: Récit Braquage et séquestration de Kim Kardashian : on vous raconte la folle affaire pour laquelle 10 accusés sont jugés à Paris
A l'automne 2016, pendant la Fashion Week de Paris, des malfrats, surnommés les "papys braqueurs" en raison de leur moyenne d'âge, dérobent de nombreux bijoux à la star américaine. Le procès de ce casse retentissant s'ouvre lundi devant la cour d'assises de Paris.
C'est l'histoire de braqueurs à l'ancienne qui ligotent une star de la téléréalité américaine, de passage à Paris pour la Fashion Week, et mettent le grappin sur ses bijoux, en pleine nuit. L'affaire a fait les gros titres des journaux à l'automne 2016 et revient sur le devant de la scène, près de neuf ans plus tard, pour le procès. Neuf hommes et une femme sont jugés devant la cour d'assises de Paris, à partir du lundi 28 avril. Du braqueur à l'informateur en passant par le guetteur, la plupart de ces hommes sont accusés d'avoir joué un rôle dans le braquage et la séquestration de Kim Kardashian. Placés sous contrôle judiciaire après une période de détention provisoire, tous comparaissent libres. Ils seront confrontés au cours de l'audience à la puissante femme d'affaires, qui viendra témoigner en personne le 13 mai.
Ce casse remonte au 3 octobre 2016. Il a pour décor un hôtel de luxe, situé rue Tronchet, dans le 8e arrondissement de la capitale, à deux pas de l'église de la Madeleine. Un refuge pour les stars de passage à Paris, tellement discret qu'il est baptisé le "No Address" et accessible "par une double porte en bois démunie de serrure", selon l'ordonnance de mise en accusation consultée par franceinfo. En pleine nuit, cinq hommes cagoulés et gantés y pénètrent grimés en policiers, sans difficulté, malgré leur moyenne d'âge avancée. A l'entrée, les malfaiteurs tombent sur le réceptionniste, Abderrahmane Ouatiki, l'une des quatre parties civiles au procès. Ils le menottent et lui intiment l'ordre de les conduire à l'étage, où se trouve la suite de Kim Kardashian, "la femme du rappeur". Car elle est, à l'époque, en pleine love story avec une autre star américaine : Kanye West.
"Ring, ring"
Il est près de 3 heures du matin, la reine des influenceuses vient de se mettre au lit, en peignoir, épuisée par le tourbillon de la Fashion Week. Kim Kardashian pianote sur son iPhone, quand elle entend un bruit près de la porte. Elle appelle son garde du corps. Trop tard. Deux malfrats déboulent dans la pièce avec le réceptionniste menotté, pendant que les autres font le guet. L'un d'eux lui arrache son téléphone portable des mains. "Ring, ring", lui crie-t-il avec un fort accent français. Il veut la bague de fiançailles de la star. Celle que Kanye West lui a offerte trois ans plus tôt, lors de sa demande en mariage en grande pompe. Un diamant de près de 19 carats, d'une valeur de 4 millions de dollars, que Kim Kardashian n'hésite pas à exhiber en selfie sur Instagram.
Menacée par l'un des cambrioleurs, qui agite son arme de poing, l'influenceuse se résout à désigner la table de nuit, où trône le joyau. Elle est ensuite poussée sur le lit, ligotée et bâillonnée avec du Scotch. En une dizaine de minutes, le duo de voleurs s'empare des dollars dans son sac à main et des bijoux entreposés dans un coffret Louis Vuitton. Ils embarquent aussi l'iPhone. Puis transportent la star dans la baignoire de la salle de bains, avant de détaler. A 3h15, Kim Kardashian, qui parvient à se libérer, se réfugie dans la chambre de sa styliste et appelle sa sœur Kourtney, qui donne l'alerte. Les policiers – les vrais cette fois, ceux de la Brigade de répression du banditisme (BRB) – rappliquent et recueillent le témoignage de l'Américaine. Elle n'est pas blessée physiquement, mais reste traumatisée par la peur de mourir : elle a ressenti "une terreur totale".
