Au procès des attentats du 13-Novembre, l'un des accusés esquisse des remords : "Je condamne, mais des deux côtés"
Alors que d'autres accusés se retranchent dans le silence ou les dénégations, Sofien Ayari assume son passé de combattant au sein l'Etat islamique en Syrie. Et il explique que "c'est la moindre des choses" de s'expliquer devant la Cour d'assises spéciale.
C'est un homme qui a changé d'avis qui a été entendu devant la Cour d'assises spéciale de Paris, mardi 8 février. Sofien Ayari ne comptait pas s'exprimer au procès des attentats du 13-Novembre, il a finalement décidé de le faire. Sofien Ayari, compagnon de cavale de Salah Abdeslam, a été arrêté en même temps que lui en mars 2016 à Bruxelles. Ayari, sweat-shirt gris et longue barbe noire derrière son masque, est un des plus jeunes accusés : 22 ans à l'époque des faits, 28 aujourd'hui. Un garçon resté quasi mutique au cours des cinq ans d'instruction et qui, aujourd'hui dans le box, décide de s'ouvrir. Son français est parfait, certaines de ses expressions sont même soutenues. "Je ne voulais pas parler ici, mais après avoir entendu la douleur des familles à la barre, notamment une mère endeuillée qui ressemble beaucoup à la mienne, je me dis que c'est la moindre des choses d'essayer de m'expliquer. Je peux le faire, je dois le faire", confie-t-il. Une attitude saluée par le président, alors que deux accusés ont récemment opposé leur droit au silence.
>> Procès du 13-Novembre : le journal de bord d'un ex-otage du Bataclan, semaine 18
Ayari est Tunisien. Il parle de son départ en décembre 2014. Étudiant en informatique, il rejoint la Syrie dans une sorte d'idéal. "Il y avait eu la révolution dans mon pays, des changements forts. J'ai eu Internet à la maison. Je me suis intéressé à ce qui se passait ailleurs, Libye, Egypte et Syrie, avec l'espoir que les citoyens là-bas aussi se libèrent. J'étais dans un sentiment de solidarité", raconte-t-il. Le président lui fait remarquer qu'il n'a alors pas choisi tout de même n'importe quel mouvement d'opposition en rejoignant l'État islamique. L'accusé a combattu contre les troupes de Bachar el-Assad, mais aussi, il le reconnaît, contre des groupes démocratiques jusqu'à une sérieuse blessure. Direction Raqqa, où il est opéré quatre fois, longuement hospitalisé. Il est sur place lors des premiers bombardements qu'il attribue à la coalition. "Je n'étais pas préparé à cette violence. La ligne de front, c'est autre chose, c'est la guerre, c'est le jeu. Mais là, à Raqqa, j'ai vu l'impuissance, l'humiliation, la peur des civils. Certains habitants n'étaient même pas d'accord avec Daesh, mais ils subissaient ça quand même. Ça m'a révolté", termine l'accusé.
Et à partir de ce moment-là, Sofien Ayari reconnaît avoir nourri une certaine amertume envers la coalition occidentale, et notamment la France. Sans hausser le ton, calmement, il souhaite revenir sur la déposition au procès des attentats du 13-Novembre de François Hollande, en novembre. "Il a dit qu'il n'avait pas connaissance qu'il y ait eu des dégâts collatéraux. Mais pour dire ça, il faut être aveugle ! Ce n'est un secret pour personne. En visant des civils en pleine ville, forcément, il faisait des victimes dans la population. Il faut savoir assumer cela quand on est responsable politique", lance Sofiane Ayari.
"Je n'ai pas souhaité participer" aux attaques, se défend-il
Il confie que c'est cette expérience de bombardements qui l'a motivé pour accepter une mission proposée par l'Etat islamique ailleurs. Comprenez en Europe. "J'ai résonné sous le coup de l'émotion. J'ai dit oui", se souvient-il, laissant deviner des regrets. "J'ai pris la décision de partir. J'assume le poids de cette décision. Personne ne m'y a contraint", dit le jeune homme, qui promet en revanche qu'il ignorait la nature de la mission. Le président lui demande : "Vous saviez qu'il était question d'attentats ?" "Non, répond Ayari, ce n'était pas précisé. Ce n'est qu'en Allemagne que j'ai compris que nous avions pour destination la Belgique." L'accusé rappelle qu'il n'a pas participé directement aux attaques, qu'il n'était pas en France le 13 novembre. "Je n'ai pas souhaité y participer", insiste-t-il. Il dit même avoir envoyé une lettre à Raqqa pour dire son souhait de rentrer en Syrie. Lettre jamais retrouvée par aucun enquêteur.
Le président, comme s'il tendait une main à l'accusé : "Monsieur Ayari, vous condamnez les attentats de Paris ?" L'intéressé lâche : "Je condamne, mais je condamne des deux côtés ceux qui ont causé la mort d'innocents." Un peu plus tard, répondant à son avocat, il confie "des remords" sur son parcours. Sofien Ayari encourt la prison à perpétuité.
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