux pas lui dire qu'il sera peut-être expulsé et qu'il ne le reverra pas. Le moral de mon mari, ça va, mais on ne sait rien, on ne lui dit rien de l'avancée de son dossier."
Surpopulation et négligences médicales
Le temps du week-end, Katryn a posé ses valises à quelques kilomètres du centre de rétention, dans la maison chaleureuse d'El Refugio, une association qui loge et nourrit – sans poser de questions – les visiteurs de passage. On y croise Valentina, venue voir sa belle-sœur, arrêtée au supermarché il y a plus de deux mois pour un article non payé. "Ça faisait 15 ans qu'elle vivait ici. Son mari travaille, elle a trois enfants, ils sont tous nés aux Etats-Unis, raconte-t-elle. Le grand a 15 ans, le petit vient de fêter son anniversaire sans sa mère. Tout ça me paraît très injuste, parce qu'il y a de vrais criminels, des voleurs, des narcotrafiquants. Elle ne mérite pas ça."
"C'est Trump qui devrait être dans un centre de détention, parce qu'il a fait du mal à trop de familles. Mais j'ai la foi, et j'ai de l'espoir."
Valentina, venue voir sa belle-sœurà franceinfo
Mais dans le centre de rétention, géré par une entreprise privée, les conditions se dégradent. Amilcar Valencia, le directeur exécutif d'El Refugio, publie régulièrement des rapports sur les mauvais traitements ou le recours abusif à l'isolement – une forme de torture. "13 personnes sont déjà décédées dans cet établissement, déplore-t-il. Il y a eu trois suicides documentés, et les autres détenus sont décédés essentiellement à cause de négligences médicales."
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Marty Rosenbluth, avocat spécialiste de l'immigration, confirme : "Ça fait huit ans que je vais dans ce centre et la situation n'a jamais été aussi mauvaise. Tous mes clients se plaignent d'une surpopulation terrible avec des gens qui dorment par terre, y compris dans la pièce où ils mangent, explique-t-il. Parler à leur avocat est très compliqué. S'ils sont malades, ils doivent attendre une, voire deux semaines avant d'avoir un rendez-vous avec le personnel médical. Ajoutez à ça le fait qu'il n'y a plus de libérations sous caution, et qu'il est devenu difficile de gagner sa procédure."
"L'administration Trump fait tout ce qu'elle peut pour que les gens finissent par abandonner et acceptent d'être expulsés."
Marty Rosenbluth, avocat spécialiste de l'immigrationà franceinfo
Il n'y a pas, au Stewart Detention Center, de rassemblements ou de manifestations comme au centre de Broadview à Chicago. Mais quelques bénévoles qui, comme le couple de Myriam et Antonio, donnent un peu de leur temps à El Refugio pour rendre visite aux détenus. "Ma propre fille a la peau brune et parle espagnol, lance Myriam, des sanglots dans la voix. Je ne veux pas de ce monde-là pour elle, où des gens sont traités comme des moins que rien à cause de leur couleur de peau."
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"On fait ce qu'on peut, soupire son mari, originaire de Porto Rico. Ce n'est pas grand-chose, mais déjà faire preuve de compassion, être là, leur parler, les écouter, c'est très important. Ils s'en souviendront". Il ajoute : "Il fallait qu'on fasse quelque chose pour résister à ce gouvernement, pour lui montrer qu'on n'est pas d'accord." En août 2025, plus de 62 000 personnes étaient détenues par les services de l'immigration, un record. La moitié d'entre elles n'avaient aucun casier judiciaire.
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