Reportage "C'est un travail de l'ombre" : en Ukraine, les drones servent aussi à ravitailler les troupes en première ligne

L'armée ukrainienne utilise d'anciens drones agricoles pour ravitailler ses soldats au front, de nuit pour éviter les attaques de drones russes.

Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Un drone ukrainien dans la région de Zaporijjia, le 23 mai 2025 (DMYTRO SMOLIENKO / NURPHOTO)
Un drone ukrainien dans la région de Zaporijjia, le 23 mai 2025 (DMYTRO SMOLIENKO / NURPHOTO)

En Ukraine, les drones ne servent pas seulement à surveiller ou à larguer des charges explosives sur l’ennemi, ils permettent aussi de ravitailler les soldats qui se battent en première ligne. Il est devenu trop dangereux d’amener des véhicules près du front, en raison des attaques de drones russes, la marchandise est donc transportée de nuit par les airs.

Leur drone s’appelle Baba Yaga, du nom de la sorcière qui peuple les légendes slaves. Celle-ci n’a pas de balai, mais six grands bras équipés d'hélices et une caméra thermique pour voir la nuit. Robuste, elle peut porter une dizaine de kilos.

Nourriture, cigarettes, eau, batteries pour radio...

Igor, 32 ans, cheveux mi-longs, coiffé d'un bob, est passé aux manettes et à l'écran après avoir été blessé au combat. Il est très fier aujourd'hui de pouvoir livrer ses camarades du front. "Je dirais que les meilleurs pilotes comme moi sont ceux qui ont traversé toute la guerre des tranchées. Parce qu'ils comprennent à quel point c'est important qu'on te ramène de la nourriture à temps. Quand j'étais dans l'infanterie, on se partageait une boîte de conserve à trois. Ce n'est pas que l'armée manquait de provisions, le problème c'était de les ramener sur les positions", raconte Igor.

Les drones qui ont remplacé les camionnettes livrent aussi des cigarettes, des packs d'eau, des batteries pour les radios. Toujours la nuit : l'obscurité les protège de l'ennemi. Une fois, Igor et son copilote Roland ont même transporté un extincteur pour éteindre un début d'incendie.

30 000 Baba Yaga en 2024

"C'est un travail de l'ombre. Personne ne va venir te saluer et te dire 'Cool mec, bravo !' Mais moi, je n'ai pas besoin de ça. Je sais que les gars sur les positions entendent nos drones. Je sais que je suis capable de le faire et que ce n'est pas en vain. Il y a des résultats," explique Roland.

Dans d'autres unités, les Baba Yaga servent à larguer des bombes sur les Russes, mais entre les mains d'Igor et Roland, c'est de l'aide humanitaire. Le binôme peut faire une vingtaine de rotations chaque nuit. Tant pis pour le sommeil. "C'est arrivé qu'on ne dorme pas pendant trois jours. Maintenant, on a des équipes de nuit, mais on reste d'astreinte pour être prêts à partir n'importe quand. Mais on est motivés parce qu'on sait qu'on fait une bonne action", dit Igor.

Quand tout sera terminé, la Baba Yaga, elle aussi, reviendra à la vie civile. "C'est un ancien drone agricole légèrement amélioré, mais le concept n'a pas changé. Donc le reconfigurer en drone civil, c'est facile parce que c'est le même. Il a juste été adapté à la guerre", présente Roland. L'an dernier, l'Ukraine a produit plus de 30 000 Baba Yaga.

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