Détenus dangereux, mouvements restreints... À quoi ressemble la prison de haute sécurité de Condé-sur-Sarthe, où est incarcéré Mohamed Amra ?
Le trafiquant de drogue, repris par les autorités roumaines après neuf mois de traque, a été transféré en France, puis rapidement incarcéré et placé à l'isolement dans la nuit de mardi à mercredi dans ce centre pénitentiaire, près d'Alençon, dans l'Orne.
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Point final d'une cavale. Le narcotrafiquant Mohamed Amra, arrêté samedi 22 février en Roumanie après neuf mois de cavale marquée par la mort de deux agents pénitentiaires, a été mis en examen mardi 25 février à Paris, dès son arrivée en France, pour "meurtres en bande organisée, tentative de meurtres en bande organisée, évasion en bande organisée, vol en bande organisée, recel de vol en bande organisée et association de malfaiteurs". Il a ensuite été placé à l'isolement au centre pénitentiaire de Condé-sur-Sarthe, dans l'Orne, vers lequel il est arrivé par les airs, à bord d'un hélicoptère.
"Régime d'isolement extrêmement difficile"
Mohamed Amra a été placé en isolement "qui permet un régime d'isolement extrêmement strict", précise le ministre de la Justice Gérald Darmanin. Il aura le droit à une heure par jour de promenade seul "sans jamais croiser un autre détenu", complète Gérald Darmanin. Il aura également le droit à deux heures de communication téléphonique écoutée par les services de renseignement et trois visites par semaine extrêmement contrôlées avec des fouilles systématiques, ajoute le garde des Sceaux. "C'est donc un régime d'isolement extrêmement difficile", souligne-t-il.
Ce type de régime d'isolement préfigure le régime de détention que souhaite instaurer Gérald Darmanin pour "la prison de haute sécurité". Il le présentera la semaine prochaine au Parlement, confirme le ministre de la Justice. "Il est très important désormais de pouvoir considérer que des personnes comme M. Amra, extrêmement dangereuses, parce que narcotrafiquants, parce que capables de s'évader, parce que capables manifestement de commander des homicides, doivent évidemment être à total isolement", martèle le ministre afin de protéger "d'abord l'administration pénitentiaire" et d'éviter "toute pression sur aucune personne".
"Nous ne sommes pas capable de garantir que ça ne se reproduise pas", reconnaît ce mercredi Gérald Darmanin, précisant qu'actuellement 17 000 narcotrafiquants sont en prison en France. "J'espère qu'au 31 juillet prochain cela ne se reproduira pas, puisqu'il y aura la prison de haute sécurité que nous créons", assure le ministre. Gérald Darmanin compte également instaurer "un nouveau régime de détention extrêmement difficile pour les 600, 700 détenus les plus dangereux", appuyé par "un parquet national et une police spécialisée qui ne s'occupera que des narcobandits comme dans le terrorisme".
Une prison spéciale
Cet établissement n'a pas été choisi par hasard pour emprisonner Mohamed Amra : il s'agit d'une prison de haute sécurité. Isolé en pleine campagne normande, l'établissement est réputé pour être une véritable forteresse, dotée de miradors, d'un double mur d'enceinte et de plusieurs centaines de caméras de surveillance.
"Vous avez trois maisons centrales, avec des quartiers à effectifs réduits de 60 places - sur un total de 204 places - et avec une infrastructure très sécuritaire, une double enceinte de 9 mètres et 12 mètres de haut, avec de la vidéoprotection. Et puis également avec des agents qui sont formés à la prise en charge des détenus les plus dangereux. Enfin, avec des mouvements qui sont restreints à l'intérieur des établissements pénitentiaires", décrit ainsi Joaquim Pueyo, maire d'Alençon, ancien directeur des prisons de Fresnes et de Fleury-Mérogis.
Des pensionnaires au lourd passé
Par ailleurs, des membres du personnel ont accès à des équipements antiémeutes, tels des CRS. La prison comprend aussi des infrastructures médicales, permettant de limiter les transferts vers des hôpitaux toujours risqués avec certains détenus violents. Parmi les pensionnaires "célèbres" passés par la prison : le braqueur et spécialiste de l'évasion Redouane Faid ou encore Youssouf Fofana, le chef du gang des Barbares. La prison est aussi connue pour sa violence. En 2019, un détenu radicalisé avait blessé deux agents avec un couteau en céramique apporté par sa compagne lors d'une visite.
L'établissement a été visité le 17 février par le ministre de la Justice, Gérald Darmanin, qui prévoit d'incarcérer les plus gros narcotrafiquants du pays dans une seule et même prison de haute sécurité. Condé-sur-Sarthe fait partie des pistes envisagées.
L'établissement a également été le théâtre d'une violente agression, en mars 2019, où un prisonnier radicalisé avait agressé deux surveillants pénitentiaires avec un couteau en céramique. Le détenu Michaël Chiolo s'était alors retranché avec sa compagne dans l'unité de "vie famille" en déclarant avoir une ceinture d'explosifs sur lui, se réclamant de l'État islamique. Dans la soirée, le Raid a mené l'assaut et neutralise les deux terroristes : l'homme est alors blessé par balle à la mâchoire quand sa compagne, Hanane Aboulhana, meurt quelques minutes plus tard, des suites de ses blessures, touchée par balles lors de l'assaut.
Le centre pénitentiaire avait d'ailleurs été épinglé par la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) pour ces conditions de détention, durant le conflit social après cette agression de gardiens. Un mouvement de protestation d’agents pénitentiaires avait alors démarré, conduisant au blocage pendant plusieurs jours de la prison. Le mouvement social avait ensuite essaimé dans plusieurs prisons françaises. Contestant les conditions de détention durant ce blocage, deux détenus de cette prison de l'Orne ont invoqué devant la CEDH "la situation d'extrême vulnérabilité dans laquelle ils se sont trouvés pendant 21 jours", indique la Cour dans son arrêt, daté d'avril 2024. Ils affirmaient avoir été "confinés en cellule 24 heures sur 24 pendant une vingtaine de jours" et n'avoir pas "pu se débarrasser de leurs poubelles ou seulement à de rares occasions". Ils dénonçaient également "l'accès très limité au téléphone pendant la durée du blocage et l'impossibilité de faire parvenir des courriers à leurs proches ou d'en recevoir".
La France avait ainsi été condamnée par la Cour européenne des droits de l'homme à verser 2 000 euros à chacun des requérants pour préjudice moral. Le gouvernement français avait invoqué de son côté la dimension "exceptionnelle" de la situation, les surveillants n'ayant "pas le droit de faire grève", et souligné "les efforts considérables entrepris par l'administration pénitentiaire pour assurer le service et maintenir des conditions de détention dignes" dans un contexte d'effectifs "très réduits".
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