Cérémonies des 80 ans de la libération d'Auschwitz : à travers "l'atrocité absolue qu'est la Shoah", nous commémorons "le monde de la démocratie", estime le directeur du Mémorial de Caen
Il y a 80 ans, le 27 janvier 1945, les troupes russes libéraient le camp de concentration et d'extermination d'Auschwitz-Birkenau, en Pologne.
"Nous commémorons le monde qui s'est bâti autour de cette atrocité absolue qu'est la Shoah, le monde de la démocratie", estime lundi 27 janvier sur franceinfo Kléber Arhoul, directeur du Mémorial de Caen à l'occasion du 80e anniversaire de la libération du camp d'Auschwitz-Birkenau. Le musée reçoit chaque année 450 000 visiteurs par an, dont 110 000 scolaires. "Nous sommes à la fois les passeurs et nous sommes vigies, explique Kléber Arhoul. Nous sommes à la croisée des chemins entre le respect de cette mémoire, le respect des valeurs et la tentation du monde moderne, qui est forte, d’être tirée vers ces atrocités."
franceinfo : Les témoignages des rescapés des camps vont se faire de plus en plus rares. Ces cérémonies, 80 ans après la libération d'Auschwitz, prennent aujourd'hui une dimension particulière ?
Kléber Arhoul : Il faut écouter, réécouter, diffuser, transmettre et partager cette histoire. La commémoration du souvenir de la Shoah, ce n'est pas l'Europe qui commémore, c'est l'humanité entière qui commémore aujourd'hui le souvenir de la Shoah. Mais nous commémorons aussi le monde qui s'est bâti sur ce souvenir, autour de cette atrocité absolue qu'est la Shoah. Ce monde qui s'est construit, c’est le monde de la démocratie, c'est le monde de la justice internationale, c'est aussi la construction européenne. C'est tout cela qui se reconstruit à travers l'horreur absolue de la Shoah.
La transmission de la mémoire est aujourd’hui encore plus essentielle ?
Cette histoire est la nôtre. C'est ainsi que nous construisons au Mémorial de Caen, la transmission de la mémoire de la Shoah. Nous sommes à la fois les passeurs et nous sommes vigies. Nous sommes passeurs parce que nous devons transmettre cette histoire au plus grand nombre. Nous recevons plus de 450 000 visiteurs au Mémorial de Caen, plus de 110 000 scolaires. C'est notre honneur de recevoir ces jeunes à qui nous transmettons la complexité de l'histoire de la Shoah. Mais nous sommes aussi une vigie. C’est un rôle que j'assume en tant que directeur de cette maison.
"En réalité, ce qui se joue à travers la journée d'aujourd'hui, c'est de défendre la démocratie, défendre des valeurs de respect de l'altérité, de dignité de la personne humaine."
Kléber Arhoul, directeur du Mémorial de Caenà franceinfo
Ce qui fait la singularité, la force de cette journée, c’est que nous sommes à la croisée des chemins entre le respect de cette mémoire, le respect des valeurs et la tentation du monde moderne, qui est forte, d’être tirée vers ces atrocités et vers cette histoire de destruction de la personne humaine.
C’est pour dénoncer les dangers qui guettent les démocraties que le Mémorial de Caen a quitté le réseau social X en début d'année ?
Je veille à la cohérence dans le positionnement du Mémorial de Caen. J’ai estimé en effet, au tout début de ce mois, que la présence du Mémorial sur cette plateforme était devenue totalement incompatible avec les valeurs et le projet culturel du Mémorial. Nous défendons ici des valeurs de démocratie, de tolérance, du respect de l'altérité auxquelles la plateforme d'Elon Musk aujourd'hui tourne délibérément le dos. Elon Musk a un projet politique extrêmement cohérent, extrêmement assumé, c'est de rassembler non pas à l'échelle européenne, mais à l'échelle du monde les mouvements identitaires et réactionnaires. C'est un projet politique, c'est son droit, mais c'est aussi mon devoir de quitter cette plateforme dirigée par une personne qui porte des valeurs contraires aux valeurs du Mémorial et, pour tout vous dire, contraires à mes valeurs.
Elon Musk est intervenu en visioconférence pour lancer notamment la campagne électorale de l'AFD en Allemagne, le parti d'extrême droite pour les législatives. Il a estimé dans son intervention qu'on mettait trop l'accent sur les fautes du passé, qu'il fallait aller de l'avant. Qu’est-ce que cela vous inspire ?
On ne construit pas le monde de demain sans regarder le passé. L'histoire doit être une matière vivante. L'histoire n'est pas une langue morte et pas une matière morte. Il faut donner la parole aux historiens. Il faut comprendre le passé pour comprendre le présent et construire l'avenir. On ne construit pas l'avenir avec le mépris du passé, avec l’oubli du passé. Ceux qui portent ce discours-là portent un avenir dangereux pour le monde.
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