Blocages, gendarmes blessés, renforts envoyés... Que se passe-t-il en Martinique, un an après le mouvement contre la vie chère ?

Des manifestants protestent à nouveau contre les prix de l'alimentaire dans le territoire d'outre-mer. En marge de ce mouvement, des barrages ont été érigés dans certains quartiers et des gendarmes ont été pris pour cible. Le ministère de l'Intérieur a envoyé des renforts.

Article rédigé par franceinfo
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Les axes routiers ont été bloqués dans la cité Ozanam, dans la nuuit du 2 au 3 septembre 2025, à Schoelcher, en Martinique. (CHRISTINE CUPIT / MARTINIQUE LA 1ERE)
Les axes routiers ont été bloqués dans la cité Ozanam, dans la nuuit du 2 au 3 septembre 2025, à Schoelcher, en Martinique. (CHRISTINE CUPIT / MARTINIQUE LA 1ERE)

La Martinique a retrouvé un peu de calme, jeudi 4 septembre, après plusieurs nuits de troubles. Mais en raison des tensions urbaines des derniers jours, deux escadrons de gendarmes mobiles ont été envoyés en renfort sur l'île, a annoncé mercredi le ministre de l'Intérieur, Bruno Retailleau. "Des criminels ont ouvert le feu sur des gendarmes mobiles, alors que les forces de sécurité sont engagées depuis lundi pour faire cesser les blocages et barrages des partisans du désordre", a détaillé sur X le ministre. Franceinfo fait le point sur la situation.

Un nouveau mouvement de protestation 

Un an après la mobilisation contre la vie chère, de nouveaux mouvements de protestation ont éclaté dans le territoire d'outre-mer, où les problèmes économiques restent d'actualité. Les produits alimentaires sont en moyenne 40% plus chers que dans l'Hexagone, selon des chiffres de 2022 établis par l'Insee. En juillet, le gouvernement avait annoncé une baisse de 10,8% sur 54 familles de produits en grandes surfaces, grâce à un protocole contre la vie chère signé en octobre 2024.

Mais le chiffre, issu des caisses des supermarchés, ne convainc pas les associations de consommateurs, qui dénoncent un décalage avec la réalité. Dans ce contexte, des barrages ont été érigés dans plusieurs quartiers de Fort-de-France, avant d'être dégagés par les forces de l'ordre. "Mardi après-midi, trois individus ont été interpellés lors de la tentative de blocage de l'entrée de l'aéroport, notamment pour avoir agressé une automobiliste en brisant le pare-brise de son véhicule", détaille un communiqué de la préfecture.

Au cœur des mobilisations, se trouvent les militants du RPPRAC (Rassemblement pour la protection des peuples et des ressources afro-caribéens), dont les revendications ont évolué au fil des mois. Ils ont ajouté la question institutionnelle aux protestations contre la vie chère. Dans un "Manifeste des territoires oubliés", ils réclament à présent "l'organisation d'un référendum sur le statut de la Martinique", détaille Martinique La 1ère.

Cinq gendarmes blessés 

Dans certaines zones, les troubles ont dégénéré, comme dans le quartier de Sainte-Thérèse, à Fort-de-France, ou le quartier Ozanam Batelière, à Schoelcher. Dans la nuit de mardi à mercredi, "une minorité d'individus violents" ont érigé des "barrages enflammés" et ciblé les gendarmes avec des "jets de projectiles", a détaillé le préfet de la Martinique. Cinq gendarmes ont été légèrement blessés par des tirs de plomb lors d'une patrouille pour sécuriser un axe routier à Sainte-Thérèse.

Le ministre de l'Intérieur a donc annoncé des renforts. "À ma demande, deux escadrons de gendarmes mobiles", venus de Guyane, ont renforcé dès mercredi soir les forces de l'ordre martiniquaises. "Les habitants de l'île doivent savoir que tout est mis en œuvre pour les protéger", a précisé Bruno Retailleau. "Il nous faut aussi tenir dans la durée, c'est la raison pour laquelle j'ai sollicité d'autres moyens", explique le préfet à Martinique La 1ère. Il a par ailleurs réaffirmé sa détermination à "éliminer les barrages" et à faire respecter "l'ordre républicain".

Des personnes armées sur les barrages

Le préfet, Etienne Desplanques, a également détaillé les profils des protestataires qui sont actuellement sur les barrages. "Le jour, on a un noyau dur militant" qui cherche à bloquer l'île pour "imposer par la force aux Martiniquais leurs opinions sur l'évolution statutaire de l'île, sur la vie chère", explique-t-il à Martinique La 1ère. "La nuit, sur les barrages, ce sont des individus armés qui ont un lien avec la délinquance" et qui sont, selon le préfet, "dans une logique de pillages". Et selon lui, les deux groupes entretiennent des liens.

"Ce sont toujours les mêmes : des jeunes cagoulés qui brandissent des armes. Ils ont souvent l'air alcoolisés ou drogués", témoigne dans le journal France-Antilles un habitant du quartier Ozanam Batelière. "La jeunesse est désœuvrée", nuance dans le quotidien régional une maman du même quartier. Je condamne les émeutes, mais nous devons aussi avoir en tête les difficultés que rencontrent les jeunes. C'est compliqué pour eux en ce moment."

Ces nouveaux troubles interviennent deux semaines après une visite de Bruno Retailleau sur l'île, dédiée à la lutte contre le narcotrafic. Alors que la criminalité aux Antilles atteint un niveau "hors norme", selon les responsables locaux, le ministre de l'Intérieur a annoncé de nouveaux moyens, avec notamment un deuxième escadron de gendarmes mobiles et une nouvelle brigade nautique. "Quand un territoire subit les assauts de ces semeurs de mort que sont les trafiquants, il faut que l'Etat soit là", a-t-il dit.

Commentaires

Connectez-vous ou créez votre espace franceinfo pour commenter.