Au procès de Joël Le Scouarnec, un policier agressé sexuellement par l'ex-chirurgien confie : "Je ne voulais pas faire partie des victimes"
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Cet homme de 38 ans a reconnu avoir "mis un couvercle sur l'affaire" lorsque les gendarmes lui ont révélé les agressions sexuelles dont il avait été victime enfant. Le procès agit sur lui "comme une thérapie", a-t-il confié pudiquement, face à la cour criminelle du Morbihan.
Cédric* arrive à la barre stressé mais déterminé. "Je me permets de vous regarder", déclare d'emblée cet homme de 38 ans à Joël Le Scouarnec, mercredi 12 mars. Il poursuit, face à la cour criminelle du Morbihan, après s'être tourné furtivement vers l'ex-chirurgien : "J'ai prêté serment de protéger les personnes. Vous aussi, avec le serment d'Hippocrate", lâche-t-il d'une traite, en lisant nerveusement une déclaration qu'il a préalablement rédigée. Cédric est policier. Son prénom et son nom – qu'il souhaite taire dans les médias – ont été retrouvés dans les journaux intimes de l'accusé, accolés à une série d'agressions sexuelles, transcrites avec emphase et autosatisfaction. Les faits sont répartis sur trois jours, les 17, 18 et 19 mars 2001.
A cette époque, Cédric avait 14 ans. Ses parents habitaient Carnac et il se retrouve hospitalisé en urgence à la polyclinique du Sacré-Cœur de Vannes, pour une péritonite très douloureuse. Le fonctionnaire n'a gardé aucun souvenir de ce passage à l'hôpital. "C'est comme si j'avais fait une croix dessus", observe-t-il. Les gendarmes, qui le convoquent en 2019, lui lisent les passages le concernant. "Ça a été un choc", décrit Cédric. Ils lui tendent une photo de son agresseur, aujourd'hui âgé de 74 ans. "Je l'ai très bien reconnu mais j'ai dit que je ne l'avais pas reconnu : je me suis enfermé dans le mutisme", relate-t-il.
Son épouse, policière elle aussi, a longtemps travaillé à la brigade des mineurs à Paris. "Les viols et les agressions sexuelles, c'était son quotidien. Je ne voulais pas faire partie de ces victimes-là", explique l'homme de 38 ans, chemise bleu clair, pantalon beige. Cette femme aux longs cheveux bruns l'observe très émue, assise juste derrière lui, dans la salle d'audience du tribunal de Vannes. Le meilleur ami de Cédric est assis à côté d'elle.
"J'ai mis un couvercle sur cette affaire"
Le trentenaire n'en parle qu'à eux après la révélation des faits. "Je ne voulais pas avoir de failles vis-à-vis de ma hiérarchie", rapporte-t-il, précisant s'être tourné vers l'activité physique, de manière obsessionnelle. "Je faisais vingt-quatre heures de sport par semaine", glisse Cédric, qui parle vite, ne pleure jamais, même s'il semble prêt à se faire submerger par l'émotion. Il n'a pas non plus vu de psychologue, malgré un traumatisme évident : "Je me suis senti sali, très anxieux vis-à-vis de mes enfants, en hypervigilance avec les médecins."
Pendant longtemps, il a refusé de porter plainte contre Joël Le Scouarnec.
"Je suis le premier à dire de le faire quand j'interviens auprès des victimes de violences conjugales. Mais quand ça change de camp, ce n'est pas pareil..."
Cédric, partie civiledevant la cour criminelle du Morbihan
"Et quand une femme ne dépose pas plainte, alors qu'elle vient de se faire frapper, vous en pensez quoi ?" lui demande la présidente, Aude Buresi. "On essaye de lui faire prendre conscience que les féminicides, ce n'est pas qu'à la télé, que ça peut leur arriver", rétorque Cédric, qui reconnaît avoir "mis un couvercle sur cette affaire".
Comme pour chacune des victimes, la magistrate projette une photo de Cédric l'année des faits. Un petit garçon souriant apparaît sur l'écran de la salle d'audience, vêtu d'un tee-shirt Adidas blanc au logo noir. "C'était en vacances, avec mes parents", mentionne-t-il. Avec douceur, la présidente tente de convoquer ses souvenirs. Elle demande s'il se rappelle de la petite fille qui était dans sa chambre d'hôpital avec lui. Le policier se remémore vaguement une fillette, mais pas son prénom, ni une quelconque interaction avec elle. "Elle s'appelle Manon, elle sera entendue par la cour lundi prochain", précise Aude Buresi. Elle aussi figure dans les écrits pédocriminels de l'ancien chirurgien.
"Il n'est pas au-dessus des lois"
Dans le brouillard de ses souvenirs, une image est toutefois revenue à Cédric après son échange avec les gendarmes : un homme "positionné au-dessus de moi dans la chambre et au niveau de mon sexe pour m'ausculter, mais j'étais dans le gaz". Avant le passage du policier à la barre, deux experts psychologues ont décrit à la cour les multiples effets que pouvaient avoir les traumatismes d'ordre sexuel dans le comportement des victimes. La dégradation des résultats scolaires est apparue dans la liste des symptômes.
"Il n'y a qu'aujourd'hui que je me suis rendu compte que j'ai eu une chute brutale de mes notes après mon opération : j'étais en quatrième générale, je suis passé en troisième technologique. C'est peut-être une des conséquences..."
Cédric, partie civiledevant la cour criminelle du Morbihan
Cinq ans après avoir pris connaissance des faits le concernant, Cédric sort tout juste du déni, reconnaissant s'être constitué partie civile un mois et demi seulement avant le début du procès. "Vous avez été complètement absent de la procédure et là, depuis le début du procès, vous êtes plutôt présent", observe son avocate, Louise Aubret-Lebas.
"Je ne savais pas comment j'allais réagir, c'est pour ça que je me cachais. Mais ce procès, c'est une thérapie. Voir Monsieur Le Scouarnec et voir que je ne suis pas tout seul : on est tellement de victimes..."
Cédric, partie civiledevant la cour criminelle du Morbihan
"Puisque vous êtes présents depuis plusieurs jours et entendez les différents discours de Joël Le Scouarnec, comment vous les vivez ?", poursuit l'avocate. "Mal. A mes yeux, c'est un manipulateur qui tire une jouissance d'être présent et d'entendre ses victimes", lâche Cédric dans une colère froide, estimant que son ex-femme, Marie-France, devrait figurer dans le box à ses côtés, ainsi que les médecins qui l'entouraient. Pour le policier, "il est impossible qu'ils n'aient rien vu pendant toutes ces années". Et d'ajouter d'un ton vif : "Le chirurgien est mis sur un piédestal, mais c'est un humain comme un autre. Il n'est pas au-dessus des lois."
* Le prénom a été modifié.
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