Espionnage pour la Chine : on vous explique l'affaire qui a conduit à l'arrestation d'un assistant d'un eurodéputé allemand d'extrême droite
Jian Guo, employé par l'AfD, est suspecté d'avoir partagé des informations émanant du Parlement européen. Ces accusations, que Pékin rejette, interviennent en pleine campagne pour les élections européennes.
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Le Parlement européen au cœur d'une affaire d'espionnage ? Le parquet fédéral allemand a annoncé mardi 23 avril l'arrestation d'un assistant de Maximilian Krah, eurodéputé allemand de l'AfD (Alternative pour l'Allemagne, extrême droite), en raison de soupçons d'espionnage en faveur de Pékin. Jian Guo est accusé d'avoir transmis des renseignements sur des opposants chinois en Allemagne et d'avoir partagé des informations sur le Parlement européen avec un service de renseignement chinois. La justice allemande a annoncé mercredi avoir ouvert deux enquêtes préliminaires, pour soupçons de financements russes et chinois, à l'encontre de Maximilian Krah. Franceinfo vous explique cette affaire qui intervient à quelques semaines des élections européennes (9 juin).
Des informations sur le Parlement européen "transmises" à Pékin
Il travaillait pour Maximilian Krah à Bruxelles depuis 2019. Sur le site internet du Parlement européen, Jian Guo, un ressortissant allemand, fait partie de la liste des assistants accrédités de l'eurodéputé, tête de liste de l'AfD aux prochaines élections européennes du 9 juin. Il a été arrêté lundi à Dresde (est de l'Allemagne), et son domicile a été perquisitionné. Il aurait "transmis en janvier 2024 à plusieurs reprises des informations sur les négociations et les décisions du Parlement européen à son client du service de renseignement" chinois, a expliqué, mardi, le parquet fédéral.
Jian Guo a été suspendu du Parlement avec effet immédiat, "compte tenu de la gravité des révélations", a assuré un porte-parole de l'instance. Maximilian Krah a, lui, signifié qu'il s'était séparé de Jian Guo. Selon les recherches effectuées par la télévision publique allemande, il n'est pas un inconnu des services de renseignement allemands à qui il avait proposé, sans succès, ses services en tant qu'informateur il y a au moins dix ans. Par ailleurs, les autorités allemandes ont arrêté lundi trois autres ressortissants également accusés d'espionner pour le compte de la Chine, tandis que deux hommes ont été inculpés à Londres (Royaume-Uni) pour des suspicions similaires.
Nouveau coup dur pour le parti d'extrême droite allemand
Le parti d'extrême droite allemand s'est efforcé mercredi de limiter les dégâts. Le mouvement anti-migrants et anti-euro a décidé de maintenir en fonction sa tête de liste en vue des élections européennes de juin, Maximilian Krah. Ce dernier a estimé ne pas avoir commis de "faute" et a renvoyé toute la responsabilité de l'affaire sur son assistant. Toutefois, "afin de ne pas nuire à l'image du parti", il ne participera pas au lancement de la campagne des européennes de l'AfD prévu ce week-end. Le mouvement est actuellement deuxième dans les sondages portant sur le scrutin, rappelle le site Politico.
Cette arrestation et ces accusations ont été jugées "très préoccupantes", par le parti, qui a annoncé la convocation de l'eurodéputé pour s'expliquer à Berlin auprès des instances dirigeantes. "Comme nous ne disposons actuellement d'aucune autre information sur cette affaire, nous devons attendre la suite de l'enquête menée par le procureur général", avait ajouté l'AfD. Ce scandale s'ajoute à celui impliquant certains législateurs européens, qui auraient accepté de l'argent pour diffuser des positions prorusses sur un site web d'information financé par Moscou, et auquel Maximilian Krah était déjà associé.
La ministre allemande de l'Intérieur Nancy Faeser a qualifié l'affaire d'"extrêmement grave". Si elle se confirmait, "il s'agirait d'une attaque contre la démocratie européenne", a-t-elle déclaré dans un communiqué. Les députés de la coalition de centre-gauche du chancelier Olaf Scholz ont annoncé la tenue d'un débat jeudi au Bundestag sur le thème "Menace contre notre démocratie : la Russie, la Chine et le rôle de l'AfD".
Pékin dément formellement les accusations
Pékin, premier partenaire économique de l'Allemagne, qui a reçu la visite d'Olaf Scholz mi-avril, a nié en bloc les accusations. "La théorie de la menace d'un prétendu espionnage chinois n'est pas une chose nouvelle dans l'opinion publique européenne", a déclaré un porte-parole de la diplomatie chinoise, Wang Wenbin. Il a déploré une "calomnie" propre à "détruire l'atmosphère de coopération entre la Chine et l'Europe".
Pourtant, selon Emmanuel Véron, spécialiste de la Chine contemporaine, interrogé par franceinfo, "cette affaire révèle la dimension abyssale de l'action des services secrets chinois sur le territoire européen, et en particulier dans les démocraties occidentales". L'objectif de Pékin est de "défaire le lien transatlantique et de ramener à sa cause les démocraties occidentales d'Europe", a-t-il expliqué. D'après lui, "les extrêmes sont plus perméables pour déstabiliser, par la base, les formations politiques en Europe occidentale".
En France, le RN reste prudent, les partis de gauche demandent des sanctions
Les autres partis siégeant à Bruxelles n'ont pas tardé à réagir. Allié de l'AfD au Parlement, le Rassemblement national a assuré par la voix de son porte-parole, Sébastien Chenu, qu'il ne savait pas "ce qu'il y avait dans ce dossier". Expliquant sur franceinfo que le RN a "un certain nombre de divergences avec l'AfD", il a martelé qu'il n'avait "pas de problème à siéger avec des gens qui ont des divergences avec nous sur leur politique nationale".
Les écologistes européens, eux, ont pressé la présidente du Parlement européen, Roberta Metsola, d'accélérer l'enquête sur les liens entre certains députés et des puissances étrangères. "Les autocraties comme la Chine ou la Russie cherchent activement à miner nos démocraties en Europe. Il faut que cela cesse", a dénoncé la députée Terry Reintke dans un communiqué. "Les politiciens qui attaquent l'intégrité de nos démocraties doivent rendre des comptes", a-t-elle insisté.
Pour Manon Aubry, coprésidente du groupe de la gauche au Parlement européen, cette nouvelle affaire démontre une nouvelle fois l'urgence de réformes pour que l'institution se dote "de pouvoir d'enquête et de sanction". "Il faudra faire du combat pour l'éthique, un des combats majeurs du prochain mandat (...) pour que, une bonne fois pour toutes, l'éthique prime sur le fric", a ajouté la tête de liste de La France insoumise en conférence de presse.
De son côté, l'eurodéputé Raphaël Glucksmann, tête de liste des socialistes français aux élections européennes a souligné sur France 2 que "les extrêmes droites sont des patriotes de pacotille au service de tyrannies étrangères". "Ce n'est pas de la corruption, mais de la trahison", a-t-il asséné.
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