: Reportage "On veut juste mourir avec nos enfants" : le désespoir des travailleurs gazaouis bloqués en Cisjordanie
Des dizaines de milliers de Gazaouis qui travaillaient en territoire israélien sont restés coincés après l’attaque du 7 octobre. Coupés de leur famille, certains craquent.
Les yeux rivés sur leur téléphone portable, ils attendent anxieux des nouvelles de leurs proches. Dans ce centre sportif mis à disposition par la municipalité de Ramallah, en Cisjordles travailleurs de Gaza tournent en rond. "On n’est pas coupable dans cette histoire... On a quitté Gaza avec la permission d’Israël", s’indigne Raed.
Depuis que la guerre a éclaté entre le Hamas et Israël, 18 000 travailleurs Gazaouis, qui avaient des contrats de travail en territoire israélien, ont été contraints de rester sur place après le 7 octobre. Israël a commencé à les renvoyer par milliers à Gaza, malgré les bombardements sur l’enclave palestinienne. Mais pour ceux qui sont toujours bloqués en Cisjordanie, l’attente est devenue insupportable.
Plombier de profession, Raeede est en colère contre l’Autorité palestinienne, qui n’assure pas des conditions d’hébergement décentes. " On souffrait à Gaza, on a souffert en Israël et maintenant on souffre avec nos frères palestiniens."
"À chaque appel, on apprend la mort d’un proche : un fils, un frère, un cousin, un grand-père. Trouvez une solution pour qu’on revienne chez nous en sécurité !"
Raeede, un plombier gazaoui coincé en Cisjordanieà franceinfo
Comme les communications avec l’enclave palestinienne sont régulièrement coupées à cause des bombardements israéliens, il devient compliqué d'obtenir des nouvelles depuis Gaza. Dès qu’internet est rétabli, Ahmed envoie des messages à sa femme. "Là, je lui dis : 'maintenant, tu joues à la fois le rôle du père et de la mère, donne-leur tout ce qu’ils veulent'", confie Ahmed, qui a trois enfants. "Là je lui dis : 'prends soin des enfants, internet risque d’être coupé. Prends soin d’eux et envoie-moi un message pour me rassurer'".
Cet homme, qui est présent sur place depuis 200 jours, n'en peut plus. "Qui va nous ramener chez nous ? On ne veut plus de permis de travail, on ne veut rien. On veut juste mourir avec nos enfants", lâche-t-il.
Les séquelles psychologiques de l'éloignement
Cairo Arafat est psychologue. Cette Palestinienne est née et a grandi aux États-Unis et est revenue en Cisjordanie après la première Intifada. Cairo Arafat s’est proposée pour venir en aide à ces travailleurs Gazaouis et pour tenter de soigner leur traumatisme. "Ces hommes sont comme tous les pères, partout ailleurs dans le monde. Leur priorité absolue est de prendre soin de leur famille. Ils travaillaient en Israël dans des conditions très difficiles. Ils étaient maltraités, mais ils le faisaient pour assurer un revenu à leur famille. Et ce sont ces mêmes personnes qui aujourd'hui ne sont plus en mesure de s'occuper de leurs enfants et de leur famille, d'être là pour les protéger", explique-t-elle. "Beaucoup d’entre eux font des cauchemars", poursuit la psychologue qui décrit les effets dévastateurs de l’éloignement.
"Nombre d’entre eux ont des problèmes alimentaires. La simple idée de manger alors que vous savez que votre famille n'a rien à manger, c'est très difficile."
Cairo Arafat, psychologueà franceinfo
Elle nous raconte une histoire qui l’a particulièrement marquée, celle d’un jeune homme dont la femme avait décidé de quitter leur maison à Gaza pour mettre à l’abri leurs trois enfants. Elle devait le rappeler une fois en sécurité. Il n’a jamais reçu d’appel. "Il se demande : est-elle partie ? A-t-elle posé le téléphone là où ont-ils été bombardés ? Nous ne le savons tout simplement pas. Et personne ne sait même où ils sont. Il se répète chaque fois dans la tête un scénario puis un autre scénario", raconte la psychologue.
"Il commence même à douter de ses propres souvenirs, des dernières choses qu'il a entendues de sa femme et de ses enfants. Et c'est en train de le tuer. Je lui ai dit : essayons de trouver comment tu peux t’endormir. Et il m’a répondu : 'Je ne peux pas dormir parce que c'est ainsi que je leur rendrai hommage'", conclut-elle.
Tous les travailleurs que nous avons rencontrés ont un seul souhait : repartir à Gaza pour retrouver leurs proches.
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