"Gaza est en train d'être affamée" : Mark Ruffalo, Nicola Coughlan, Jim Jarmusch, Ai Weiwei, Juliette Binoche... les artistes sonnent de nouveau la mobilisation

Le collectif Artists4Ceasefire est une nouvelle fois monté au créneau alors que les organisations humanitaires dénoncent la famine, devenue plus létale que les armes et les bombes dans l'enclave palestinienne.

Article rédigé par Falila Gbadamassi
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié
Temps de lecture : 8min
Muhammad Zakariya Ayyoub al-Matouq, un enfant d'un an et demi, confronté à une malnutrition potentiellement mortelle alors que la situation humanitaire s'aggrave en raison des attaques et du blocus israéliens sur Gaza, le 21 juillet 2025. (AHMED JIHAD IBRAHIM AL-ARINI / ANADOLU)
Muhammad Zakariya Ayyoub al-Matouq, un enfant d'un an et demi, confronté à une malnutrition potentiellement mortelle alors que la situation humanitaire s'aggrave en raison des attaques et du blocus israéliens sur Gaza, le 21 juillet 2025. (AHMED JIHAD IBRAHIM AL-ARINI / ANADOLU)

"Exprimez-vous maintenant, Gaza est en train d'être affamée", a appelé mercredi 23 juillet le collectif Artists4Ceasefire réunissant des personnalités culturelles, américaines en majorité mais également issues du monde entier. Une série de messages ont été postés sur les réseaux sociaux et relayés notamment par les comédiens Mark Ruffalo, Nicola Coughlan, Natasha Rothwell ou encore Mo Amer, humoriste américain d'origine palestinienne.

"Deux millions de Palestiniens à Gaza sont confrontés à des niveaux de famine sans précédent, non pas en raison d'une catastrophe humanitaire, mais à cause du blocus imposé par Israël sur la nourriture, l'eau, le carburant et les médicaments, souligne Artists4Ceasefire. Des enfants commencent à mourir de faim", peut-on lire sur la page Instagram du collectif qui lance un appel "à tous les artistes". "Il n'est pas trop tard pour s'exprimer", invite Artists4Ceasefire, "collectif d'artistes et de militants qui se sont réunis en réponse à la crise humanitaire qui se déroule en Israël et en Palestine".

"Au nom de notre humanité commune"

Parmi eux, les acteurs Cate Blanchett, Richard Gere, Juliette Binoche, Omar Sy, Tahar Rahim, Ella Rumpf, Joaquin Phoenix, Pedro Pascal, Susan Sarandon, Bradley Cooper, Brian Cox, Alyssa Milano, Ayo Edebiri, Jeremy Allen White, Jeremy Strong, Jessica Chastain, Kristen Stewart, Lily Gladstone, Lupita Nyong’o, Milla Jovovich, Marcia Cross, Priyanka Chopra Jonas, Sandra Oh ou encore Hend Sabry. Les musiciens et comédiens Jennifer Lopez, Janelle Monáe, Selena Gomez, Billie Eilish, Cynthia Erivo, Ariana Grande et Mandy Patinkin, la sitariste Anoushka Shankar, le rappeur Drake, les chanteuses Patti Smith, Nelly Furtado et Dua Lipa font aussi partie du collectif. Tout comme les cinéastes Ryan Coogler, Alfonso Cuarón, Jim Jarmusch, Yorgos Lanthimos, Zoe Chao, Michael Moore, Payal Kapadia, Mira Nair, Guy Pearce et Jordan Peele. La mannequin Bella Hadid, l'artiste Ai Weiwei ainsi que la militante et écrivaine MalalaYousafzai ont rejoint Artists4Ceasefire.  

"Nous appelons nos collègues artistes à s'exprimer au nom de notre humanité commune, pour mettre fin à la souffrance et aux tueries sans fin, exhorte encore le collectif. Nous devons dire haut et fort que nous ne sommes pas d'accord avec nos dirigeants et nos gouvernements qui se rendent complices de ces actes horribles".

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Depuis le début du conflit à Gaza, les artistes appellent à un cessez-le-feu et à la fin du blocus humanitaire dont fait l'objet l'enclave palestinienne. En octobre 2023, Artists4Ceasefire "s'est fait l'écho de l'appel de millions de personnes à travers le monde, exigeant de nos dirigeants qu'ils agissent pour obtenir un cessez-le-feu permanent, la libération de tous les otages et l'acheminement d'une aide vitale pour les civils de Gaza", rappelle le collectif sur son site. La lettre ouverte adressée à l'origine à l'ancien président américain Joe Biden n'a cessé depuis d'être d'actualité et les pins rouges d'Artists4Ceasefire essaiment depuis des mois sur les tapis rouges.

