Un seul accusé, une foule moins nombreuse… Au procès en appel des viols de Mazan, un dossier hors norme devenu une affaire presque normale

Un seul des 51 hommes condamnés pour les viols de Gisèle Pelicot, en décembre 2024, a fait appel. Lors de la première journée d'audience, lundi à Nîmes, le fantôme du premier procès, et de sa figure principale, Dominique Pelicot, a néanmoins pesé sur les débats.

Article rédigé par Mathilde Goupil
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 5min
Gisèle Pelicot et son fils Florian (à sa droite), sortent de la cour d'appel de Nîmes (Gard), le 6 octobre 2025. (CHRISTOPHE SIMON / AFP)
Gisèle Pelicot et son fils Florian (à sa droite), sortent de la cour d'appel de Nîmes (Gard), le 6 octobre 2025. (CHRISTOPHE SIMON / AFP)

Le procès des viols dits de Mazan, qui s'est tenu entre septembre et décembre 2024 à Avignon (Vaucluse), constituait un ovni judiciaire. Par son nombre d'accusés – 51 hommes, âgés de 27 à 74 ans ; par l'horreur des faits ; par le nombre de preuves vidéos conservées par l'accusé principal, Dominique Pelicot. Mais aussi par l'attention que l'affaire avait suscitée, bien au-delà des frontières françaises, notamment autour de la victime, Gisèle Pelicot. Près d'un an plus tard, à Nîmes (Gard), ce dossier hors norme approche de sa conclusion avec l'ouverture du procès en appel d'un des accusés, lundi 6 octobre.

Comme en première instance, quelques dizaines d'anonymes et de militantes féministes se sont déplacées pour soutenir la septuagénaire. Comme en première instance, Gisèle Pelicot est arrivée sous les applaudissements du public, serrant quelques mains sans prendre la parole, le visage encadré par son désormais célèbre carré roux. Comme en première instance, la presse était présente en nombre, avec 75 médias accrédités et des caméras braquées sur le visage toujours masqué de l'accusé, Husamettin Dogan. L'ancien ouvrier de 44 ans, atteint de polyarthrite rhumatoïde, est arrivé à l'audience appuyé sur une béquille, et le visage masqué, comme en 2024.

"Je n'ai jamais voulu violer cette dame"

Pourtant, la foule de journalistes et des soutiens est moins nombreuse que la dernière fois. Et l'affaire est, elle, d'une ampleur totalement différente. Alors que 17 hommes condamnés par la cour criminelle du Vaucluse avaient initialement interjeté appel, 16 d'entre eux ont jeté l'éponge. Lundi, le procès qui s'est ouvert est donc celui d'un seul homme, accusé de "viols aggravés" sur Gisèle Pelicot pour des faits commis dans la nuit du 28 au 29 juin 2019 au domicile de la retraitée, à Mazan (Vaucluse). "Le procès de Nîmes ressemblera bien davantage à un procès pour viol comme il en existe tous les jours, parce qu'à la différence du précédent, celui-ci aura une configuration où une victime seule fait face à son violeur seul", annonçait, à quelques jours du procès, l'un des avocats de la septuagénaire, Antoine Camus.

Interrogé rapidement, l'accusé a assuré n'avoir "jamais voulu violer cette dame", ajoutant qu'il avait "beaucoup de respect pour" Gisèle Pelicot. S'il ne nie pas l'existence de pénétrations vaginales et buccales (qui ont été filmées) sur la retraitée, il assure s'être rendu au domicile de Mazan en pensant participer à une rencontre libertine, après avoir échangé avec Dominique Pelicot sur le site Coco.fr. "Je n'ai jamais dit que je n'avais pas eu de relations [sexuelles avec Gisèle Pelicot], mais je nie l'intention" de la violer. "Je n'ai jamais su qu'elle était droguée, je ne l'ai appris qu'en garde à vue", a-t-il expliqué.

L'accusé, Husamettin Dogan, lors de son procès à la cour d'appel de Nimes (Gard), le 6 octobre 2025. (MATHILDE LEMAIRE / FRANCEINFO / RADIO FRANCE)
L'accusé, Husamettin Dogan, lors de son procès à la cour d'appel de Nimes (Gard), le 6 octobre 2025. (MATHILDE LEMAIRE / FRANCEINFO / RADIO FRANCE)

Durant cette première journée d'audience, le fossé entre l'affaire hors norme traitée en première instance, et la forme de banalité du cas d'Husamettin Dogan s'est plusieurs fois fait sentir, comme lorsque le président a longuement rappelé le contenu du dossier, face à l'accusé, seul, prostré sur sa chaise. Prenant à partie les experts appelés pour témoigner de sa personnalité, les avocats de la défense n'ont d'ailleurs eu de cesse de dépeindre Husamettin Dogan comme un homme "timide" et "naïf", loin de la figure de "pervers (…) dirigiste" de Dominique Pelicot, qu'ils accusent d'avoir piégé leur client.

Au sujet de cet accusé, l'experte psychologue Annabelle Montagne, entendue lundi, a estimé qu'il ne présentait "pas de déficit, de défaut caractérisé à penser ce que l'autre peut vivre" et qu'il aurait pu réagir à une "situation de détresse". "Au moment de ses agissements, il avait un rapport tout à fait normal avec la réalité. S'il a transgressé un interdit, il l'a fait en toute connaissance de cause", a confirmé le psychiatre Laurent Layet. En revanche, l'accusé a pu accorder de l'estime à Dominique Pelicot, âgé de presque 20 ans de plus que lui et qui pouvait incarner une "figure paternelle", a poursuivi Annabelle Montagne. 

Le rappel incessant par les avocats de la défense de la figure de Dominique Pelicot, le "manipulateur" condamné à vingt ans de réclusion lors du premier procès, pour mieux en distancier leur client, a fini par agacer la cour. "L'impact de Dominique Pelicot dans cette affaire est très important, vous l'avez compris. Mais aujourd'hui, il est condamné, donc essayons d'avancer. Tout le monde est très fatigué", a lâché le président à 19 heures passées, alors que l'avocate de l'accusé, Sylvie Menvielle, interrogeait longuement un expert sur le profil de l'ex-époux de la victime. "Parlons de M. Dogan, et assez de généralités !", s'est aussi énervé l'avocat général. Mardi, Dominique Pelicot sera entendu à l'audience en tant que témoin.

Commentaires

Connectez-vous ou créez votre espace franceinfo pour commenter.