Incendies à Los Angeles : l'organisation des Jeux olympiques de 2028 est-elle menacée ?

Alors que les flammes ont détruit plus de 16 000 hectares en plein mois de janvier, le risque de nouveaux feux pendant la compétition inquiète, tout comme le coût des reconstructions.

Article rédigé par franceinfo
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 7min
Des maisons en bord de mer ravagées par le feu dans le quartier de Pacific Palisades, à Los Angeles (Californie, Etats-Unis), le 16 janvier 2025. (FREDERIC J. BROWN / AFP)
Des maisons en bord de mer ravagées par le feu dans le quartier de Pacific Palisades, à Los Angeles (Californie, Etats-Unis), le 16 janvier 2025. (FREDERIC J. BROWN / AFP)

C'est une légende de la natation américaine et l'une des victimes des incendies dévastateurs de Los Angeles : Gary Hall Jr. a perdu sa maison, située dans le quartier cossu de Pacific Palisades, ravagé par l'un des deux principaux feux qui ont ravagé la ville depuis le 7 janvier. Il a été forcé d'évacuer sa propriété, laissant derrière lui ses dix médailles gagnées lors de trois éditions des Jeux olympiques entre 1996 et 2004, cinq en or, trois en argent et deux en bronze. Exprimant son soutien aux victimes, le Comité international olympique a promis de lui envoyer des répliques de ses récompenses.

Mais ces incendies dévastateurs, qui ont fait au moins 27 morts et détruit plus de 16 000 hectares selon le dernier bilan, jeudi 16 janvier, pourraient avoir des conséquences bien plus profondes pour le CIO. Car une question monte outre-Atlantique : est-il bien raisonnable que la mégapole californienne accueille les prochains Jeux olympiques et paralympiques à l'été 2028 ?

Des trumpistes veulent retirer les Jeux aux démocrates californiens

Pour l'éditorialiste de Fox News Jesse Watters, figure de l'extrême-droite, il n'est "pas possible de montrer Los Angeles au monde entier". "Les Jeux de Los Angeles devraient être annulés", a également affirmé sur X Charlie Kirk, fondateur d'une des principales organisations ayant fait campagne pour Donald Trump. Cette star montante des ultraconservateurs appelle à "déplacer" l'événement dans un endroit plus sûr, comme "Dallas ou à Miami". Des commentaires qui visent explicitement la gestion de la ville de Los Angeles et de l'Etat de Californie par les démocrates. Ainsi, Rob Finnerty, présentateur de la chaîne conservatrice Newsmax, plaide pour organiser les Jeux dans "une ville rouge", la couleur des républicains, "où l'on sait que les choses seront gérées correctement".

Plusieurs conservateurs, dont Donald Trump lui-même, reprochent en effet à la maire démocrate de Los Angeles, Karen Bass, sa gestion des incendies. Ils mettent aussi en cause la gestion de l'eau par le gouverneur de Californie Gavin Newsom, lui aussi démocrate et très hostile au nouveau président-élu. 

Mais au-delà du camp des pro-Trump, d'autres voix soulignent la difficulté d'organiser dans trois ans et demi l'un des événements les plus coûteux au monde – dont le budget est évalué à 7 milliards de dollars – et d'accueillir les 15 millions de visiteurs attendus, tout en reconstruisant des quartiers entiers. Le président sortant Joe Biden a affirmé lundi que "des dizaines de milliards de dollars" seront nécessaires pour reconstruire les maisons et infrastructures parties en fumée. Quand les Jeux s'ouvriront, en juillet 2028, "Los Angeles sera encore plongée dans la reconstruction (...) des maisons, entreprises, bureaux, lieux de culte, bâtiments municipaux et parcs", souligne le New York Times.

