: Vidéo Quinze ans après le séisme qui a ravagé Haïti, Jerry, enfant rescapé adopté par des Français, retourne sur les traces de son passé
En 2010, Jerry avait 4 ans lors du tremblement de terre en Haïti, qui l'a grièvement blessé. Alors abandonné dans un orphelinat, il a été soigné par des sauveteurs français et adopté par une famille de la région de Nantes. 15 ans plus tard, il est reparti pour la première fois sur les traces de son passé.
Ce texte correspond à une partie de la retranscription du reportage ci-dessus. Cliquez sur la vidéo pour la regarder en intégralité.
Dans un avion pour Haïti, Jerry, 19 ans, est sur les traces de sa tragique enfance à Port-au-Prince. "Je ne cherche pas grand-chose, je cherche juste à revoir d'où je viens", dit-il. Abandonné à trois ans dans un orphelinat par ses parents haïtiens, il a été gravement blessé un an plus tard, lors du tremblement de terre de 2010. France Télévisions avait filmé le sauvetage de cet enfant miraculé, alors blessé au crâne et aux jambes. "Il s'appelle Jerry, mais lui, il est en grande souffrance. Il a la fièvre", commentait la directrice. Sa cicatrice est encore visible 15 ans plus tard, et d'autres, plus intimes. "Je crois que je suis chanceux. Je n'étais pas destiné à mourir ce jour-là et je ne peux être que fier de moi d'avoir survécu", confie Jerry. Jerry vit près de Nantes (Loire-Atlantique), puisqu'il a été adopté par des parents français.
De retour pour la première fois en 15 ans
Il revient pour la première fois en Haïti, 15 ans après le tremblement de terre. C'est à moto que France Télévisions part avec lui sur les traces de sa petite enfance. "On va à l'orphelinat de quand j'étais petit. On va voir Mamie Jean-Jean. J'espère que ça va bien se passer", poursuit le jeune homme. La circulation est infernale. Et soudainement, des rues désertées. Le contraste est frappant. Car pour rejoindre l'orphelinat, il faut traverser d'immenses zones que la population a fuies. Les gangs y sèment la terreur et brûlent tout sur leur passage.
Dans ces quartiers tenus par les bandes criminelles, il est nécessaire de tourner discrètement. Pour protéger Jerry et être le moins repérable possible, l'équipe change de moyen de transport, Jerry n'est pas intimidé, il est heureux : "Bien sûr, je me souviens. Je me souviens complètement." La directrice de l'orphelinat est toujours la même, elle a 77 ans aujourd'hui. Il y a 15 ans, elle répertoriait les enfants tués sous les décombres. "J'ai inventorié 53. 53 décès pour le moment. Mais je n'ai pas encore terminé", disait-elle dans le reportage. Elle retrouve Jerry. "Laisse-moi te faire un bisou quand même. Mon Dieu, quelle affaire. Oh, Jerry, c'est un miracle. Et je suis contente de t'accueillir chez toi", lui dit-elle.
15 enfants attendent ici aujourd'hui d'être adoptés. Mais la situation sécuritaire rend les démarches administratives impossibles. Ces orphelins espèrent pourtant et voient en Jerry la possibilité d'une autre vie. "C'est un peu moi quand j'étais petit. J'espère qu'eux aussi pourront un jour avoir une vie comme moi. Peut-être qu'ils sont bien ici, mais je pense que ce serait mieux, par exemple, s'ils étaient adoptés ou quoi que ce soit", raisonne-t-il.
La rencontre du jeune homme solaire avec ses parents biologiques
Il est arrivé en France quelques mois après le tremblement de terre, à quatre ans. Aujourd'hui, son rire solaire contamine ses amis. Ses parents adoptifs français, très aimants, ont préféré ne pas être filmés. Mais ils ne lui ont rien caché de son histoire. Quand il avait 10 ans, ils ont décidé de lui montrer le reportage. "Il y a des choses que je ne savais pas. Je ne les connaissais même pas. C'était un peu choquant", admet Jerry.
