Affaire du petit Grégory : "La clé de cette horreur se trouve dans le passé de la famille Villemin", juge Thibault Solano, journaliste et auteur de l'enquête "La voix rauque"
Jacqueline Jacob, grand-tante par alliance du petit Grégory, assassiné en 1984, est convoquée vendredi 24 octobre devant la Cour d'appel de Dijon pour une éventuelle mise en examen pour une association de malfaiteurs criminelle. Le directeur adjoint de la rédaction de Marianne, Thibault Solano, était invité dans le 11h/13h de franceinfo pour en parler.
Aujourd'hui âgée de 80 ans, Jacqueline Jacob aurait joué un rôle central dans la disparition de son petit-neveu, Grégory Villemin, en 1984. Il y a sept ans, sa mise en examen avait été annulée à cause d'un vice de procédure. Vendredi 24 octobre 2025, elle est cependant convoquée par la Cour d'appel de Dijon (Côte-d'Or) pour une possible mise en examen pour association de malfaiteurs en vue de commettre un crime. Thibault Solano, directeur adjoint de la rédaction de Marianne, était l'invité du 11h/13h de franceinfo pour parler de l'affaire, à propos de laquelle il a notamment réalisé l'enquête La voix rauque (2018).
Ce texte correspond à une partie de la retranscription du reportage ci-dessus. Cliquez sur la vidéo pour la regarder en intégralité.
Flore Maréchal : Jacqueline Jacob pourrait être l'un des corbeaux présumés pour l'heure : ses lettres, ses appels téléphoniques, ses menaces. C'est vraiment l'une des spécificités de cette affaire Grégory.
Thibault Solano : Corbeau qui a commencé à harceler la famille Villemin trois ans avant, à partir de l'année 1981, et qui ensuite, en 1983, c'est-à-dire un an et demi avant de passer à l'acte, avait déjà annoncé qu'il s'en prendrait à l'enfant. Donc, on sait aujourd'hui que le corbeau est forcément lié d'une façon ou d'une autre à l'assassinat de Grégory Villemin.
Est-ce que cette fois, on peut croire que cela va avancer différemment ?
Alors effectivement, on peut parler d'une sorte de malédiction de la Vologne, puisque tous les juges d'instruction, pour l'instant, se sont cassé les dents sur ce dossier. Nous sommes cette fois face à une nouvelle tentative avec une infraction retenue qui serait celle de l'association de malfaiteurs criminelle. C'est-à-dire qu'on ne reprocherait pas à Jacqueline Jacob, si elle est vraiment mise en examen demain, d'avoir assassiné l'enfant. ous n'avons pas d'éléments matériels nouveaux pour le prouver, mais on lui reprocherait d'avoir été l'un des corbeaux, donc d'avoir forcément fait partie de ce projet criminel.
C'est une nouvelle approche judiciaire. Alors maintenant, est-ce qu'elle va réussir ou pas ? Vous l'avez rappelé dans votre reportage : la dernière fois que Jacqueline Jacob a été interrogée par la justice, face à plus de 300 questions qui lui ont été posées, elle a toujours gardé le silence.
Un nouvel élément à opposer à Jacqueline Jacob
Et cette fois, par rapport à sa dernière audition, la justice dispose d'un nouvel élément à lui opposer. Lors d'un reportage de TF1 en 2021, René Jacob, son beau-frère, est interviewé. Les journalistes lui font écouter un enregistrement du corbeau et il semble reconnaître Jacqueline, notamment par son rire.
Oui, c'est l'un des principaux points nouveaux retenus par l'instruction contre Jacqueline Jacob. Son beau-frère, effectivement, a dit que c'était sa voix, sachant que parmi les corbeaux, on peut penser qu'il y avait un couple, un homme avec une voix rauque et une femme, puisque Jean-Marie Villemin lui-même, lors d'un long appel téléphonique émis par le corbeau, avait entendu la voix d'un homme et un rire de femme derrière. Donc on peut penser qu'il y a au moins Jacqueline Jacob, si on se fie à ces différentes expertises, parmi ce couple de corbeaux.
Cette affaire dure depuis si longtemps qu'il y a régulièrement de nouvelles expertises, des nouvelles techniques qui émergent et qui ont pu permettre d'avancer au fil des années pour analyser graphologiquement l'écriture ou encore la voix. Est-ce que cela aussi peut jouer et peut être opposé à Jacqueline Jacob demain ?
C'est certain que la famille Villemin mise beaucoup sur les innovations technologiques, celles déjà effectuées et puis celles à venir, par exemple avec l'intelligence artificielle pour aider à reconnaître la voix. Il y a notamment la stylométrie qui permet d'analyser le style, c'est-à-dire les mots, les groupes de mots utilisés par un locuteur. C'est assez novateur. Donc, si nous allons jusqu'à un procès d'assises, ce genre de nouveauté peut aussi être attaqué par la défense.
Un drame sur fond de jalousie ?
Jacqueline Jacob, qu'on la restitue un peu, est une ancienne déléguée CGT. Est-ce qu'elle aurait pu être animée par une certaine forme de jalousie ? On sait qu'il y en avait beaucoup envers le couple Villemin. On sait que la réussite, notamment du jeune père, suscitait des jalousies dans le village. Est-ce que cela pourrait être l'un des mobiles ?
Face à un crime aussi horrible, le mobile d'une sorte de jalousie professionnelle ou même financière paraît forcément dérisoire. Néanmoins, il faut le creuser puisque c'est ce mobile qui a été avancé par le corbeau lors de la lettre de revendication du crime qui disait, je le rappelle : "Ce n'est pas ton argent qui pourra te rendre ton fils." Et il se trouve que le couple Jacob, Marcel et Jacqueline, avait eu une altercation avec Jean-Marie Villemin au mois de décembre 1982, donc quasiment deux ans avant l'assassinat.
Une violente altercation physique qui s'était jouée notamment sur le thème de la réussite professionnelle de Jean-Marie Villemin. Monsieur Jacob l'avait notamment qualifié de rampant. C'est vrai que ça paraît dérisoire, mais incontestablement on ne peut pas dire que le couple Jacob s'entendait bien avec le couple Villemin et que le cœur de ces disputes tournait autour de la jalousie professionnelle.
Il peut y avoir une certaine forme de haine entre les familles qui se côtoient comme cela depuis des années dans des villages, comme cela peut être le cas dans ce village des Vosges. Est-ce que c'est une éventualité sur laquelle les enquêteurs vont travailler ?
Tout à fait, parce que forcément la clé de cette horreur, de cet assassinat, se trouve dans le passé de la famille Villemin. À l'époque, on vivait un peu en vase clos. Tout le monde habitait plus ou moins au même endroit. Tout le monde dans la famille Villemin suivait plus ou moins le même destin, travaillait tôt, se mariait, avait des enfants, construisait sa maison. Le seul d'ailleurs à s'écarter un peu de cette voie-là, c'est Jean-Marie Villemin. Dans ce vase un peu clos, tous les ressentiments, tous les objets de rancœur pourraient prendre des proportions un peu délirantes.
Et les enquêteurs font l'hypothèse qu'effectivement, c'est quelque chose de ce genre-là, qui a pu prendre une proportion délirante, sachant que dans ce dossier, il y a quand même un problème majeur. Bernard Laroche, qui est soupçonné d'avoir enlevé l'enfant et qui a été assassiné par Jean-Marie Villemin en 1985, n'a jamais subi d'expertise psychiatrique. Ça aurait pu nous donner quelques clés. Mais ça, cela n'a jamais été fait et ça reste un trou béant dans l'instruction aujourd'hui.
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