Christian Clavier salue les avancées de l'IA en doublage et crispe la profession

Dans une vidéo publiée samedi par Konbini, l'acteur des "Visiteurs" se réjouit des avancées de l'IA qui permettraient de meilleurs doublages à l'étranger. Des propos qui ont heurté l'ensemble du milieu, inquiet pour son avenir.

Article rédigé par Matteu Maestracci
Radio France
Publié
Temps de lecture : 4min
Christian Clavier en septembre 2025, à la Mostra de Venise. (ETTORE FERRARI / ANSA)
Christian Clavier en septembre 2025, à la Mostra de Venise. (ETTORE FERRARI / ANSA)

Ce ne sont que quelques mots dans une vidéo, mais ils ont suffi à relancer toute une polémique. Après les propos de Christian Clavier dans une interview pour Konbini, publiée samedi 20 septembre, les comédiens de doublage s'inquiètent pour leur avenir. L'acteur évoque notamment l'utilisation de l'intelligence artificielle pour doubler des films français à l'étranger.

Pour lui, c'est une véritable opportunité pour mieux exporter les productions tricolores, car grâce au progrès de l'IA, il estime que la voix originale des comédiens pourra bientôt être transformée et traduite dans différentes langues. Une technologie qui éviterait ainsi l'utilisation de sous-titres ou un mauvais "lip sync", c'est-à-dire la synchronisation entre la voix et les mouvements des lèvres.

Une technologie déjà existante

Christian Clavier se justifie ainsi : "La porte ouverte vers le marché américain nous a toujours été fermée par une idée absolument brillante qui a consisté à dire : 'Doublez nos films, ça sera bien pour nos films'. Et ça l'a été, et c'est bien pour nos exploitants de salle et pour le public". Mais selon le comédien, les Etats-Unis se sont toujours montrés frileux pour doubler les films étrangers chez eux, argumentant que le public américain "ne supporte pas que le lip sync ne soit pas parfait".

"Ce problème-là va disparaître, donc ça va peut-être laisser une chance d'éviter les achats de remake."

Christian Clavier, acteur

à franceinfo

Rodolphe Chabrier, cofondateur de la société française Mac Guff, spécialisée dans les effets numériques, rappelle toutefois que cette technologie existe déjà, et "a beaucoup progressé ces trois, quatre dernières années". Et Rodolphe Chabrier prend un exemple : "Si Christian Clavier veut aller faire enregistrer sa voix pendant à peine une minute, l'intelligence artificielle sera capable de dire un texte avec sa voix, la traduire, la passer en anglais en gardant ses intonations et son interprétation à 100%."

"Il faut ensuite modifier l'image pour que les labiales collent avec ce qu'il articule en anglais. Et ça, l'intelligence artificielle sait le faire aussi", ajoute-t-il. Rodolphe Chabrier estime néanmoins que, pour le moment, l'humanité, la spontanéité des comédiens de doublage ou encore les spécificités liées à la culture d'un pays, sur l'humour par exemple, sont encore difficiles à remplacer artificiellement.

"Ça va être une sorte d'ersatz de jeu"

Mais cette perspective effraie déjà la profession du doublage qui, entre comédiens, techniciens, ou traducteurs, représente environ 15 000 personnes en France. Christian Clavier les évoque d'ailleurs dans la suite de cette vidéo. "Les comédiens de doublage vont avoir un problème, bien sûr, reconnaît-il. Ces technologies vont poser problème à un certain nombre de métiers."

"C'est désolant pour les doubleurs, mais il faudra qu'ils se reconvertissent dans autre chose."

Christian Clavier

à franceinfo

Ces propos alarment le comédien Patrick Kuban : "Je pense qu'il ne se rend pas bien compte des enjeux sociétaux et même sociaux, puisque c'est une réelle menace qui est à nos portes". Pour lui, "cette technologie n'est pas anodine : elle utilise la donnée de l'ensemble des métiers de l'audiovisuel pour pouvoir les remplacer". Le doubleur estime par ailleurs que Christian Clavier "se trompe" sur l'avenir de l'IA : "La technologie ne va pas pouvoir le faire jouer dans toutes les langues, ça va être une sorte d'ersatz de jeu. Il n'aura pas la maîtrise de son personnage, ni de son jeu de comédien".

Selon l'avocat Jonathan Elkaïm, spécialiste des questions de propriété intellectuelle, pour le moment la France reste protégée par sa fameuse "exception culturelle" et un décret de juin 1961 qui encadre la profession et impose des doublages fabriqués en France. Mais comme les syndicats du secteur il en appelle au ministère de la Culture pour légiférer rapidement et éviter les possibles "trous dans la raquette".

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