"J'y allais toujours avec la boule au ventre"... Future piste des JO 2026, la descente de Bormio suscite la crainte chez les skieurs

Vendredi, Cyprien Sarrazin est tombé lourdement à l'entraînement sur ce tracé considéré comme l'un des plus spectaculaires au monde.

Article rédigé par Andréa La Perna
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Marco Pfiffner à l'entraînement sur la descente de Bormio, le 27 décembre 2024, en Italie. (FABRICE COFFRINI / AFP)
Marco Pfiffner à l'entraînement sur la descente de Bormio, le 27 décembre 2024, en Italie. (FABRICE COFFRINI / AFP)

Après la lourde chute de Cyprien Sarrazin à l'entraînement de la descente à Bormio, vendredi 27 décembre, la colère de certains skieurs s'est fait entendre. Plusieurs Français ont pointé la dangerosité de la piste, qui sera celle des Jeux olympiques d'hiver 2026 de Milan-Cortina. "Je me sens comme un pantin sur cette piste", a notamment lâché Nils Allègre à L'Equipe, particulièrement remonté contre l'organisation et la Fédération internationale de ski (FIS), qu'il juge fautifs dans la préparation de la piste.

"Préparer une piste comme ça, pour la rendre encore plus spectaculaire, c'est avoir tout faux. Ici, c'est un travail d'amateur. Il faut que les organisateurs se regardent dans un miroir et qu'ils se demandent s'ils enverraient leur enfant sur la piste dans ces conditions", a appuyé l'actuel 6e au classement de la descente en Coupe du monde. Face caméra, au micro d'Eurosport, ce dernier a même tranché : "Ils ne méritent pas d'avoir les Jeux olympiques".

Presque 140 km/h et un saut de 50 mètres

Son coéquipier Blaise Giezendanner a tenu la même position dans les colonnes de L'Equipe. Pour lui, "les organisateurs jouent avec notre intégrité et ça ne va pas". Le Suisse Marco Odermatt, tenant du titre du globe de la descente, a également reconnu que les conditions de course étaient particulièrement difficiles, avec une neige totalement différente entre le haut et le bas du parcours.

Une mauvaise préparation est d'autant plus dangereuse que le tracé du Stelvio (le surnom de la piste) est particulièrement difficile. "C'est une semaine en enfer. J'y allais toujours avec la boule au ventre. S'il y a bien une satisfaction d'avoir arrêté ma carrière, c'est de ne pas retourner à Bormio", a confié Johan Clarey, qui a pris le départ de l'épreuve à 15 reprises avant d'endossier le rôle de consultant pour Eurosport.

Le Stelvio, c'est un mur de trois kilomètres que les descendeurs avalent en moins de deux minutes. Certains flirtent avec les 140 km/h sur ce revêtement bosselé et exigeant, ponctué d'un saut vertigineux d'environ 50 mètres. "Il n'y a pas de répit dans cette piste, analyse Clarey. C'est un mélange de virages avec des pressions constantes dans les jambes qui fatiguent énormément, surtout avec la piste glacée. En plus, on ne voit rien, on skie dans l'ombre. Tout ça cumulé, fait que ça vous mâche petit à petit."

Les organisateurs ne partagent pas la même opinion

Face aux critiques, le patron de la Coupe du monde masculine, Markus Waldner, a exprimé son désaccord. Pour l'Autrichien, le problème est surtout lié à l'évolution du matériel et à la quête vers toujours plus de vitesse. "Notre sport se pratique en plein air. Les organisateurs font leur maximum pour préparer au mieux les pistes et [la piste du Stelvio] a été préparée comme elle l'est chaque année, s'est-il défendu. Le problème, c'est que le jour de Noël, il y a eu beaucoup de vent et on sait ce que fait le vent : il a séché la neige du bas vers le haut, ce qui explique que la neige n'était pas uniforme sur la piste qui fait trois kilomètres et qu'il est impossible de rendre uniforme."

"Si tu vas à la limite, il arrive ce qu'il s'est passé vendredi"

Markus Waldner, le patron du circuit masculin

devant les diffuseurs TV

D'après notre consultant Luc Alphand, double vainqueur à Bormio (1995 et 1997), la colère des skieurs français est avant tout une "réaction émotionnelle". "Cela peut se comprendre. Quand tu vois se crasher ton camarade de chambrée, en plus Cyprien qui est un joyeux luron, ça peut en bloquer et en choquer certains. Mais jeter la pierre sur les organisateurs et ceux qui préparent la piste, c'est un peu excessif. Ce n'est pas un gros hiver dans le sud des Alpes. Il n'y a quasiment pas de neige. C'est compliqué de préparer une piste", analyse celui dont le fils Nils a terminé 14e de l'épreuve. 

Tous les skieurs n'ont pas critiqué l'organisation ce week-end. "Ce n'est pas facile de s'adapter en passant de la glace dure à une neige plus adhérente. Mais si on s'y prépare, on doit pouvoir y arriver", a par exemple estimé le Canadien James Crawford. Mais au lendemain des évacuations par hélicoptère de Cyprien Sarrazin et de l'Italien Pietro Zazzi, l'Autrichien Felix Hacker est tombé au même endroit, faisant parcourir un frisson dans le public. Par chance, ce dernier a pu, lui, se relever dans la foulée. Le lendemain, sur le super-G, Gino Caviezel a lui aussi connu une lourde chute. S'il est resté conscient, le Suisse a été évacué en hélicoptère.

D'après Luc Alphand, il n'y a pas cependant d'inquiétude particulière à avoir en vue des Jeux olympiques 2026 : "En février, la qualité de la neige sera deux fois meilleure. Il y aura plus de personnes aussi [pour préparer la piste]. Ce sera les Jeux olympiques et tout sera fermé depuis début janvier".

Commentaires

Connectez-vous ou créez votre espace franceinfo pour commenter.