Témoignage "Jackpot, on a libéré l'otage" : le récit de l'assaut pour délivrer le père d'un gérant d'une société de cryptomonnaies par le patron de la PJ de Paris

Le père d'un homme gérant une société de cryptomonnaies a été enlevé jeudi à Paris, avant d'être libéré à Palaiseau par les enquêteurs. Ses ravisseurs, qui demandaient une rançon, lui ont coupé un doigt.

Article rédigé par franceinfo
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Fabrice Gardon, directeur de la police judiciaire de la préfecture de police de Paris, invité de franceinfo lundi 5 mai. (FRANCEINFO / RADIO FRANCE)
Fabrice Gardon, directeur de la police judiciaire de la préfecture de police de Paris, invité de franceinfo lundi 5 mai. (FRANCEINFO / RADIO FRANCE)

"Heureusement que nous sommes intervenus avant que la situation ne dégénère davantage", explique, lundi 5 mai sur franceinfo, Fabrice Gardon, directeur de la police judiciaire de la préfecture de police de Paris, revenant sur le déroulement de l’enquête ayant permis la libération, samedi soir, du père d’un entrepreneur ayant fait fortune dans la cryptomonnaie, enlevé jeudi matin en plein Paris. Fabrice Gardon raconte "le soulagement des enquêteurs d'avoir pu libérer cette personne au bout de 58 heures".

La victime, un homme d’affaires d’une soixantaine d’années, a été kidnappée avenue du Maine alors qu’il promenait son chien. Embarqué de force par plusieurs hommes cagoulés à bord d’une camionnette, il a été victime de violences extrêmes : un doigt lui a été sectionné, la scène filmée et envoyée à son fils avec une demande de rançon de plusieurs millions d’euros en cryptomonnaie. "La victime présente des blessures physiques et se trouve dans un état de choc", souligne Fabrice Gardon. "Il va devoir avoir une prise en charge médicale psychologique", ajoute le patron de la PJ de Paris.

L’enquête a mobilisé une task force réunissant plusieurs services spécialisés, dont la Brigade de répression du banditisme, la Brigade criminelle, la BRI et la Brigade de lutte contre la cybercriminalité. Elle a été constituée "dans les premiers instants", car "ça se joue vraiment au début ce genre d'enquête", explique Fabrice Gardon. "Si on n'est pas bien organisé dès le départ, on a peu de chances de succès", poursuit-il.

"Un grand soulagement"

À partir de ce moment-là, les enquêteurs s'organisent en petits groupes avec "des ateliers pour les recueils de témoignages, pour les constatations, des ateliers pour les actions de terrain, des ateliers pour l'aspect cybercriminalité puisqu'il était très présent dans cette affaire", détaille le directeur de la police judiciaire de la préfecture de police de Paris. Les informations sont ensuite rassemblées et recoupées. C'est là qu'il "faut chercher la petite aiguille dans tout ça qui va être ici détaillé", précise Fabrice Gardon. "C’est un petit détail, au milieu d’une masse de données, qui nous a permis de remonter jusqu’au lieu de séquestration", ajoute-t-il. Les enquêteurs ont localisé le pavillon de Palaiseau, en Essonne, où l’otage était détenu. Mais "on en est sûr qu'à 70 ou 80 %", explique-t-il.

Les enquêteurs veulent faire vite, car ils redoutent de nouvelles mutilations si l’ultimatum fixé par les ravisseurs expirait. L’assaut est donné par la BRI après le "go" de Fabrice Gardon. Lui suit l'action depuis le siège de la direction. Il n'a pas l'image, seulement le son. "Quand je donne le go pour l'assaut, il s'écoule après une vingtaine de minutes avant que la BRI rentre", raconte le chef de la PJ parisienne. "Au bout de quelques instants, le chef de la BRI dit à la radio c'est un peu notre code, il dit "jackpot", là, ça veut dire dans notre jargon c'est bon, on a libéré l'otage. Et là, il y a évidemment un grand soulagement", raconte-t-il.

Des suspects "inexpérimentés" et "très violents"

Sept suspects ont été interpellés et placés en garde à vue. Fabrice Gardon ne veut pas s’étendre sur leur profil. "Le temps de la garde à vue va permettre de déterminer l'implication des uns et des autres. Grosso modo, on est sur des hommes âgés tous d'une vingtaine d'années qui ont un profil pour la plupart avec des antécédents judiciaires", précise-t-il.

Fabrice Gardon souligne le niveau de violence "très inquiétant" des auteurs de home-jacking ou d’enlèvement en général. "Du fait de leur jeunesse, du fait de leur côté un peu inexpérimenté, ils vont parfois se montrer très violents dès qu'il y a la moindre résistance, dès que ça ne se passe pas comme ils le veulent. Ils n'ont pas la carrure que pouvaient avoir certains gros voyous par le passé et donc ça peut très vite dégénérer", explique-t-il.

Plus facile de braquer des cryptomonnaies

Aujourd’hui, les mesures de sécurité sont telles qu’il est plus difficile de s’attaquer à des banques ou des bijouteries. La cryptomonnaie devient alors la cible de la criminalité organisée. "On est sur des personnes qui possèdent parfois des sommes énormes, plusieurs millions d'euros et c'est de l'argent très vite disponible", explique le policier.

Ce nouveau rapt met en lumière l’appétit croissant de la criminalité organisée pour les détenteurs de cryptomonnaies : "Les mouvements en cryptomonnaie se font très simplement sur tout un tas de sites. Dans la plupart des cas, les mouvements d'argent sont visibles. C’est un peu comme si vous pouviez voir ce que chacun a sur son compte en banque dans des banques traditionnelles. Tout ça, bien évidemment, crée de l'appétit, crée des envies. C’est cette rapidité d'accès à de l'argent, à des sommes qui fait que ça suscite ces convoitises."

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