: Avant/Après Visualisez comment l'armée israélienne ravage les terres agricoles dans la bande de Gaza, aggravant l'insécurité alimentaire dans la région
Dans le nord de l'enclave palestinienne, 35% des zones arables auraient été détruites, selon le centre satellitaire des Nations unies.
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L'inquiétude ne cesse de monter à propos de la sécurité alimentaire dans la bande de Gaza. De récentes images satellite ont montré les dégâts provoqués par l'opération terrestre menée par l'armée israélienne sur les vergers et les serres situés dans le nord et l'est de l'enclave. C'est là, loin des zones urbaines concentrées le long de la mer, qu'est situé l'essentiel des 185 km2 de terres agricoles. "L'armée israélienne a déclaré ces dernières semaines avoir mené des opérations militaires dans la région de Beit Hanoun, notamment dans une zone agricole non divulguée, pour dégager des tunnels et d'autres cibles militaires", a confirmé l'organisation internationale Human Rights Watch sur le réseau social X (ex-Twitter), lundi 4 décembre.
Même constat dans le Nord-Ouest, près du village d'As-Siafa, situé à la frontière avec l'Etat hébreu. Les bulldozers y ont creusé de nouvelles routes, ouvrant la voie aux véhicules militaires israéliens, détruisant au passage une partie des moyens de subsistance des Gazaouis. Une stratégie délibérée, analyse Taher Labadi, chercheur à l'Institut Français du Proche-Orient, en poste à Jérusalem. "Même s'il est difficile de connaître les intentions de l'armée israélienne, on peut s'appuyer sur de précédents exemples pour établir qu'il y a une volonté explicite de sa part de s'en prendre aux ressources économiques de la bande de Gaza", explique-t-il à franceinfo.
Ce n'est pas la première fois que l'armée dégrade, sans raison apparente, des terres agricoles. Un rapport de la Mission d'établissement des faits (document PDF) de l'Organisation des Nations unies sur le conflit de Gaza portant sur les opérations militaires israéliennes menées dans l'enclave du 27 décembre 2008 au 18 janvier 2009 avait déjà pointé du doigt ces pratiques. "Des bulldozers blindés des forces armées israéliennes ont systématiquement rasé les poulaillers, tuant les 31 000 volailles qui s'y trouvaient, et ont détruit les bâtiments et le matériel nécessaire au fonctionnement de l'exploitation. La Mission conclut qu'il s'agissait d'un acte délibéré de destruction arbitraire qui ne se justifiait par aucune nécessité militaire", détaille le rapport.
D'une agriculture de subsistance à celle de résistance
Pourquoi viser de telles installations ? "Ces pratiques visent à augmenter la pression sur la population et, par extension, sur le Hamas", décrypte Taher Labadi. À ce titre, l'ONG Oxfam a dénoncé le 26 octobre l'utilisation de la famine comme arme de guerre sur la population gazaouie.
Mais une autre raison, plus politique, existe. Une partie du secteur de l'agriculture de Gaza s'est développée en autarcie, pour dépendre le moins possible d'Israël. " À partir des années 2006 et 2007, le gouvernement de Gaza tenu par le Hamas a explicitement promu dans ses programmes une agriculture résistante directement destinée à la consommation locale, qui valorise des cultures qui nécessitent peu d'eau et de place", rappelle le chercheur. Le but était de minimiser le recours aux importations d'engrais et de pesticides en provenance d'Israël en développant une agriculture plus biologique et durable.
Une pratique en rupture totale avec celle mise en place par Israël ou l'Autorité palestinienne avant 2006. A l'époque, la politique agricole misait sur une spécialisation sur certains produits, comme les tomates cerises, les fraises et les fleurs, toutes destinées à l'exportation. "L'agriculture représenterait aujourd'hui moins de 10% du PIB de la bande de Gaza, mais en réalité, il existe toute une économie que nous n'arrivons pas à formaliser et à chiffrer. Il vaut mieux parler d'une agriculture de subsistance, qui ne génère pas beaucoup de revenus et d'emplois, mais qui permet néanmoins de couvrir une part importante des besoins alimentaires de ce territoire", explique Taher Labadi.
Environ 15% des terres arables significativement dégradées
L'espace étant limité et la densité de population extrêmement forte, il a fallu redoubler d'idées ingénieuses pour nourrir les 1,9 million d'habitants. D'autant plus que l'accès à environ 35% des terres arables de Gaza et 85% des zones maritimes de pêche demeure restreint par la "zone tampon" mise en place par Isräel.
Les terrains précédemment utilisés pour les cultures de fraises et de tomates cerises ont donc été réutilisés pour planter des fruits et légumes dont la demande en eau est faible. Les oliviers et les palmiers dattiers se sont ainsi développés en masse, "car ils consomment relativement peu d'eau et s'accommodent d'une eau salée", ajoute Taher Labadi. Les agronomes à Gaza ont développé des techniques de culture en étages pour gagner de la place au sol. Enfin, le recours à l'hydroponie a permis de transformer les toits et les balcons en véritables potagers. "Les seuls secteurs encore entièrement dépendants de l'importation sont ceux de la viande rouge et des graines (blé, riz), car cela nécessite trop de place", détaille le chercheur.
Dans un rapport (document PDF) établi à partir d'images satellite datant de 2021, l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture a réussi à déterminer la répartition des différents types de cultures dans l'enclave palestinienne. D'après cette étude, 32,32% de la bande de Gaza serait couvert de vergers produisant majoritairement des agrumes, du citron, des dattes, des olives et des amandes, 5,97% par des cultures irriguées (fraises, tomates, carottes, concombres, etc.) et 5,18% par des zones agricoles dites pluviales, c'est-à-dire qui suivent le cycle des précipitations annuelles.
Depuis le 7 octobre, la surface de ces terres agricoles n'a cessé de diminuer. Le centre satellitaire des Nations unies affirme sur son site qu'environ 15 % des terres arables de la bande de Gaza ont présenté une baisse significative de leur santé et de leur densité en novembre 2023 par rapport à la moyenne des six années précédentes. Ces destructions sont plus présentes dans le Nord, où 35% des terres ont été touchées.
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