Reportage "On doit montrer que nous sommes prêts à collaborer avec l’Europe" : le Kosovo se prépare à accueillir des prisonniers du Danemark

Les sociaux-démocrates au pouvoir dans le pays scandinave compte appliquer la double peine pour ses délinquants étrangers : avant de les expulser vers leurs pays d’origine, Copenhague veut les envoyer dans les prisons du Kosovo, pays avec lequel il a signé un accord de dix ans.

Article rédigé par franceinfo - Louis Seiller
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La prison de Gjilan doit accueillir d'ici 2027 les prisonniers condamnés au Danemark de nationalité étrangère. (VALDRIN XHEMAJ / EPA)
La prison de Gjilan doit accueillir d'ici 2027 les prisonniers condamnés au Danemark de nationalité étrangère. (VALDRIN XHEMAJ / EPA)

Perchée sur une colline, au-dessus d’un village et de sa mosquée, la prison de Gjilan et ses murs en brique encore neufs doivent bientôt accueillir des détenus condamnés au Danemark… à 2 000 km du Kosovo. C'est la conséquence d'un accord conclu en 2022 et ratifié par les députés kosovars en 2024. "300 criminels venus du Danemark seront transférés dans cette prison", explique Ismail Dibrani, directeur des centres pénitentiaires du petit pays des Balkans. "Les lois danoises y seront appliquées avec un gouverneur danois. Mais bien sûr, le personnel sera kosovar".

Aucun des prisonniers envoyés par le Danemark ne doit avoir été condamné pour terrorisme ou crime de guerre, ni souffrir de maladie mentale ou d'une maladie incurable. Après avoir effectué leur peine au Kosovo, les prisonniers seront expulsés vers leur pays d’origine.

Un contrat à 200 millions d'euros, soit quatre fois le budget annuel du ministère de la Justice du Kosovo

En échange de l'accueil de 300 prisonniers condamnés au Danemark de nationalité étrangère, le Kosovo recevra 200 millions d'euros de la part de Copenhague. Dans l’un des pays les plus pauvres d’Europe, "200 millions d’euros, ce sont des revenus bienvenus", salue Arben Rexhipi, 52 ans. Selon lui, "ces accords diplomatiques sont importants : ils aident à la reconnaissance du Kosovo", dont l’indépendance est toujours contestée par le voisin serbe. À l'image d'Arben Rexhipi, beaucoup de Kosovars approuvent le projet.

Comme plusieurs pays membres de l’Otan, le Danemark a soutenu la construction du nouvel État kosovar, indépendant depuis 2008. Les autorités de Pristina présentent cet accord comme un moyen de rembourser une dette historique.

Ses arguments sont entendus au sein d’une société jeune, pro-occidentale, et tournée vers l’Europe. "Dans le passé beaucoup de pays étrangers et notamment européens ont beaucoup aidé le Kosovo", observe Festim, 23 ans. "On doit montrer que le Kosovo est prêt à collaborer avec l'Europe et qu’on peut faire des choses, nous aussi, en tant qu'État du Kosovo."

Alors que les six pays des Balkans occidentaux sont tenus à la porte de l’Union européenne depuis 20 ans, ce genre de projets controversés se multiplient dans la région. La militante des droits humains, Donika Emini, dénonce une dérive honteuse : "Ces accords d’externalisation transforment les Balkans en dépotoir des pays riches qui font ici ce qu’ils ne peuvent pas faire chez eux. C’est vraiment très problématique et hypocrite, notamment de la part d’un pays comme le Danemark."

Plusieurs pays confrontés à la surpopulation carcérale comme la Belgique ou la France se disent favorables à pouvoir, eux aussi, louer des places de prisons au Kosovo. En juin, le pays des Balkans a accepté d'accueillir sur son sol jusqu'à 50 ressortissants expulsés des États-Unis.

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