Au tribunal, "l'homme-araignée" raconte comment il a volé cinq toiles de maître en une nuit dans un musée parisien
Sept ans après le vol de cinq tableaux, qui n'ont toujours pas été retrouvés, Vjéran Tomic a été condamné à huit ans de prison et 200 000 euros d'amende.
"Vous regardez les sécurités, là ?" Il est 17 heures, quand après plus de trois heures d'audience, lundi 30 janvier, le président de la 32e chambre du tribunal correctionnel de Paris, Peimane Ghaleh-Marzban, interpelle Vjéran Tomic sur le banc des prévenus. "Non, j'écoute", lui répond ce grand gaillard de 49 ans, crâne dégarni et sweat-shirt à capuche gris sur le dos. "Il n'y a rien à voler ici", prend soin de préciser le président.
Ce n'est pas n'importe quel voleur qui fait face aux magistrats. Surnommé "l'homme-araignée" ou "Spider-Man", pour sa capacité à escalader les bâtiments qu'il cambriole, Vjéran Tomic a été condamné à huit ans de prison et 200 000 euros d'amende, lundi 20 février, pour un casse rocambolesque. Le vol, le 20 mai 2010, de cinq toiles de maîtres au Musée d'art moderne de Paris : Le Pigeon aux petits pois, de Pablo Picasso, La Femme à l'éventail, d'Amedeo Modigliani, Nature morte au chandelier, de Fernand Léger, L'Olivier près de l'Estaque, de Georges Braque et Pastorale, d'Henri Matisse. Butin estimé : 100 millions d'euros. Sept ans plus tard, les tableaux sont toujours introuvables.
"Les trois autres tableaux, je les ai pris pour mon plaisir"
A la barre au premier jour de son procès, jeudi 19 janvier, Vjéran Tomic, passé aux aveux après un coup de fil anonyme, raconte avec minutie comment il a réussi ce casse presque parfait. Plusieurs nuits avant le vol, ce Parisien d'origine croate, qui compte déjà 14 condamnations à son casier judiciaire, est venu "travailler" sur la fenêtre du musée. A 3h30, dans la nuit du 19 au 20 mai 2010, Vjéran Tomic parvient à desceller une baie vitrée en plexiglas de 80 kg. Aucun système d'alarme ne se déclenche et pour cause, l'enquête révélera que la sécurité du musée était défaillante. "Les détecteurs de mouvement et ceux anti-intrusion étaient hors service, explique le président. Quant aux agents de surveillance, une forme de routine s’était emparée d'eux, ils n'avaient pas l’œil rivé sur les écrans." L'expertise de Vjéran Tomic est sans appel.
Je connais un peu les systèmes d'alarme. Certains particuliers sont bien mieux protégés.
Vjéran Tomicau tribunal de Paris
Vjéran Tomic assure être venu pour deux toiles : celles de Fernand Léger et d'Amedeo Modigliani. Son contact, un homme qu'il présente comme "son principal receleur", réfute sur le banc des prévenus la "commande". "Je lui ai dit : si au hasard de tes pérégrinations, tu trouves une toile type Fernand Léger, je connais quelqu'un qui peut l'acquérir", soutient Jean-Michel Corvez, petit antiquaire du quartier de la gare de Lyon. Quoi qu'il en soit, une fois dans le musée, Vjéran Tomic s'empare des deux toiles avec une facilité déconcertante. Mais il ne s'arrête pas là. Son œil est attiré par d'autres œuvres, plus petites. Le Picasso, le Braque et le Matisse sont décrochés un à un de leur emplacement. Un coup de tête, dira-t-il plus tard. "Les trois, je les ai pris pour mon plaisir et je ne savais pas quoi en faire", avoue-t-il à la barre.
"Je les ai mis à la poubelle"
A bord de sa Renault Scénic, Vjéran Tomic se rend ensuite dans un parking dans le quartier de Bastille. Dans son coffre : les cinq toiles, "mes œuvres", lance-t-il. Jean-Michel Corvez l'attend et découvre l'étendue du butin. "J'étais ahuri, affirme l'antiquaire de 55 ans, cheveux argentés peignés en brosse et veste de velours noir sur les épaules. J'aurais pu ne pas les prendre, on a même discuté de leur restitution." Finalement, il les prend tous, mais ne verse à "Joe", le surnom dont il a affublé Vjéran Tomic, que les 40 000 euros convenus pour le Léger. L'antiquaire voulait vendre ce dernier à un Saoudien, dont il ne donnera pas l'identité, confiant craindre pour "sa sécurité". Mais la vente capote et Jean-Michel Corvez se tourne vers "un ami", le troisième protagoniste de cette affaire hors-norme : Yonathan Birn, un expert en horlogerie.
De plus petite taille que les deux autres, la tête rentrée dans les épaules, ce père de famille de 40 ans sanglote lorsqu'il évoque sa mésaventure. "Encore aujourd'hui, je me demande comment j’ai pu accepter de rentrer dans un tel engrenage", soupire-t-il. A l'été 2010, Jean-Michel Corvez lui présente le Modigliani. "J'ai oublié tout ce qu'il y avait autour de moi, c'était extraordinaire. Je voulais l'avoir", raconte-t-il. Sur les 80 000 euros demandés, Yonathan Birn en règle 61 000. Le tableau est d'abord stocké dans sa cave, puis dans un coffre à sa banque. Quant aux quatre autres œuvres, c'est là encore l'antiquaire qui va contacter l'expert en horlogerie pour trouver une planque. Yonathan Birn accepte de les cacher derrière l'armoire métallique de son logement.
Mais, en mai 2011, pris de panique après une garde à vue, il assure avoir commis l'irréparable. "Je les ai mis à la poubelle", répète-t-il trois fois, entre deux sanglots, avant de lâcher : "J'ai fait la pire faute de mon existence, malheureusement." Tout près de lui, Vjéran Tomic ne bronche pas. Plus tôt, il avait assuré que "sincèrement", il n'aurait pas détruit les tableaux. "Qu'est-ce qui est le plus grave, s'interroge le président avant la fin de l'audience. Voler une œuvre qui reparaîtra un jour, dans 50 ou 100 ans, ou la destruction d'une œuvre irremplaçable, le fait de l'enlever à toute l'humanité ?"
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