Sommet sur la pollution plastique à Genève : "16 000 substances chimiques sont présentes dans les plastiques de notre quotidien", alerte la chercheuse Marie-France Dignac

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Article rédigé par franceinfo - Édité par l’agence 6médias
France Télévisions

Invitée de "La Matinale", mardi 5 août, la chercheuse Marie-France Dignac explique et analyse le rôle de la coalition de scientifiques présents au sommet international sur la pollution plastique à Genève. Elle est elle-même présente sur place.

Le sommet sur la pollution plastique s'ouvre à Genève mardi 5 août. Cent soixante-quinze pays sont réunis pour tenter de trouver un accord mondial et limiter le fléau. Si rien n'est fait, la consommation de plastique pourrait tripler d'ici 2060. D'après Marie-France Dignac, chercheuse à l'Institut d'écologie et des sciences de l'environnement, une coalition de scientifiques indépendants, dont elle fait partie, est présente sur place pour diffuser les connaissances scientifiques récentes au sujet de l'impact de la pollution plastique sur la santé et l'environnement.

Ce texte correspond à la retranscription d'une partie de l'interview ci-dessus. Cliquez sur la vidéo pour regarder l'entretien en intégralité.

France Télévisions : Marie-France Dignac, vous avez un rôle d'observatrice au sein d'une coalition de scientifiques au sommet de Genève aujourd'hui. Est-ce que vous pouvez nous expliquer en quoi cela va consister ?

Marie-France Dignac : Cette coalition de scientifiques pour un traité efficace sur les plastiques a été créée en novembre 2022 après la résolution 5.14 de l'ONU qui lançait ce cycle de négociation d'un traité sur le plastique. Aujourd'hui, nous sommes 450 scientifiques de 65 pays différents, donc c'est vraiment une coalition internationale pluridisciplinaire. La pollution touche les impacts sur la santé, ainsi que sur l'environnement et les océans, l'écotoxicologie. Nous avons des compétences dans tous ces domaines. Nous sommes une soixantaine parmi tous ces chercheurs, ces scientifiques de la coalition, à Genève avec un rôle d'observateur et de conseil. Nous sommes là pour diffuser des connaissances scientifiques indépendantes sans conflit d'intérêts. C'est important parce que dans le domaine des plastiques, il peut y avoir pas mal de pression des industriels ou des lobbies. Donc nous, nous sommes des scientifiques indépendants, nous travaillons pour des universités. Nous allons aider les délégués à faire le tri dans les connaissances et à avoir accès aux connaissances récentes, en faisant des synthèses et en les rencontrant pour leur expliquer les connaissances scientifiques sur les impacts de la pollution plastique.

Marie-France, que pèse la parole scientifique face aux enjeux économiques et géopolitiques à l'échelle du monde ? On sait que les pays producteurs de pétrole ont fait capoter la signature de cet accord en décembre dernier en Corée du Sud. On sait que la Chine et les États-Unis freinent également de leur côté. Que pèsent les scientifiques face à ces enjeux ?

Je pense que dans les sessions précédentes, notre rôle a été essentiel parce qu'il y avait quand même certains pays qui n'avaient pas nécessairement les experts, qui n'avaient pas accès aux connaissances les plus récentes, et en particulier pour les impacts sur la santé, la présence de substances chimiques toxiques dans les plastiques. On pense souvent aux plastiques polluants en tant que déchets que l'on va retrouver sur les plages, par exemple, mais en fait, les plastiques polluent dès leur production et même dès l'extraction des matières premières. Ils sont fabriqués à 99 % à partir de pétrole. Cette pollution tout au long du cycle de vie – d'où le mandat de la résolution de l'ONU, de négocier un traité qui va mettre fin à la pollution plastique tout au long de son cycle de vie – rendait important que les scientifiques reprennent les éléments de base sur cette pollution. Le plastique pollue aussi lorsqu'on l'utilise et il a des impacts négatifs importants sur la santé humaine.

On parle du plastique en général, cela recouvre une myriade de polymères. Quel est aujourd'hui le plastique qui pose le plus de problèmes en termes de santé ou d'environnement ?

Ils posent tous des problèmes et ce qu'il faut savoir, c'est que le plastique, c'est une chaîne de polymères qui donne le côté solide du plastique. C'est une chaîne avec des molécules qui sont attachées très bien ensemble mais qui peuvent quand même se dégrader avec les UV et produire des microplastiques. Mais dans cette chaîne de polymères, on ajoute des additifs, qui sont des molécules chimiques qui ne vont pas être liées à ce polymère. Les études scientifiques récentes ont dénombré 16 000 substances chimiques qui sont présentes dans les plastiques de notre quotidien. Dont 4 000 sont connues pour être toxiques et 10 000 n'ont pas de données de toxicité. Donc c'est là que réside vraiment le problème du plastique, c'est sa complexité. Il y aurait un besoin de transparence quand on utilise un plastique, que ce soit un contenant alimentaire ou un objet du quotidien. Le consommateur n'a aucune connaissance des substances chimiques qui sont présentes, alors que certaines sont extrêmement toxiques. On peut penser aux phtalates, qui ont des effets sur la fertilité, ou au bisphénol A, qui a été interdit en France en 2018 et en Europe en 2025, mais qui est encore très utilisé dans des plastiques non alimentaires. Toutes ces substances vont avoir elles-mêmes, en plus des microplastiques, des impacts sur la santé, comme l'obésité, le diabète ou les maladies cardiovasculaires. Nous avons aujourd'hui environ 4 000 ou 10 000 formulations différentes du plastique qui contiennent de nombreuses substances chimiques.

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