: Témoignage "J'ouvre un peu la voie aux autres" : blessé lors de l’explosion à Beyrouth, Malek est la première victime indemnisée par la France

Il y a cinq ans jour pour jour, l'explosion du port de Beyrouth coûtait la vie à plus de 200 personnes et en blessait 6 500. Une famille de victimes franco-libanaise vient d'apprendre qu'elle allait être indemnisée par la France. L'un des fils, Malek Mehio, a été gravement blessé lors de l'explosion. Cette annonce le soulage mais ce n'est qu'un début pour lui.

Quand on voit Malek s'installer en terrasse d'un café à Paris où il vit aujourd'hui, on ne se doute pas de ce que ça lui coûte de se déplacer. "Je fais des efforts monstres tout le temps depuis qu’il y a eu l'explosion, raconte le jeune homme de 26 ans. Il n'y a pas un jour où je ne fais pas des exercices chez moi pour que ça aille mieux. C'est un poids dans ma vie qui je n'aurais pas voulu avoir mais comme on me l'a imposé, c'est comme ça."

Le jeune homme décrit le handicap avec lequel il vit depuis maintenant cinq ans : "J'ai perdu le nerf sciatique poplité externe, qui relève le pied. Donc quand je marche, je trébuche. J'ai des douleurs fantômes et aussi d'autres douleurs au niveau de la cuisse, toute la jambe droite."

"Je vois encore l'explosion comme si c'était hier"

Le jour de l'explosion, Malek, alors étudiant à Paris, rend visite à ses parents à Beyrouth. Ils sont dans la véranda de l'appartement familial, à deux kilomètres du port quand le souffle les atteint. Malek est le plus gravement blessé, il en garde un stress post-traumatique. "L'explosion, je la vois encore dans ma tête comme si c'était hier, raconte le jeune homme. Les images, je les ai encore devant moi. Tous les matins, quand je me réveille, je vois mes cicatrices sur toute la jambe."

Savoir que lui et sa famille vont pouvoir toucher une indemnisation de la part de l'Etat français, c'est une étape pour lui : "D'une certaine façon, j'ouvre un peu la voie aux autres parce que mon cas, avec ma famille maintenant, fait office de jurisprudence pour les autres." Mais il a du mal à se sentir réellement soulagé. "Autant, mes parents, ça leur fait un soulagement, explique-t-il. Eux, c'est aussi davantage sur le côté financier et le fait d'avoir redémarré à zéro. Cela peut les aider, mais moi, c'est bizarre à dire, mais depuis l'explosion, c'est comme si mes sentiments étaient plus enfouis."

"Même si on m'indemnise aujourd'hui, j'ai 26 ans et je dois vivre ma vie dans cet état-là. Je doute qu'il y ait une indemnisation qui suffise à ça."

Malek Mehio, 26 ans

à franceinfo

Malek attend surtout de voir l'enquête judiciaire aboutir : "J'ai besoin de justice. J'ai besoin de savoir qu'il y a une fin et que  les gens sont punis pour ce qu'ils ont fait. Sinon, ça voudrait dire que ça peut se reproduire et ça signifierait que demain s'il y a une autre explosion, ça passera. Et c'est non, rien que pour moi, mais aussi pour les autres."

C'est pourquoi il s'oblige cinq ans après, à continuer à prendre la parole en France, où une instruction est également en cours, pour que l'explosion du port de Beyrouth ne tombe pas dans l'oubli. L'avocate qui représente Malek Mehio espère que cette décision fera jurisprudence. Elle attend d'ailleurs aujourd'hui une décision de la commission d'indemnisation des victimes d'infraction pour une autre famille de victimes.