"Delphine n'a pas disparu, elle a été assassinée" : au procès de Cédric Jubillar, le mot "féminicide" est prononcé pour la première fois
Chloé, amie "inséparable" de Delphine Jubillar-Aussaguel, a livré un témoignage particulièrement poignant mercredi. Elle affirme avoir "la profonde certitude" que l'accusé de 38 ans a assassiné son épouse "de ses mains".
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Quand les jurés se retireront pour délibérer sur le sort de Cédric Jubillar, le 17 octobre, après quatre semaines de procès, les dépositions se seront accumulées. Enquêteurs, experts, amis, frères, sœur, cousin, cousines, oncle, tante, voisines, collègues... Certains visages se mélangeront sans doute, leurs mots aussi. Mais l'intensité du témoignage de Chloé, l'amie d'enfance de Delphine Aussaguel, leur reviendra sûrement en mémoire. Pourtant, quand elle s'avance à la barre, mercredi 1er octobre, la jeune femme de 36 ans semble prête à vaciller, terrassée par l'émotion.
Cette coiffeuse à domicile tient une feuille, griffonnée de quelques notes. D'emblée, la présidente prévient : les témoins doivent s'exprimer spontanément. Chloé jure qu'elle ne lira pas. Elle se lance, peine à respirer. Son allocution est déroutante : la jeune femme récite un texte pendant une trentaine de minutes, visiblement appris par cœur, à la virgule près. Mais l'ensemble est précis, circonstancié. La volonté de Chloé paraît double : poser les mots les plus justes possibles sur ce qu'a été la vie de son amie et atomiser Cédric Jubillar.
"Elle a laissé de côté ses rêves de petite fille"
"J'ai rencontré Delphine à l'aube de ses 12 ans, nous étions dans la même sixième. Delphine était une élève discrète, bien éduquée, pétillante, qui prenait la vie comme elle vient. Elle m'aidait dans mon quotidien, à trouver mes repères. Nous avons pris Occitan en option, ce qui nous a permis de passer quatre ans dans la même classe. Nous sommes très rapidement devenues inséparables", déroule Chloé. Les deux filles grandissent ensemble. "Nous nous amourachons de mauvais garçons", glisse la jeune femme. "Elle... C'était Cédric."
"Moi, j'ai eu beaucoup de chance : j'ai réussi à m'extirper de ma relation toxique. Mais pour Delphine, ce qui devait rester un premier amour de jeunesse a continué, malgré tout ce qu'en disait l'entourage."
Chloé, amie de la victimedevant la cour d'assises du Tarn
Elle l'assure : son amie a toujours voulu être infirmière puéricultrice. "Elle a laissé de côté ses rêves de petite fille" pour prendre un emploi comme infirmière de nuit. Pourquoi ? "Cédric était bancal", il ne parvenait pas à garder un emploi stable et il fallait assurer la sécurité financière du couple. Enceinte de son fils Louis, Delphine lui apparaît "heureuse et épanouie". Chloé déménage alors loin du Tarn, mais redescend régulièrement voir son amie. Quand elle croise Cédric Jubillar, il n'a pas changé : "vantard, des regards appuyés, des blagues douteuses : je me disais que Delphine méritait bien mieux que ça".
"Delphine est devenue le symbole des féminicides"
A l'été 2020, Delphine Jubillar lui confie qu'elle ne supporte plus son mari, qu'il ne l'attire plus : "il ne fait que réclamer".
"Je lui dis que leur histoire a largement assez duré, qu'elle mérite d'être heureuse, qu'elle mérite quelqu'un de bien."
Chloé, amie de la victimedevant la cour d'assises du Tarn
Le 17 décembre 2020 au matin, Cédric Jubillar l'appelle : "Delphine est chez toi ! Dis-moi que Delphine est chez toi !" Puis il se calme "instantanément", raconte Chloé, qui décèle "un comportement tout à fait étrange". "Je posais des questions, il me répondait à peine", se souvient-elle. "Extrêmement inquiète", elle contacte Sébastien, le frère de Delphine, et Davy, son cousin, pour "tenter d'organiser, je ne sais pas... Une sorte de recherche parallèle pour recueillir des informations pour l'enquête".
"Je voulais comprendre ce déni collectif : tout le monde voulait refuser que c'était arrivé, que Cédric avait fait une telle chose."
Chloé, amie de la victimeface à la cour d'assises du Tarn
La jeune femme accuse soudain ouvertement le peintre-plaquiste, qui l'observe depuis son box. Chloé poursuit : "On n'imaginait absolument pas l'ampleur médiatique que ça prendrait : on voit sa photo partout, c'est ultra-perturbant. Delphine est devenue le symbole des féminicides." La salle d'audience se fige : pour la première fois, alors que Cédric Jubillar est bien jugé pour meurtre par conjoint, le terme est prononcé.
"Elle ne réalisait pas la dangerosité de son mari"
Elle ne s'arrête pas là et livre son "analyse". "Delphine avait un cœur énorme, elle voulait tellement aider les autres. De par sa profession, elle avait un peu le syndrome de la sauveuse. Elle était si follement amoureuse [de son amant] qu'elle ne réalisait pas la dangerosité de son mari, qui l'épiait chaque jour", déroule-t-elle. "Pour Cédric, qu'elle le quitte, qu'il puisse perdre la maison, symbole de son équilibre, après avoir passé son enfance ballotté, c'était insupportable."
"Si Delphine n'était pas avec lui, elle ne serait avec personne d'autre. C'était une façon d'accaparer sa vie, jusqu'à la mort."
Chloé, amie de la victimedevant la cour d'assises du Tarn
Elle prend son élan et poursuit, d'une voix plus forte : "J'ai la profonde certitude que Cédric a assassiné Delphine de ses mains." Elle souhaite s'adresser à l'accusé. Flottement dans la salle. La présidente refuse.
Pauline Rongier, qui représente une autre amie de Delphine Jubillar, revient sur une phrase prononcée par Chloé. "Vous dites : 'la disparition de Delphine me paraît inaudible'. J'y vois un paradoxe, car on entend parler de l'affaire partout. Qu'entendez-vous par là ?" l'interroge l'avocate. "Parce qu'elle n'a pas disparu, elle a été assassinée par cet homme", rétorque Chloé sans regarder celui qu'elle accuse. La jeune femme répète : "Elle n'a pas disparu. Elle est décédée."
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