Le cri d'alarme du collectif fait suite à bien d'autres depuis ces dernières heures. Mercredi, plus d'une centaine d'organisations alertait sur la propagation d'une "famine de masse" dans la bande de Gaza. "Les habitants de Gaza, qui ont survécu aux bombes et aux balles meurent de faim", notait le 21 juillet sur X (ex-Twitter) Jonathan Whittall, chef du bureau humanitaire de l’ONU (OCHA) pour le territoire palestinien occupé.

"Hier, les forces israéliennes ont de nouveau tiré sur des foules qui attendaient des camions d'aide. Les hôpitaux font état de plus de 80 morts. Les affamés sont arrivés en même temps que les blessés. Il semble qu'il n'y ait pas de limites à cette cruauté".

Une cruauté illustrée le 21 juillet par la Société des journalistes de l'Agence France Presse (AFP) qui a alerté sur le sort de ses rares correspondants à Gaza, qui ne pouvaient plus travailler parce qu'affamés. 'Depuis que l’AFP a été fondée en août 1944, nous avons perdu des journalistes dans des conflits, nous avons eu des blessés et des prisonniers dans nos rangs, mais aucun de nous n’a le souvenir d’avoir vu un collaborateur mourir de faim. Nous refusons de les voir mourir''. L'AFP, la BBC, Reuters et Associated Press (AP) ont demandé jeudi 24 juillet aux autorités israéliennes de laisser la presse accéder à l'enclave palestinienne. Depuis le début de la guerre, seuls les journalistes palestiniens sont en position de couvrir le conflit. 

Prise de risque

Artists4Ceasefire n'est pas le seul collectif d'artistes qui réclame la fin du conflit. En Grande-Bretagne, Artists for Palestine est aussi monté au créneau pour demander la fin de la guerre. "Plus de 2 190 artistes, travailleurs culturels et organisations culturelles britanniques issus de tous les domaines artistiques ont ajouté leur nom à la 'Déclaration des artistes pour la Palestine' afin de mettre fin à la complicité avec l'injustice, l'apartheid et le génocide."

Les prises de position des artistes sont aussi individuelles comme celle du chanteur et comédien Eric Cantona. De même, en juin dernier, le collectif d’artistes français (La) Horde s'était retiré, à l'instar d'autres interprètes, de la programmation du festival Sónar, en Espagne. "Comment cela a-t-il (ce qui arrive aux enfants et aux civils à Gaza) pu vous arriver, à vous et à vos ancêtres, et (...) vous faites la même chose à quelqu'un d'autre ?", s'est indigné récemment l'acteur et chanteur juif américain Mandy Patinkin à propos de la guerre menée par Israël à Gaza. Il a estimé que le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu "mettait en danger" Israël mais surtout les Juifs du monde entier. 

Cependant, les prises de position contre Israël et sa politique à Gaza ont un coût pour les artistes. Au début du conflit, la comédienne Susan Sarandon avait été évincée de son agence United Taent Agency pour avoir tenu des propos controversés lors de manifestations pro-palestiniennes aux Etats-Unis. 

Le mois dernier, Mo Chara, l'un des membres du groupe Kneecap, a été accusé pour "infraction terroriste" par les autorités britanniques pour s'être couvert d'un drapeau du Hezbollah lors d'un concert à Londres. En avril dernier, le groupe irlandais de rap Kneecap avait appelé au festival Coachella à une Palestine libre et proclamé qu'Israël commettait un génocide à Gaza avec le soutien des États-Unis. En amont de leur participation au prestigieux festival de Glastonbury, le Premier ministre britannique Keir Starmer, rapporte The Guardian, avait estimé que leur apparition "inappropriée". En parallèle, ils avaient reçu le soutien d'une centaine de musiciens pour leur future performance. 

Les groupes Massive Attack, Fontaines DC et Kneecap ainsi que le musicien Brian Eno ont ainsi annoncé, rapporte le journal britannique (lien en anglais), la création d'un syndicat d'artistes qui dénoncent l'offensive militaire israélienne sur Gaza. Objectif : protéger ceux qui sont victimes, comme eux, de "menaces visant à les réduire au silence ou à mettre fin à leur carrière"

Outre les prises de position individuelles, les lettres ouvertes se sont multipliées ces dernières semaines. Trois cents écrivains francophones ont, en mai dernier dans les colonnes de Libération, appelé à "nommer le 'génocide' "(Nouvelle fenêtre) dans la bande de Gaza. De même, le monde du cinéma avait dénoncé "le silence" sur Gaza à la veille de l'ouverture du Festival de Cannes. 

La mobilisation du monde culturel pour Gaza s'inscrit dans une longue tradition. Les artistes espagnols s'étaient mobilisés en 2014 pour dénoncer déjà "le génocide" mené par l'opération de l'armée israélienne baptisée "Bordure protectrice". 

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