Aïssatou Diouf: «La société civile africaine ne veut pas d'un accord a minima»
Il appartient aux ministres de finaliser l'accord climat avant la fin de la conférence de Paris. La société civile africaine espère qu'ils défendront les questions prioritaires pour le continent en matière de lutte contre le réchauffement climatique. Entretien avec Aïssatou Diouf, chargée de plaidoyer climat au sein d'Enda Energie, ONG internationale basée au Sénégal.
Quel bilan peut-on faire de cette première semaine de négociations pour l’Afrique alors que la charge revient désormais aux ministres?
Nous avons un texte plus lisible que ce que nous avions au début des négociations. Rien n'est gagné, rien n'est perdu. Mais tous les grands sujets et toutes nos grandes priorités restent encore entre crochets (les différentes options dans le projet d'accord sont entre parenthèses, NDLR). Cette semaine est cruciale et nous espérons que d'ici le 9 décembre 2015, les ministres vont trancher en faveur des grands enjeux afin que nos priorités – à savoir l'objectif 1,5°C, les financements pré et post-2020, la différenciation –soient reflétées. Un pays comme l'Arabie Saoudite dit non au 1,5°C tout en soutenant la sécurité alimentaire. C'est une position contradictoire et très politique : les Saoudiens tentent de faire savoir ainsi qu'ils font tout de même des efforts... De même, nous n'avons rien obtenu sur l'adaptation. Sur la question des contributions volontaires (INDCs, en anglais, ou CPDN, en français), nous voulions la révision du mécanisme tous les cinq ans. Ce n'est pas encore gagné. Très peu de pays soutiennent une telle démarche.
Par ailleurs, nous sommes inquiets sur l'inclusion des droits humains et de la sécurité alimentaire dans le texte final. Les ONG sont conscientes que l’accord de Paris ne va pas résoudre tous les problèmes mais il doit poser certaines bases dans ces domaines. On parle souvent de justice sociale, de justice climatique… il faut que ces points soient mentionnés dans le futur accord et ces derniers ne peuvent être gérés que politiquement. Nous comptons sur nos ministres africains qui, nous espérons, aurons un mandat politique fort de la part des chefs d'Etat pour relever le défi.
Estimez-vous, ONG africaines, que les négociateurs africains sont assez pugnaces pour défendre les intérêts du continent?
Depuis la dernière session de Bonn (où a été préparé le texte qui sert de base à la conférence de Paris, NDLR), on a vu les négociateurs africains et ceux du G77+Chine dire que la priorité pour l’Afrique, c’était l’adaptation, une question qui n’est pas négociable, et qu’il nous fallait les 100 milliards… C’est important qu’ils puissent tenir ce discours, à savoir qu’on ne peut pas aller vers un accord sans résoudre la question du financement. Nous avons depuis Bonn un groupe Afrique qui s’est affirmé davantage dans les négociations. Ce que nous attendions depuis longtemps. Mais il faut savoir que le processus est très politique. Est-ce que nos ministres, nos chefs d’Etat vont appuyer le travail fait par les négociateurs ? Cela fonctionne à deux niveaux. Nous ne voulons pas d’un accord basé sur la diplomatie et le compromis. Il faut que les ministres puissent prendre en compte les priorités de nos pays et que les hommes politiques ne relèguent pas au second plan le travail fait par les négociateurs et les experts. C’est finalement la principale menace. Encore une fois, notre message aux ministres africains est le suivant : nous ne voulons pas d'un accord a minima.
La société civile africaine arrive-t-elle à se faire entendre pendant la conférence climat?
Le processus climat est compliqué pour l’ensemble des acteurs de la société civile parce que nous avons un statut d’observateurs. Cependant la société civile africaine est de plus en plus mobilisée et coordonnée. Il y a plusieurs réseaux africains qui sont présents à Paris. Le travail que nous faisons ne se fait pas juste au niveau international. Nous essayons d’abord d’influencer les politiques au niveau de nos pays en faisant en sorte que le changement climatique soit au cœur de la planification du développement. C'est indispensable. Nous essayons ensuite d’être présents dans le processus international pour pouvoir dialoguer avec nos négociateurs. Ce que nous faisons depuis des années en dehors de la COP. Ce travail de rappel des enjeux, des priorités des communautés africaines est nécéssaire pour que l’accord soit suffisamment ambitieux afin de permettre à ces dernières de vivre avec le changement climatique. Nous sommes très vigilants à ce que nos négociateurs font, mais surtout à ce que déciderons nos politiques à la fin. C’est un combat de longue haleine.
Les ONG soulignent qu'on doit absolument prendre en compte la dimension genre dans la problématique du réchauffement climatique. Pourquoi est-ce si important?
On ne peut pas réussir la lutte contre le changement climatique en n'intégrant pas les femmes. Dans nos pays, quand les hommes partent en ville, ils laissent les femmes. Elles ont en charge de nourrir la famille. Pour cela, elles ont de petites exploitations qui leur permettent d'assurer la sécurité alimentaire de leur foyer et de la communauté. Les femmes sont par conséquent en première ligne. Toutes les décisions prises à la fois dans le cadre des négociations et dans le cadre de nos pays doit vraiment intégrer cette dimension d’égalité des genres. Ce n’est pas gagné et nous militons pour que ce soit dans la partie opérationnelle de l’accord. De même dans la mise en œuvre, il faudrait outiller les femmes en renforçant leur capacité en matière de lutte contre le réchauffement climatique.
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