Pollution : à Dollemard, le scandale à ciel ouvert des déchets dans les falaises
Du plastique, des vêtements, et même des pierres tombales... Pendant des années, les falaises du nord du Havre ont servi de dépotoir. 400 000 tonnes de déchets ont été accumulés.
Ce texte correspond à une partie de la retranscription du reportage ci-dessus. Cliquez sur la vidéo pour le regarder en intégralité.
Depuis le large, les falaises de Dollemard (Seine-Maritime) se fondent dans le paysage normand. Mais lorsque l'on s'en approche, après une longue marche, les galets sont minés de ferraille. "Moi, ça me laisse sans voix de voir ça. Même si on me dit que c'est que du métal, ça n'a rien à faire là", commente Arnaud Fréret, un habitant du Havre et militant Surfrider.
Au nord du Havre, le site est recouvert de déchets. Une décharge à ciel ouvert que l'habitant ausculte depuis dix ans. "Des sacs plastiques. Là, c'est du tissu. Un vêtement qui aurait été jeté, je ne sais pas. On va trouver du câble électrique sur le côté. Là, on va trouver encore du plastique pris dedans. C'est un stylo, ça. Je ne sais pas, on dirait des patins à roulettes. (...)", détaille-t-il.
À chacune de ces visites, certaines trouvailles n'en finissent pas de l'écœurer : "On a une stèle, une pierre tombale. Ça fait partie aussi de ce qu'on peut trouver sur la falaise." Emprisonnés sous les galets, des plastiques sont continuellement soumis au marée. "Et ça, ça s'effrite, et ça part à la mer. Je ne comprends pas qu'on puisse faire des choses comme ça sans en éprouver aucune culpabilité", dit Arnaud Fréret.
400 000 tonnes de déchets accumulées pendant plus de 40 ans
Étendues sur un kilomètre de plage, 400 000 tonnes de déchets ont été accumulées pendant plus de 40 ans. Jusqu'à la fin des années 90, les falaises ont servi de dépotoirs à bon nombre d'entreprises du BTP et de particuliers qui ne se souciaient pas encore des conséquences sur l'environnement. En 2000, mairie et préfecture fermaient la décharge. Sa dépollution n'a jamais été envisagée.
Pendant des années, les associations environnementales relancent les élus. En guise de réponse, en près de 20 ans, seule une étude sera mandatée par la ville pour lister des solutions : la mise en place d'un filet fixé à la falaise limitant la reprise des déchets par la mer, le retrait des plastiques ou encore le maintien du ramassage des déchets sur les plages. Mais ces solutions sont coûteuses et le Havre ne veut pas assumer seul ses dépenses.
Pendant ce temps, la décharge pollue des kilomètres de littoral. Des bouchons rouges massivement jetés à Dollemard ont permis de le mesurer. Utilisés sur des bouteilles consignées d'une brasserie du Havre, ils ont été retrouvés par dizaines encore récemment sur tout le littoral normand, mais aussi en Belgique, au sud du Royaume-Uni et aux Pays-Bas. La pollution devient de plus en plus visible, et de nouvelles études sont menées. En 2022, Emmanuel Macron présente ses ambitions : "L'engagement que je voulais prendre, c'est que dès 2022, trois décharges littorales soient traitées. Celles de Dollemard en Seine-Maritime, de Fouras en Charente-Maritime et de L'Anse Charpentier en Martinique. Ces trois-là, il faut les faire cette année."
Les travaux viennent de débuter
Trois ans plus tard, les travaux débutent tout juste. Les pelleteuses préparent des pistes pour accéder aux déchets, aujourd'hui enfouis sous la terre. "On va s'assurer que tous les matériaux polluants, les gros morceaux de plastique, les gros morceaux d'amiante, vont être remontés en haute falaise et traités dans les différentes filières adéquates. Et tous les matériaux non pollués vont être laissés sur place", explique Axel Giraud, le responsable de projet de la ville du Havre. Les flancs de falaise sont aussi sécurisés pour prévenir d'éventuels éboulements. "Il y a tout un tas de capteurs qui permettent de surveiller le mouvement de la falaise. Et en cas de seuil d'alerte dépassé, une alarme permettra au personnel travaillant en bas de se mettre à l'abri", poursuit-il.
Car c'était une crainte des autorités : que les travaux fragilisent la falaise. Mais les chercheurs l'assurent, les effondrements existent déjà naturellement sur la côte normande. Le coût du chantier est estimé à 37 millions d'euros, financé par l'État, la région et la ville. Tous espèrent l'achever en trois ans pour effacer un demi-siècle de pollution.
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