Interdiction de fumer sur les plages : cinq chiffres montrant qu'il ne faut pas mégoter avec la pollution des cigarettes dans l'océan

Article rédigé par Juliette Fekkar
France Télévisions
Publié
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Le mégot de cigarette est le déchet le plus ramassé sur les plages en France. (LIENKIE / ISTOCKPHOTO)
Le mégot de cigarette est le déchet le plus ramassé sur les plages en France. (LIENKIE / ISTOCKPHOTO)

Les mégots de cigarettes sont les premiers déchets retrouvés sur les littoraux. Mais la mesure, en vigueur à partir du 1er juillet, pourrait réduire l'impact de cette pollution.

Depuis le 1er juillet, fumer une cigarette sur le sable, face à la mer, est passible de 135 euros d'amende. Comme les parcs ou les abris de bus, les plages font désormais partie des lieux publics où fumer est interdit. Si cette mesure annoncée par Catherine Vautrin, la ministre de la Santé, vise principalement à protéger les plus jeunes de l'exposition au tabac, elle devrait avoir des retombées positives pour la faune et la flore marine, en première ligne face à cette pollution. A l'échelle mondiale, 4,5 trillions de mégots sont jetés par terre chaque année. Assez pour remplir 60 000 conteneurs de marchandises, selon la convention de l'OMS pour la lutte antitabac. Franceinfo retient cinq chiffres sur ce fléau.

En 2024, 300 000 mégots ont été ramassés sur les plages françaises

Le mégot de cigarette est le déchet le plus ramassé sur les plages françaises : 300 000 l'ont été en 2024, selon les chiffres de la Surfrider Foundation (PDF), une ONG de protection des milieux marins qui organise notamment des nettoyages. "Ces dix dernières années, le mégot a systématiquement été le numéro un du classement. Et de loin devant les fragments de plastique et de polystyrène", raconte Lucie Padovani, chargée de plaidoyer pour la Surfrider Foundation. En moyenne, sept mégots sont collectés tous les dix mètres, selon l'ONG. 

"L'interdiction de fumer peut permettre de retrouver moins de mégots sur les plages et de protéger les écosystèmes du littoral."

Lucie Padovani, chargée de plaidoyer à la Surfrider Foundation

à franceinfo

"Mais ce ne sera le cas que si la mise en œuvre et le contrôle sont à la hauteur, nuance l'activiste. Et pour cela, il faut des moyens."

Un mégot contient jusqu'à 7 000 substances toxiques

Cyanure, arsenic, uranium, métaux lourds, goudron, pesticides... Au contact de l'eau, le mégot libère les milliers de composés chimiques qu'il contient. Un chiffre qui peut monter jusqu'à 7 000 pour certaines cigarettes.

En plus d'être toxiques pour "certaines espèces de poissons, de crustacés et d'algues", les mégots "libèrent des concentrations très importantes de fer, manganèse et zinc dans les milieux marins, ce qui a un impact sur certains micro-organismes", explique Marianne Quéméneur, microbiologiste à l'Institut de recherche pour le développement.

"A cause des mégots, des micro-organismes essentiels, comme les cyanobactéries, disparaissent. Et comme ce sont les premiers maillons de la chaîne alimentaire, cette disparition peut se répercuter sur l'ensemble de l'écosystème."

Marianne Quéméneur, microbiologiste à l'Institut de recherche pour le développement

à franceinfo

"A l'inverse, on voit d'autres organismes, qui vivent normalement dans des milieux aux conditions extrêmes, se développer", constate la chercheuse. En plus de cela, certains composés des cigarettes dissous dans l'eau "contribuent à réduire le PH de l'eau" et donc à acidifier les océans.

Un seul mégot contamine jusqu'à 500 litres d'eau

Un mégot jeté dans l'océan constitue une double pollution : chimique, à cause des substances toxiques qu'il diffuse, mais aussi plastique, en raison de la constitution de son filtre. Un mégot peut contaminer jusqu'à 500 litres d'eau, selon l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe).

"On oublie souvent que les filtres sont extrêmement polluants", note l'océanographe Richard Sempéré, chercheur au CNRS. "Ils sont fabriqués à partir d'un dérivé de la cellulose [l'acétate de cellulose], une matière naturelle qu'on retrouve dans le coton ou le bois, mais qui a subi un traitement chimique, ce qui en fait un produit dangereux pour l'environnement."

Au contact de l'eau, le filtre se fragmente très lentement en micro et nano plastiques. Selon l'Organisation mondiale de la santé, c'est la deuxième source de pollution plastique la plus importante au monde. "Ces microparticules s'accumulent dans les organismes vivants, pour qui elles sont toxiques", détaille Richard Sempéré.

Mais le plastique qui compose le filtre contient aussi "des additifs chimiques, comme des phtalates, qui sont ajoutés pour donner des propriétés particulières au plastique. Quand ils se dégradent, ces éléments chimiques nocifs se diffusent dans l'environnement", ajoute le chercheur.

Un mégot met douze ans à se dégrader totalement

Si le papier et le tabac se dégradent dans la mer en quelques mois, un mégot de cigarette met une douzaine d'années pour disparaître complètement à cause de son filtre, explique Richard Sempéré. En cause : le plastique, l'acétate de cellulose, et ses additifs, très faiblement dégradables.

Mais le processus de dégradation varie selon les conditions dans lesquelles se trouve le mégot. La lumière du soleil peut accélérer le processus. A l'inverse, si le mégot "se dépose au fond de l'océan et se trouve progressivement enfoui dans le sédiment, la dégradation sera encore ralentie", affirme Richard Sempéré.

Le chercheur raconte avoir retrouvé des phtalates, un additif chimique notamment utilisé dans les filtres de cigarette, au fond de plusieurs fleuves européens : "Ils étaient vieux de plus de 50 ans et n'étaient pas complètement dégradés."

60% des cigarettes fumées dans l'espace public sont jetées par terre

Plus de la moitié des cigarettes consommées dans des lieux publics finissent par terre, selon un communiqué de la mairie de Paris. A cause des vents et de la pluie, une grande partie de ces mégots terminent dans l'océan, après un passage dans les égouts, les fleuves ou les rivières. Ainsi, "les mégots jetés sur les plages ne représentent pas la majorité des mégots qui se retrouvent dans l'océan", insiste Lucie Padovani.

A cause des vents et de la pluie, une grande partie des mégots jetés par terre terminent dans l’océan. (JC MILHET / HANS LUCAS)
A cause des vents et de la pluie, une grande partie des mégots jetés par terre terminent dans l’océan. (JC MILHET / HANS LUCAS)

Selon elle, l'interdiction de fumer sur les plages "peut permettre de lutter contre la pollution directe", mais "limiter les espaces publics où il est autorisé de fumer peut aussi réduire le nombre de cigarettes qui se retrouvent indirectement dans les milieux marins".

Pour sensibiliser le public à cette pollution, des plaques d'égouts avec le slogan "La mer commence ici" sont installées dans de nombreuses communes et rappellent que les jets de mégots, même loin des plages, peuvent nuire aux écosystèmes marins.

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