Ce que l'on sait des violences commises par un policier sur un homme en fauteuil roulant à Clermont-Ferrand

Sur une très courte vidéo postée sur le réseau social X, on voit un policier en tenue asséner un coup de poing à une personne handicapée retenue par un autre agent. Saisie, la procureure estime qu'une expertise de la victime "est nécessaire avant toute réponse pénale".

Article rédigé par Violaine Jaussent
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 9min
Un jeune homme de Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme) a filmé un policier frappant une personne en situation de handicap, en fauteuil roulant, le 11 mars 2025. (YASIN CHELLY)
Un jeune homme de Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme) a filmé un policier frappant une personne en situation de handicap, en fauteuil roulant, le 11 mars 2025. (YASIN CHELLY)

La scène, filmée, s'est déroulée lors d'une intervention policière, dans le quartier de Croix-de-Neyrat, à Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme), mardi 11 mars. Trois policiers entourent une personne assise dans un fauteuil roulant, alors qu'un quatrième agent se tient en retrait. Une policière tire par la manche son collègue qui retient le jeune homme handicapé par le bras et lui crie "arrête". Au même moment, le troisième policier donne un coup de poing dans la tête de la victime.

La vidéo, très brève, a été mise en ligne sur le réseau social X, mardi après-midi. La séquence a été repérée par une députée de La France insoumise, qui a fait un signalement à la procureure de la République de Clermont-Ferrand, Dominique Puechmaille. La magistrate a déclaré mercredi que le jeune homme en fauteuil roulant avait insulté les policiers. "Entendu en audition libre", "son état mental est très instable et une expertise est nécessaire avant toute réponse pénale", précise-t-elle. Une enquête administrative a également été ouverte et les policiers ont déposé plainte. Voici ce que l'on sait de cette affaire.

Une altercation en marge d'une opération de police

"Ça s'est passé aux alentours de 15h50. Il y avait une descente de police, au moins vingt policiers", relate auprès de France 3 Auvergne-Rhône-Alpes Yasin Chelly, qui a posté la vidéo sur les réseaux sociaux. Contacté par franceinfo, cet étudiant en droit, âgé de 18 ans, militant à la fédération des Jeunes socialistes du Puy-de-Dôme, confirme le récit livré à France 3. Il a assisté à la scène alors qu'il rentrait chez lui. C'est à ce moment-là qu'il a vu Raphaël, le jeune homme handicapé, "figure" du quartier, se diriger vers les policiers "en les insultant". Yasin Chelly ajoute que d'autres agents sont intervenus ensuite pour tenter d'apaiser la situation et qu'il a partagé la vidéo du coup de poing pour qu'une enquête soit menée.

L'auteur de la vidéo est un autre étudiant de 18 ans, Kaïs. Il raconte à France 3 : "Raphaël a juste avancé avec son pied levé et un policier l'a étranglé. Quand j'ai sorti mon téléphone, il a arrêté de l'étrangler et il lui a mis un coup de poing. Il s'en est réjoui !" "Il s'en vantait après, auprès de ses collègues", assure-t-il. "Mon réflexe a été de filmer, sinon, on ne m'aurait jamais cru", précise Kaïs, une connaissance de Raphaël.

Raphaël a lui-même témoigné auprès de France 3, mercredi après-midi : "J'étais en train de monter cette pente, c'est là qu'il y a eu l'opération des CRS. Je suis très ami avec les policiers de Clermont, on se fait des doigts d'honneur pour rire. J'ai fait ça en pensant que c'étaient eux, mais c'étaient des CRS venus d'ailleurs. Ils m'ont pris à partie. Le policier m'a attrapé par le cou. Il m'a asséné un coup sans crier gare. Je ne me rappelle plus ce qui s'est passé après, c'est le trou noir. Tout est allé très vite. J'ai l'impression que ces cinq minutes ont duré deux ans." De cette altercation, il garde un œil au beurre noir et un hématome sur le nez, précise France 3.

