: Reportage "Ça va être difficile de renouer des liens" : en Nouvelle-Calédonie, la commune du Mont-Dore symbole de la fracture entre communautés
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Après les émeutes et les destructions massives du mois de mai en Nouvelle-Calédonie, le huis clos entre loyalistes et indépendantistes reste tendu. Tout au sud de la Grande Terre, le Mont-Dore cristallise aujourd’hui toutes les fractures du "vivre-ensemble".
La traversée depuis Nouméa n’a pas été facile. La mer agitée, les passagers bien secoués dans le petit bateau pneumatique. La "navette maritime" a été mise en place dès le début de la crise en Nouvelle-Calédonie, il y a plus de quatre mois, et reste encore, à ce jour, le seul lien entre Le Mont-Dore et le reste de la Grande Terre. Tous les jours, des centaines de Calédoniens font le va-et-vient. Ils se lèvent à 3 ou 4 heures du matin pour être sûr d’avoir une place à bord, en espérant arriver à temps à leur travail, ou pour se faire soigner dans la capitale. Quand les conditions météorologiques ne sont pas bonnes, ils restent à quai, tout comme les barges qui amènent vivres et carburants.
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Le Mont-Dore, un territoire qui abrite environ 15 000 habitants, est aujourd’hui coupé du reste de l’île. Car la seule route pour s’y rendre est verrouillée sur plusieurs kilomètres par les gendarmes. La raison : elle traverse la tribu kanake de Saint-Louis, où une bande armée de quelques dizaines d’individus y réside. Le Haut-Commissariat de la République en Nouvelle-Calédonie a dénombré plus de 300 tirs sur les gendarmes et 56 car-jackings ces derniers mois.
"On vit ensemble depuis des lustres"
À la descente du bateau, Jean-Jacques Locker nous attend. Ce retraité de 87 ans, habitant du Mont-Dore depuis 40 ans, est également secrétaire général du collectif d’habitants des "Mondoriens du sud". L’objectif de ce collectif est de déposer une plainte collective visant les auteurs des violences et "tous ceux qui ont créé ces émeutes". Il s’agit aussi de faire entendre les souffrances des habitants, qui craignent d’être oubliés. Dans la voiture, Jean-Jacques nous raconte Le Mont-Dore, s’extasie sur la beauté du paysage, la montagne qui se jette dans la mer : "C’est la Côte d’Azur de Nouvelle-Calédonie !".
Le retraité veut croire que le vivre ensemble n’est pas mort dans ce paradis : "Wallisiens, Tahitiens, Européens, Kanaks... On vit ensemble depuis des lustres, on peut repartir du bon pied, mais il faut arrêter de haranguer cette jeunesse comme ils le font". Jean-Jacques parle évidemment des jeunes Kanaks qui, ici comme ailleurs en Nouvelle-Calédonie, se sont révoltés et ont dressé des barrages au plus fort de la crise. Certains habitants se sont retranchés chez eux, terrifiés pendant de longues semaines.
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"Il y a une discrimination auprès de la jeunesse kanake, ils sont en colère"
Jean-Jacques nous conduit jusqu’à une distillerie tenue par un ami. Mais l'établissement a été fermé, "cambriolé neuf fois depuis le mois de mai", assure Philippe, le propriétaire, qui a soudé les portes. Son commerce est gelé et il n’a aucune perspective de réouverture. Quand il parle des émeutiers, il les qualifie des "terroristes". Ce n’est pas le seul parmi les loyalistes du Mont-Dore que nous croisons. Un mot lourd de sens, il le sait.
"Ce qu’ils ont fait, c'est lourd de sens aussi, ça va être difficile de leur faire confiance et de renouer des liens".
Philippe, habitant du Mont-Doreà franceinfo
Un peu plus loin sur la route, un rond-point est tagué avec cette inscription : "Ici, c'est Kanaky". Jean-Jacques réagit tout de suite : "Non, ici, c'est la Calédonie !". Jean-Jacques nous emmène ensuite au verrou sud de la tribu de Saint-Louis. Face à nous, les blindés de la gendarmerie barrent la route. Aucun véhicule ne passe, sauf les ambulances.
Nous avons pu rencontrer Jean-Pierre Wamytan, l’un des chefs de clan de la tribu de Saint-Louis. Il reconnaît que les anciens ont de plus en plus de mal à canaliser leurs jeunes, animés par un sentiment d’injustice selon lui : "Il faut mieux les considérer, par exemple, nos jeunes qui font des études en métropole et qui reviennent au pays avec des diplômes. Manque de pot, ils ne trouvent pas de travail. Il y a une discrimination auprès de la jeunesse kanake. Ils sont découragés, en colère et c’est le chaos."
Nadine, victime de car-jacking "avec menace de mort"
Nadine, aide-soignante de 49 ans, est installée depuis 11 ans en Nouvelle-Calédonie. Elle nous accueille dans sa petite maison au Mont-Dore, perdue dans la végétation. Depuis le 15 juin, elle vit un enfer. Elle a été victime d’un car-jacking "avec menace de mort" avec son fils de 22 ans alors qu’elle tentait de passer un barrage tenu par des indépendantistes masqués. Son récit est glaçant : "Mon fils avait un caillou d’environ trois ou quatre kilos contre la tempe et il menaçait de le frapper s'il ne sortait pas de la voiture. Le deuxième agresseur m’a mis un couteau entre les seins, en m’insultant". Les mots sont gravés dans sa mémoire : "Espèce de sale chiennasse de blanche, on va te cramer dans ta bagnole toi et ton gamin". Nadine a noté "qu’ils étaient très alcoolisés" et drogués selon elle, avec "une drogue qui rend méchant et agressif".
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À la suite de cette agression, il y a eu la dépression, la nécessité de consulter psychiatre et psychologue. Concernant son avenir en Nouvelle-Calédonie, elle confesse : "Je ne sais pas, je suis perdue, je ne sais pas si je dois rester ou partir. Il n’y a eu plus la même symbiose, les gens sont méfiants, restent sur leurs gardes". La fracture. Jean-Jacques nous ramène à l’embarcadère. Avant de se quitter, il formule un souhait pour Le Mont-Dore : "La réouverture de la route et la paix".
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