Gaza : "J'ai l'impression d'être sorti de l'enfer"

Youssef 55 ans. Cheveux gris, visage très marqué, il vient de traverser, avec sa femme et ses deux garçons de 2 et 6 ans, le corridor grillagé d’Erez au pas de course. Il y avait le bruit des roquettes, celui des anti-missiles. Ce Palestinien installé à Gaza depuis 20 ans doit ce qu il appelle sa "sortie de l’enfer" à son  passeport britannique. 

"Je suis soulagé. C’était horrible. Les combats, les bombes, les chars, c’est de pire en pire. Mes enfants ne supportaient plus. Le petit qui était propre ne l’est plus. Le grand se bouche les oreilles en permanence" , raconte le quinquagénaire qui, en temps de paix, travaillait dans une clinique privée de Gaza ville. "Je suis parti en laissant de l’autre côté beaucoup d’amis. J’ai le sentiment de les trahir J’aurais voulu tous les emmener. Mais comment aurais-je pu faire ?"  ajoute-t-il.

Il insiste pour qu’on dise bien dans notre reportage qu’il est très reconnaissant des efforts faits pour lui par  l’ambassade du Canada pour le sortir de là. C’est le consulat du Canada qui prend en effet charge tous les ressortissants du Commonwealth, et donc Youssef et sa famille. Ils montent dans un bus. Direction : la Jordanie, où des amis vont les accueillir - le temps de se remettre de ces treize jours d’horreur et d’angoisse.

"Je ne sais pas si je reverrai ma mère"

Derrière Youssef, deux femmes qui viennent, elles aussi, de faire la traversée, sont en larmes. Il y a Rana, 34 ans. Rana a également les yeux rouges mais elle esquisse un sourire. Si elle a pu sortir avec ses six enfants, c’est parce que  son mari est espagnol . Dans le hall du terminal, Rana profite que ses plus grandes filles se sont un tout petit peu éloignées pour nous raconter comment elle joue la comédie devant elles pour les rassurer, comment elle se retenait de sursauter quand une bombe tombait dans le quartier pour éviter de les inquiéter un peu plus.

"Ma mère n’a pas la nationalité espagnole, elle. Vous l’auriez vu ce matin quand on a dû la laisser. Elle n’arrêtait pas de pleurer. Moi aussi d’ailleurs. C’est que je ne sais pas si je la reverrai un jour maintenant. J’ai très peur pour elle" , confie la mère de famille rongée par la culpabilité.

Neuf Français également évacués

Madrid a tout mis en œuvre pour que Rana puisse quitter Gaza. C’est Isidro Gonzalez, vice-consul d’Espagne à Jérusalem, qui l’accueille avec une accolade, quelques bouteilles d’eau  et  des sandwichs. "Là, on vient de réussir à faire passer une soixantaine de Palestiniens qui sont nos compatriotes espagnols. Il en reste une quinzaine bloqués. On va tout faire pour les sortir eux aussi ces prochains jours. Mais ça n’est pas simple. Le kilomètre à parcourir entre les deux zones est souvent attaqué" , explique le diplomate.

Au compte-gouttes arrivent ainsi de Gaza des palestiniens avec passeports allemands, roumains, canadiens... Neuf Français ont aussi été rapatriés la semaine dernière. 40 autres sont toujours à l’intérieur. Il s’agit de résidents ou bien d’humanitaires, qui pour le moment souhaitent rester de l’autre côté.