Guerre Israël-Iran : Téhéran a-t-il les moyens de bloquer le très stratégique détroit d'Ormuz ?
L’Iran menace de fermer le détroit d'Ormuz, après des bombardements américains sur son territoire. Mais comment l’Iran peut-il concrètement bloquer ce passage stratégique pour le commerce mondial ?
Après les frappes américaines sans précédent de la nuit du 21 au 22 juin, le parlement iranien a voté la fermeture du détroit d'Ormuz, un passage maritime stratégique dans le transport mondial d'énergie. Cette décision doit encore être validée par le Conseil suprême de sécurité nationale. Franceinfo vous explique comment l'Iran pourrait mettre sa menace à exécution.
Pour empêcher la navigation dans ce détroit, large d'environ 50 kilomètres entre l'Iran et Oman, l'armée iranienne pourrait "bombarder les bateaux à l'aide de missiles balistiques", affirme Adel Bakawan, chercheur associé à l'Institut français des relations internationales (Ifri). "L'Iran en possède un stock très important et facilement mobilisable", indique-t-il. Ces missiles pourraient être tirés notamment de la côte iranienne qui longe une large partie du détroit d'Ormuz.
Missiles et mines
Les navires pourraient aussi être la cible de torpilles lancées depuis des vedettes de la marine iranienne ou du Corps des gardiens de la révolution islamique (CGRI) "régulièrement utilisées dans les incidents depuis une quinzaine d'années", explique Paul Tourret, directeur de l'Institut supérieur d'économie maritime. Depuis 1979, les tensions sont nombreuses dans ce détroit et la liberté d'y naviguer est régulièrement menacée.
Autre solution plus radicale : poser des mines navales tout le long du détroit. "L'Iran a développé des infrastructures minières qui lui permettraient de miner tout le détroit pour faire exploser tout ce qui y passe", affirme Adel Bakawan. Cette décision détruirait les relations avec le sultanat d'Oman, qui partage le contrôle du détroit d'Ormuz avec l'Iran depuis un accord en 1975, et l'un des derniers "pays amis" de la République islamique d'Iran dans la région, avertit l'auteur de La décomposition du Moyen-Orient. Trois ruptures qui ont fait basculer l'histoire (Tallandier).
Drones et menaces sur l'économie mondiale
Les bombardements et les mines, moyens militaires traditionnels, ont déjà été utilisés par l'Iran, notamment lors de la guerre Iran-Irak, dans les années 1980, rapporte la BBC. Des missiles ont été déployés contre des pétroliers et un navire de guerre américain a été touché par une mine. Aujourd'hui, le pays possède en plus un stock important de drones qui pourraient être mobilisés pour attaquer les navires qui entrent dans le détroit d'Ormuz. "Un drone qui coûte le prix d'une petite voiture peut aujourd'hui faire des dégâts importants ou symboliques", affirme Paul Tourret.
"Des missiles de toutes catégories pour couler quelques bateaux suffiraient à entraver complètement la navigation dans cet espace extrêmement réduit", balaie quant à lui Jean-Paul Chagnollaud. Pour le président de l'iReMMO, l'Institut de recherche et d'études Méditerranée Moyen-Orient, la question n'est pas "technique" mais plutôt "politique". Une telle décision ferait passer le conflit Iran-Israël à un "niveau mondialisé à cause des conséquences que cela entrainera pour de nombreux pays". La menace de fermer le détroit d'Ormuz est avant tout "un moyen de propagande pour mobiliser la base militante iranienne et faire peur à la communauté internationale", analyse Adel Bakawan, qui juge "peu probable" sa mise en œuvre.
Mais la simple menace de fermeture du détroit est déjà "un couteau sous la gorge de l'économie mondiale" selon Paul Tourret. 20% de l'offre mondiale de pétrole et 30% du commerce maritime transite chaque jour dans ce corridor, indique la Direction générale du Trésor français. Les prix du pétrole ont atteint lundi leur plus haut niveau depuis le mois de janvier, à cause de la menace d'une fermeture de ce détroit. "Même si le détroit n'est pas totalement bloqué, il pourrait être entravé au point d'inquiéter les assureurs qui ordonneraient le retour des porte-conteneurs et l'arrêt de la circulation des pétroliers", avance Paul Tourret.
Commentaires
Connectez-vous ou créez votre espace franceinfo pour commenter.
Déjà un compte ? Se connecter