Pourquoi des prisons restent encore visibles sur Google Maps, un an après la demande de floutage par la ministre de la Justice ?
En octobre 2018, Nicole Belloubet avait été obligé de hausser le ton dans les médias pour que Google commence à flouter des prisons sur les images satellites de son service Google Maps.
Une médiatisation et puis plus rien. Le 9 octobre 2018, Nicole Belloubet ne trouvait "pas normal", que les prisons "se retrouvent sur internet". La ministre de la Justice demandait explicitement à Google de flouter les vues aériennes des prisons françaises. Cette demande arrivait à la suite de l'évasion en hélicoptère de Redoine Faïd en juillet de la même année. Dans son interview à RTL, la Garde des Sceaux se disait même prêt à rencontrer des dirigeants de la firme américaine pour régler ce problème. En octobre 2018, 51 établissements pénitentiaires sur 89 en France n'étaient pas floutés sur Google Maps. Un an plus tard, 28 ne le sont toujours pas. La Cellule vrai du faux de franceinfo vous explique pourquoi.
Parce que le gouvernement ne met plus publiquement la pression sur Google
Avant de demander publiquement à Google de flouter les centres pénitentiaires, Nicole Belloubet avait écrit à la firme américaine, le 31 juillet 2018. En août de la même année, une phase de discussion avait été entamée, explique le ministère de la Justice. Le géant du web avait répondu par écrit le 8 octobre 2018, précise le ministère. Dans ce courrier, Google s'engageait à flouter l'ensemble des centres pénitentiaires d'ici le début du mois de décembre 2018 et à revenir vers la Garde des Sceaux sous 30 jours, rapporte le ministère.
Dans la foulée, Nicole Belloubet demandait sur RTL, le 9 octobre 2018, à Google de flouter les vues aériennes des prisons. Un arrêté interministériel était même pris, le 12 octobre 2018, fixant une liste de zones interdites à la prise de vue aérienne. Google floutait pendant ce temps-là plusieurs dizaines de prisons. Mais depuis, les échanges ont cessé et Google n'est pas revenu vers le ministère de la Justice.
Également concerné par la question du floutage, le ministère des Armées indique, le 22 octobre, qu'"un travail est en cours" au niveau interministériel "pour une mise en cohérence de la règlementation avec les évolutions technologiques de ce domaine". Mais, depuis le dernier arrêté de mars 2019 sur les zones interdites à la prise de vue en France et dans les Outre-mer, seulement 14 sites militaires ou pénitentiaires ont été floutés. Il en reste encore 67 non floutés sur les 255 visés par l'arrêté. Depuis cet épisode médiatique d'octobre 2018, le ministère de la Justice n'a pas relancé Google.
Parce que Google avance officiellement des complexités techniques
Le 16 octobre 2018, un porte-parole de Google France avait expliqué, à l'AFP que Google Earth et Google Maps agrègent des images "qui proviennent de divers fournisseurs extérieurs, publics ou privés". Un an plus tard, le 21 octobre 2019, un porte-parole de Google Maps avance toujours le même argument : "Nous travaillons avec nos fournisseurs afin qu’ils nous mettent à disposition dès que possible des images satellites et aériennes conformes et mises à jour. Cela est un travail continu et complexe." En octobre 2018, Google s'était engagé à flouter les prisons d'ici le mois de décembre 2018. La firme ne souhaite désormais plus avancer de date.
"Dès lors que nous recevons des lots d’images mises à jour par nos fournisseurs, explique le porte-parole de Google Maps, nous les publions le plus rapidement possible." La balle est encore renvoyée dans le camp des prestataires. Si le fournisseur nord-américain DigitalGlobe n'est "pas en mesure de commenter", Airbus, via sa division d'imagerie satellite, répond que "Google n'a exprimé aucune demande de sites sensibles". L'entreprise européenne, basée en banlieue de Toulouse, explique fournir "des images sur le monde entier que Google intègre sur ses plateformes, sauf pour les zones soumises à restriction explicite émise par l’autorité administrative française". Google pour sa part dit faire tout son possible.
Parce que les réglementations ne concernent pas les images prises depuis l'espace
Le 9 octobre 2018, Youssef Badr, alors porte-parole du ministère de la Justice, affirmait au Figaro qu'un "travail interministériel" était en cours. Il visait "à formuler des propositions d'évolution du cadre juridique encadrant les prises de vues aériennes (…) que ce soit dans l'espace aérobie ou dans l'espace extra atmosphérique". Un arrêté du 3 mars 2019 fixe une liste de zones interdites à la prise de vue aérienne par appareil photographique, cinématographique ou tout autre capteur. Cependant, cet arrêté ne concerne pas l'espace extra atmosphérique, et donc les photos satellites.
En France, la loi relative aux opérations spatiales du 3 juin 2008 définit un cadre spécifique, mais elle ne s'applique qu'aux entreprises françaises et "aux opérateurs, quelle que soit leur nationalité," qui ont procédé "au lancement d'un objet spatial à partir du territoire national". Pour le reste, une résolution de 1986 édictée par l'Assemblée générale des Nations unies fait foi. Elle instaure la liberté d'observation depuis l'espace, "ce qui inclus le droit de collecter des images", explique Philippe Achilleas, professeur de droit à l'université Paris-Sud.
Les États comme la France n'ont plus qu'une seule solution : signer des traités d'amitié avec les pays où sont basées les entreprises qui fournissent les images. Il existe par exemple un traité d'amitié liant la France et les États-Unis dans ce domaine. "Le gouvernement peut demander aux Américains de faire appliquer le shutter control, pour droit d'obturation", précise le directeur de l'Institut du droit de l'espace et des télécommunications (Idest). C'est le cas notamment lors d'opérations militaires françaises à l'étranger. Les relations diplomatiques entre les pays sont donc importantes. Cela explique sans doute que le moteur de recherche russe Yandex offre une vue satellite non floutée de 80 des 89 sites français référencés dans l'arrêté du 3 mars 2019. D'ailleurs, ce moteur de recherche possède parfois les mêmes fournisseurs d'images que Google.
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