Piégé par une trace d'ADN sur du ruban adhésif
Colliers, bracelets et boucles d'oreilles en or sertis de diamants, montre Rolex... Le butin est d'abord estimé à 10 millions de dollars, soit près de 9 millions d'euros, avant d'être réévalué à 6 millions de dollars (5,2 millions d'euros). Les limiers de la BRB débutent leur enquête. L'ADN prélevé sur les liens et le Scotch les met sur la piste des suspects. L'échantillon "matche" avec un profil du fichier des empreintes génétiques : celui de Pascal Larbi. Une fausse identité, utilisée par un certain Aomar Aït Khedache. Né en 1956, l'homme est en cavale depuis 2010 et sa condamnation à cinq ans de prison pour trafic de stupéfiants. Prononcez "Omar" : le A a été ajouté par erreur à l'état civil, précise son avocate à franceinfo. "Avant son arrestation, il travaillait dans la brasserie de sa femme. Mais il était à court d'argent : une cavale, ça se finance, même s'il n'a jamais vécu au-dessus de ses moyens", fait valoir Chloé Arnoux, qui le défend au côté de Frank Berton. Alors, quand "un informateur" lui donne "un tuyau" sur "un coup facile" autour de Kim Kardashian, il fonce. Il reconnaît être l'un des hommes entrés dans sa chambre d'hôtel. Toutefois, il dément être le commanditaire du braquage, comme les enquêteurs le pensent.
Pour trouver les comparses d'Aomar Aït Khedache, les policiers s'intéressent à son entourage, analysent avec minutie les images de vidéosurveillance et passent au peigne fin le trafic des relais téléphoniques du quartier de la Madeleine la nuit des faits. Ils repèrent cinq lignes éphémères et placent sous surveillance leurs utilisateurs après les avoir identifiés. Ils acquièrent ainsi la certitude que les bijoux ont été vendus en Belgique et que Marceau Baum-Gertner, un receleur surnommé "Nez râpé", connu de la police, a été chargé de cette mission. L'intéressé a toujours nié les faits reprochés. Mort en mars à 72 ans, il ne sera donc pas jugé. Il figurait parmi les 17 personnes interpellées lors du vaste coup de filet du 9 janvier 2017, et parmi les 12 mises en examen. Malgré la saisie de liasses de billets chez les suspects, la majeure partie du magot s'est volatilisée.
Chute à vélo et pneu crevé
L'un des autres suspects, Yunice Abbas, reconnaît, lui, dès le début de sa garde à vue, sa participation au détroussage de Kim Kardashian. Son ADN a été retrouvé sur les Serflex utilisés pour la ligoter. Tombé dans la délinquance dans les années 1970, l'homme, qui a passé un tiers de son existence derrière les barreaux, est prolixe sur ses péripéties pendant sa fuite à vélo, gilet fluo sur le dos, dans les rues de Paris. Un récit qu'il couche sur le papier en 2021 dans un livre intitulé J'ai séquestré Kim Kardashian. Il n'a pourtant jamais vu la star, puisqu'il montait la garde au rez-de-chaussée. Il a été le dernier du commando à enfourcher sa bicyclette, avec son volumineux butin.
"A cause de ce foutu sac, impossible à boucler et qui pèse une tonne, j'ai perdu du temps", écrit-il. Les bijoux volés débordent. Soudain, poursuit-il, "le vélo fait un soleil et moi avec. J'enchaîne d'instinct par un roulé-boulé". La scène est filmée par les caméras de la ville de Paris. Les breloques en or se répandent sur la chaussée. Yunice Abbas les remet à la hâte dans le sac à dos. Mais il oublie un pendentif en croix incrusté de six diamants, ramassé quelques heures plus tard par une passante place de la Madeleine. Le braqueur au béret veut repartir mais constate que sa roue arrière est crevée, alors il abandonne le vélo, saute dans un taxi et récupère une Kangoo planquée près de la gare du Nord.
Un coup de fil de "Tracy Chapman" en pleine cavale
Yunice Abbas s'engage en dehors de Paris, quand une sonnerie retentit : c'est l'iPhone de Kim Kardashian. Il écarquille des "yeux incrédules", lorsqu'il lit "Tracy Chapman" sur l'écran lumineux. Le bandit résiste à la tentation de répondre et jette le smartphone depuis le pont de Bondy, en Seine-Saint-Denis. "Le téléphone portable personnel de Kim Kardashian, la 'star virtuelle' américaine de renommée planétaire, va finir son existence dans un 'plouf' sonore", se remémore-t-il. "Run, run, run" : l'histoire ne dit pas s'il fredonnait alors les paroles de Talkin' Bout a Revolution, le tube de la chanteuse.