Ses parents adoptifs, comme ses amis, l'ont encouragé à faire ce voyage vers Haïti. "Jerry, je ne pourrais pas dire qu'on ressent vraiment que c'est quelque chose qui lui manque dans sa vie, mais on sait que ça lui fera forcément du bien", confie une amie. "Je pense qu'il ne se connaît pas à 100 %. Je pense qu'il y a quand même une petite partie qui reste à découvrir, à redécouvrir, du coup. Et qu'il y ait cette partie haïtienne", abonde un proche.
Sa petite enfance haïtienne a commencé à Cité Soleil, l'un des bidonvilles les plus pauvres de Port-au-Prince, où vit le père biologique de Jerry. Jerry le sait, car ses parents français lui ont tout dit sur ses origines. Mais veut-il vraiment voir ce père dont il ne se souvient pas du tout ? "J'ai décidé de ne pas le voir. Ça ne va me servir à rien. C'est mon père, mais ce n'est pas mon père. Pour moi, mes vrais parents, ils sont en France. Ceux qui m'ont éduqué. C'est bien beau de me donner la vie, mais ceux qui te forment, ceux qui te donnent les valeurs et tout, c'est paradoxal", tranche le jeune homme.
France Télévisions part à la rencontre du père. À l'arrivée, la mère biologique de Jerry est là, elle aussi. Le couple est séparé, mais elle est venue dans l'espoir de rencontrer ce fils, qu'elle a eu à 15 ans. Le père avait donné l'ordre de le déposer à l'orphelinat. Il y avait déjà trop d'enfants, et étaient trop pauvres. "Oui, c'était très difficile d'accepter cette décision. Mais j'étais une adolescente, presque une enfant. Et j'étais avec cet homme à ce moment-là", raconte la mère.
Dans la maison, on trouve des photos de Jerry et de sa petite sœur. Elle vit avec lui en France, puisqu'ils ont les mêmes parents adoptifs. Dans la pièce minuscule, les adultes sont attristés de ne pas voir Jerry. Alors, il décide finalement d'aller les rencontrer, un moment d'intimité sans caméra. Quand il revient, il a retrouvé son sourire. "Je ne m'attendais pas à ça. Mais voilà, je suis un peu content quand même. Ce sont des émotions, mais je ne regrette pas. Puis voilà, ça leur a fait plaisir et moi aussi, j'ai bien aimé leur faire plaisir. Parce qu'on n'éprouvait pas le besoin réellement, mais je suis content de les avoir vus quand même", confie Jerry.
La tristesse dans un camp de réfugiés
Jerry est choqué par le dénuement de ses parents biologiques, l'extrême pauvreté à laquelle il a échappé. Dans un camp de réfugiés, il comprend combien son destin aurait pu le conduire à vivre dans les mêmes conditions que sa famille. Les gangs ont brûlé la maison d'un père de famille. Avec ses trois enfants et son épouse, ils vivent donc désormais dans deux mètres carrés, entre des tôles ondulées. "C'est inhumain et la situation est catastrophique, vraiment. C'est triste, c'est très triste", réagit Jerry.
Est-il convaincu qu'il faut réussir ? "Quand on voit tout ça, je suis obligé de réussir, je n'ai pas le choix. C'est une source de motivation. Je dois réussir pour tous les enfants qui sont là et qui n'ont pas assez de chance d'être en France", répond Jerry.
Retour sur les images de 2010 : il n'est pas réglementaire pour les hommes de la sécurité civile de transporter un enfant blessé dans une voiture normale. Celle des journalistes fait l'affaire. Pendant le transport, Jerry boit de l'eau à la seringue. L'urgence est de le réhydrater. "Quand j'étais petit, c'était assez compliqué. Il y a eu pas mal d'opérations, mais maintenant, ça va mieux. Et c'est une force, mes cicatrices. (...) J'aime pas trop en parler, mais je sais quand même que c'est une force. Ça fait un peu guerrier. Moi, j'aime bien", confie-t-il. Lorsqu'on l'interroge, il ne "raconte pas trop" : "Je dis que je me suis fait attaquer par un tigre. Ça fait rire les gamins et moi, ça me fait rire aussi."
Jerry, ou l'histoire d'une existence arrachée au chaos d'un abandon et d'un tremblement de terre. Un jeune adulte qui trace sa route, et que rien ne semble ébranler.
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