Contactée, la procureure de Clermont-Ferrand confirme qu'"une opération de sécurisation" a eu lieu mardi dans ce quartier, la suite d'incidents (des rixes) la semaine dernière". "Un individu, bien connu, en fauteuil roulant est venu au contact pour insulter les policiers avant d'utiliser son fauteuil électrique pour leur foncer dessus pour les faire tomber. C'est dans ce contexte qu'il a fallu le neutraliser", détaille Dominique Puechmaille. La magistrate précise qu'à la suite de ces violences, le jeune homme handicapé a été "ramené au commissariat et entendu en audition libre". Il a ensuite pu rentrer chez lui.

Un habitant "paraplégique", "connu" dans le quartier

"Raphaël, c'est un habitant du quartier, il est assez connu, c'est un mec sympa, on sait qu'il est paraplégique. C'est un jeune, il est handicapé, c'est un peu compliqué pour lui. Il fait un peu comme les autres jeunes, ce n'est pas le genre de personne à aimer la police", décrit Yasin Chelly auprès de France 3. Mais, regrette-t-il, "rien ne justifie le fait qu'on aille donner un coup de poing à une personne paraplégique, même s'il parle mal aux policiers". L'étudiant précise à franceinfo que le jeune homme a "autour de 28, 30 ans". "C'est quelqu'un de très gentil, souriant, drôle", ajoute Kaïs, l'auteur de la vidéo.

"Son état mental est très instable et une expertise est nécessaire avant toute réponse pénale", a estimé, de son côté, la procureure. Elle précise dans son message avoir eu "immédiatement" connaissance de "cet incident" et que "les policiers ont donné leur version des faits". "Ils ont également déposé plainte", ajoute-t-elle.

Un signalement à la procureure et à la police des polices

La vidéo a été beaucoup partagée sur les réseaux sociaux. "Cet acte est injustifiable autant que disproportionné. Toute la lumière doit être faite par la justice sur cette violence qui ternit l'engagement des forces de l'ordre pour la sécurité des habitants", a écrit, de son côté sur X le maire socialiste de Clermont-Ferrand, Olivier Bianchi. Dès mardi en fin d'après-midi, Marianne Maximi, députée de La France insoumise dans la 1ère circonscription du Puy-de-Dôme, a dénoncé sur le réseau social un "insupportable acte de violence policière".

Dans la foulée, la parlementaire a saisi Dominique Puechmaille sur le fondement de l'article 40 du Code de procédure pénale, qui oblige "toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire" à informer le procureur de la République des crimes et/ou délits dont il a connaissance. "Il ne peut être acceptable dans notre Etat de droit qu'un individu vulnérable soit la victime d'une telle violence", écrit-elle, notamment, dans cette saisine à laquelle franceinfo a eu accès. La députée a également fait un signalement en ligne sur le site de l'Inspection générale de la police nationale (IGPN), comme peut l'effectuer tout citoyen. Une source policière précise à franceinfo qu'une enquête administrative a été ouverte.

Marianne Maximi a déclaré avoir reçu une réponse de la procureure semblable au message reçu par la presse. Des mots qu'elle déplore auprès de franceinfo. "Un récit se met en place : il est responsable et les policiers sont victimes. Les violences policières sont invisibilisées alors que son geste est disproportionné", considère la députée, qui a publié un message dans la même veine sur X. Elle précise à franceinfo qu'elle a prévu de se rendre mercredi en fin d'après-midi dans le quartier de Croix-de-Neyrat et qu'elle est en contact avec le frère du jeune homme handicapé.

Selon la préfecture du Puy-de-Dôme, contactée par France 3, la présence policière s'inscrivait dans le cadre d'opérations de sécurité ciblées, menées par la direction interdépartementale de la police nationale "avec le soutien d'une unité de force mobile". Après avoir été informée de la diffusion de la vidéo, la préfecture a pour sa part demandé un rapport circonstancié sur ces faits, précise France 3.

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