: Témoignage franceinfo Turquie : six mois après le putsch manqué, une victime des purges dénonce "un lynchage social"
Rencontre à Istanbul avec Naciye, une infirmière visée par la purge menée après la tentative de coup d'Etat en Turquie en juillet dernier.
Le 15 juillet 2016, il y a six mois jour pour jour, la Turquie était secouée par une tentative de putsch suivie, en réaction, d’une vague de répression : limogeages et incarcérations au sein de l’armée, la police, la justice mais pas seulement. En six mois, les purges ont touché plus de 100 000 fonctionnaires, 6 000 encore le week-end dernier, y compris dans l’Education ou encore la Santé. Des Turcs loin d’être tous impliqués dans le coup d’Etat manqué et qui ne savent souvent même pas ce qu’on leur reproche. C’est le cas de Naciye. Infirmière dans un centre de soin d’Istanbul jusqu'au 29 octobre dernier, elle vit depuis un véritable cauchemar social. Franceinfo l’a rencontrée.
Plus d'emploi ni de sécurité sociale
En roulant une cigarette à la terrasse d’un café, elle raconte comment son cœur s’est emballé, comment sa voix s’est mise à trembler, lorsqu’elle a appris la nouvelle, tombée un samedi soir vers 23h. Deux amis l’ont appelée pour lui dire que son nom figurait sur le décret-loi tout juste paru au Journal officiel, accusée au milieu de milliers d’autres de liens avec une organisation terroriste, sans plus de précisions.
Pour retravailler, il faudrait que je justifie que je ne suis pas terroriste. En gros, c’est un lynchage social
Naciye, infirmière visée par la purge en Turquieà franceinfo
Après une nuit sans sommeil, elle appelle son chef de service qui lui dit que ce n’est plus la peine de venir au travail. C’est le début d’un cauchemar. "Je ne peux pas toucher d’indemnités de chômage parce que mon nom a été associé au terrorisme. Ma sécurité sociale, elle, s’arrête dans un mois. Et je crains de ne pas pouvoir toucher ma retraite complémentaire", témoigne Naciye. "La fonction publique m'est complètement fermée et je suis en position de ne travailler dans aucun organisme de santé privé", poursuit-elle.
Considérée comme une paria dans son entourage
La quadragénaire dynamique, aux cheveux cuivrés, détaille aussi comment sa mise au ban a affecté tout un pan de ses relations sociales. Ses collègues ont coupé les ponts par peur de subir le même sort, certains amis ont rompu sur Facebook et elle hésite même à aller voir sa famille. Et en évoquant notamment son lien paternel altéré, Naciye ne peut retenir une larme.
Je pense que mon père a honte de ma situation. Il habite dans une petite ville où tout le monde se connaît
Naciyeà franceinfo
D'autres proches, ceux qui partagent ses opinions politiques, l’ont toutefois soutenue. Son syndicat lui verse même la moitié de son ancien salaire. D’après l’organisation, plus de 2 000 limogés bénéficient de ce soutien. Naciye, elle, est aussi aidée par les organisations féministes auprès desquelles elle milite. L’une d’entre elle a prévu de l’embaucher à mi-temps.
Un sentiment d'injustice et d'impuissance
Mais ça n'enlève pas l'incompréhension. Pourquoi son nom a-t-il atterri sur la liste noire ? Plus de deux mois après, elle n’a toujours pas de réponse, aucun acte d’accusation.
Je ne sais pas ce qui m’est reproché. Je ne sais pas à quelle organisation terroriste je suis accusée d’appartenir
Naciyeà franceinfo
"C’est peut-être pour ce que j'ai écrit sur les réseaux sociaux ?", s'interroge la fonctionnaire. "J’ai une fois dit que l’Etat était assassin, par rapport au conflit avec les Kurdes. J’ai aussi participé à des manifestations féministes pour protester contre le lynchage d’une enseignante", raconte-t-elle. Rien à voir donc avec la confrérie islamique accusée d'avoir fomenté le coup d’Etat manqué. Naciye est de toute façon athée depuis l’âge de 15 ans.
Non mariée, sans enfant, Naciye n’est certes pas dans les canons du pouvoir islamo-conservateur mais elle n’avait jamais été visée jusqu’à présent par aucune procédure. Son seul espoir désormais c’est la fin de l'état d'urgence, instauré dans la foulée de la tentative de coup d’Etat, qui lui permettrait d’intenter des recours en justice pour tenter de restaurer sa dignité.
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