"Trouver l'équilibre" financier entre les Jeux et la lutte contre les feux

Pour l'heure, aucun des 80 sites olympiques prévus n'a été touché par les incendies qui ont débuté le 7 janvier. Mais les flammes se sont dangereusement rapprochées du Rose Bowl, le stade qui doit accueillir une partie du tournoi de football, et du Riviera Country Club, où se dérouleront les épreuves de golf. Les 46 000 étudiants du campus de l'université UCLA, qui doit devenir le village olympique en 2028 et avoisine le quartier de Pacific Palisades, ont dû être évacués "en raison de la mauvaise qualité de l'air", rapporte le Los Angeles Times.

Et si les infrastructures sportives des Jeux de 2028 échappaient cette fois-ci aux feux, de tels incendies sont appelés à se reproduire, du fait du réchauffement climatique d'origine humaine et de ses conséquences dans une région particulièrement sèche. Pour l'économiste du sport Jadrian Wooten, professeur à l'université Virginia Tech (Etats-Unis) et cité par le New York Times, la question centrale dans les mois et les années à venir sera la part de ses ressources que Los Angeles consacrera "à revitaliser certaines zones pour les Jeux olympiques plutôt qu'à répondre aux destructions causées par les futurs incendies de forêt", expose-t-il, estimant qu'"il sera essentiel de trouver l'équilibre entre ces deux priorités".  

Simon Chadwick, professeur d'économie du sport à l'école de commerce Skema à Paris, parle dans le quotidien britannique The I Paper d'"un cauchemar financier". Il considère que "la situation actuelle pourrait se répéter, y compris pendant les Jeux", et se demande si l'édition 2028 de la compétition planétaire ne serait en train de devenir "un méga-événement non assurable". Les assurances annulation avaient déjà vu leur prix exploser depuis le report d'un an des Jeux de Tokyo, en pleine pandémie de Covid-19. Face à ces coûts prohibitifs, le Comité d'organisation de Paris 2024 avait renoncé à couvrir les éventuelles pertes financières d'une annulation de l'événement ou de certaines épreuves.

Dans un été 2028 qui s'annonce à très haut risque, les Jeux de Los Angeles semblent prendre le même chemin. Peuvent-ils être forcés à imaginer un autre format ? "Sur les Jeux de Tokyo, on n'imaginait pas faire des JO sans public, l'Open d'Australie a été impacté par les incendies", rappelle à franceinfo Mael Besson, ancien responsable de transition écologique au ministère des Sports français. "Ce n'est pas impossible que Los Angeles doive repenser l'événement en catastrophe de manière minimaliste."

Donald Trump veut toujours les "plus grands Jeux" de l'histoire 

Mark Dyreson, spécialiste de l'histoire du sport à l'université de Pennsylvanie (Etats-Unis), interrogé dans le New York Post, va même jusqu'à considérer l'hypothèse de réorganiser les Jeux à Paris : "Ce serait malheureux, mais je suis sûr qu'ils ont une sorte de comité – le CIO est une énorme bureaucratie – qui étudie toutes les éventualités."

Le gouverneur de Californie, Gavin Newsom, est loin d'en être là. Samedi, il était interrogé sur la chaîne NBC au sujet du maintien de l'événement, mais aussi des huit rencontres la Coupe du monde de football 2026 et du Superbowl 2027 prévus à Los Angeles. "À mon humble avis, et il ne s'agit pas d'un optimisme naïf, cela ne fait que renforcer l'impératif d'agir rapidement, dans un esprit de collaboration et de coopération", a-t-il déclaré. "C'est pourquoi nous organisons déjà un plan Marshall et nous avons déjà une équipe chargée de réimaginer LA 2.0", a ajouté le démocrate.

Pour Donald Trump, la question est toute vue : le président-élu maintient sa volonté d'organiser "les plus grands Jeux" de l'histoire. C'est en tout cas ce qu'il a déclaré à Casey Wasserman, président du Comité d'organisation des Jeux de Los Angeles, qui a rencontré le républicain dans sa résidence floridienne de Mar-a-Lago mercredi, rapporte le site d'informations Axios. Casey Wasserman lui-même se montre confiant : "Lorsque Los Angeles accueillera le monde en 2028, notre esprit brillera plus fort que jamais." 

    Commentaires

    Connectez-vous ou créez votre espace franceinfo pour commenter.