"Ce livre, c'est sa parole brute. Il l'a écrit pour rétablir certaines vérités", soutient à franceinfo l'avocat de Yunice Abbas. Gabriel Dumenil assure que son client, qui a passé un an et demi en détention provisoire dans cette affaire, avant de "continuer sa vie sous contrôle judiciaire", "éprouve regrets et remords". Aujourd'hui, à 71 ans, il est "à la retraite" et "soutenu par sa famille et des amis de longue date", selon son avocat. "Il ne souhaitait pas que cela se passe ainsi", insiste Gabriel Dumenil.
"Pierrot", "Cathy", "Flo" et les autres
Les autres accusés, eux, contestent tous les faits. Il y a d'abord Didier Dubreucq, âgé de 69 ans et surnommé "Yeux bleus". L'accusation estime qu'il est le troisième homme arrivé à vélo, et possiblement le second à s'être introduit dans la chambre de Kim Kardashian. C'est "un escogriffe au visage en lame de couteau et au regard clair", qui "a croupi en taule durant vingt-trois ans", décrit la journaliste Patricia Tourancheau, dans son livre-enquête Kim et les papys braqueurs. Arrivés à pied, le doyen de la bande, Pierre Bouianere, dit "Pierrot", et Marc-Alexandre Boyer, 35 ans, ferment la marche, selon les enquêteurs. Mais à 80 ans, "Pierrot" n'est pas apte à être jugé, "au regard de son état de santé". Son cas fera l'objet d'une audience devant une autre juridiction.
Parmi ces personnages haut en couleur, il y a aussi Christiane Glotin, dite "Cathy", qui a fixé des rendez-vous entre les complices, d'après l'accusation. C'est la dame de cœur, la carte maîtresse qui connaît tous les accusés ou presque. A l'automne 2010, elle rencontre Aomar Aït Khedache en Espagne et se laisse séduire. "Loin de la passion, c'est la tendresse qui les soude", rapporte Patricia Tourancheau, qui s'est entretenue avec l'accusée de 78 ans. Peu importe si le "truand en cavale" a 10 ans de moins que "cette petite dame blonde d'1,56 mètre". Ensemble, ils prennent l'apéro au Tabloïd, un bar parisien tenu par Florus Heroui, renvoyé lui aussi devant la justice.
Dans ses clients réguliers, "Flo" compte aussi Gary Madar. Aujourd'hui âgé de 35 ans, il est le petit frère du chauffeur employé depuis plusieurs années à Paris par Kanye West, puis Kim Kardashian. Informé, d'après les enquêteurs, de l'emploi du temps de la star, il en a parlé au barman, qui a lâché le morceau aux voleurs. Tous les deux sont jugés pour complicité du vol en bande organisée avec arme, de l'enlèvement et la séquestration.
Pas de prison pour les plus de 70 ans ?
Dans la jeune garde des accusés, se trouve encore Harminy Ait Khedache, l'un des fils d'Aomar. Chauffeur VTC de 37 ans, il reconnaît avoir assuré le transport de trois hommes, dont son père, non loin de l'hôtel de Kim Kardashian. Sans se poser de questions, ni être au courant du projet. "Il est toujours sur le même positionnement et a hâte de pouvoir s'exprimer. C'est un garçon raisonnable qui n'a pas envie d'être remarqué ni connu de la justice, affirme à franceinfo son avocate, Margot Pugliese. Il tente de rester serein malgré l'attention médiatique autour de ce procès."
Un emballement médiatique que redoute tout autant son père. D'autant plus qu'il est invalide à 80% et souffre de lourds problèmes auditifs. "Il ne peut plus parler. Au procès, un dispositif spécial lui permettra de s'exprimer par écrit", expose Chloé Arnoux, glissant que la cour d'assises de Paris pourrait innover en utilisant l'intelligence artificielle. "Omar le vieux" appréhende aussi une condamnation. Il encourt la réclusion criminelle à perpétuité. Il n'est pas le seul. Les peines maximales varient en fonction du statut personnel des accusés, de leur casier judiciaire, de l'état de récidive... L'âge plaide en faveur des papys gangsters : au-delà de 70 ans, ils ne devraient pas passer par la case prison. Aomar Aït Khedache "demande à être jugé à hauteur d'homme", réclame son avocate. Afin d'éviter l'écueil d'une "justice vitrine", influencée par la notoriété de la victime principale, qui attire la presse du monde entier.
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