Affaire Théo à Aulnay-sous-Bois : "Défendre l'idée qu'il s'agissait d'un policier novice est aberrant"
Après l'interpellation violente de Théo le 2 février à Aulnay-sous-Bois, Fabien Jobard, auteur de "Sociologie de la police", dresse jeudi son analyse des faits.
"L'idée qu'il s'agissait d'un policier novice", qui a procédé à l'interpellation violente du jeune Théo à Aulnay-sous-Bois le 2 février, "me paraît tout à fait aberrante", a assuré jeudi 9 février sur franceinfo, Fabien Jobard, chercheur au CNRS et co-auteur d'une Sociologie de la police.
Selon lui, "c'est d'autant moins possible que ce policier est membre d'une brigade spécialisée, la BST [brigade spécialisée de terrain]. Ces brigades procèdent par cooptation dans leur recrutement. Donc il n'était pas novice, il était connu par son brigadier qui l'a choisi pour former cette brigade".
franceinfo : Que pensez-vous du débat sur la qualification des faits en viol ?
Fabien Jobard : De mon point de vue, il n'y a pas débat. Une lésion de 10 cm dans les organes internes rectaux du jeune homme ne doit pas donner lieu à débat. Du point de vu pénal, à partir du moment où il y a une lésion interne de 10 cm, un viol involontaire, ça n'existe pas.
Que révèle cette affaire, selon vous ? Ce serait la panique d'un policier, qui serait novice, dans une situation inconnue pour lui ?
Interpeller un jeune homme au pied d'une cité dans un contexte tendu, c'est le métier d'un policier. On ne peut pas imaginer qu'à Aulnay-sous-Bois procéder à une interpellation soit une situation à ce point nouvelle pour lui qu'il cède totalement à la panique et qu'il en vienne à violer le jeune homme en question ! Et c'est d'autant moins possible que ce policier est membre d'une brigade spécialisée, la BST [brigade spécialisée de terrain]. Ces brigades procèdent par cooptation dans leur recrutement. Donc, il n'était pas novice. Son brigadier l'a choisi pour former cette brigade. Comme les brigades anti-criminalité [BAC], ces brigades recrutent des agents qu'elles ont déjà vu exercer sur le terrain. Je ne sais pas qui a pu promouvoir l'idée qu'il s'agissait là d'un policier novice, mais il me paraît tout à fait aberrant de défendre une telle idée.
Est-ce que ça pourrait être la conséquence d'une technique d'interpellation, d'une méthode d'immobilisation des suspects ?
Non, d'autant qu'il s'agit très clairement ici d'un acte de pénétration par violence. Déplaçons le propos de celui du viol qui peut induire un certain élément de désir sexuel.
Comment la Cour européenne des droits de l'homme [CEDH] qualifierait-elle un tel acte ? Elle le qualifierait d'un terme propre à la CEDH, elle le qualifierait de torture. Est-ce que la torture peut être imaginée comme technique d'interpellation ou d'immobilisation ? Jamais. Jamais !
Fabien Jobard, auteur de "Sociologie de la police"à franceinfo
Maintenant, on peut imaginer que des techniques d'immobilisation par strangulation puissent mener à la mort involontaire de la personne concernée, et ça s'est répété maintes fois dans l'histoire récente de la police et de la gendarmerie françaises. D'ailleurs, ces techniques sont vivement déconseillées par le Conseil de l'Europe. Mais un acte de pénétration par matraque téléscopique n'est même pas imaginé par quelque institution que ce soit.
Les situations de violence sont récurentes entre police et jeunes.
La récurrence est telle que les policiers et les jeunes ont acquis chacun tout un ensemble de savoir-faire. Cela dit bien à quel point, sur tout un ensemble de territoires, on est dans un rapport mimétique entre les jeunes et les policiers. Les policiers emploient une certaine forme de violence, les jeunes y répliquent de la même manière, et les policiers répliquent de la manière dont les jeunes agissent. On est dans un rapport d'escalade. Dans ce contexte, il est très intéressant de noter que le maire d'Aulnay est un ancien secrétaire général d'un syndicat de police, et lui a très bien compris ce qui se joue. Il a appelé le parquet à ne pas déqualifier la situation et à appeler les choses telles qu'elles sont définies dans le droit pénal. Il s'agissait d'un viol , selon lui, et il appelle aujourd'hui au calme.
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