"Inacceptable et incompréhensible", "très soulagée"… Les réactions après la décision du Conseil constitutionnel sur la loi Duplomb
La réintroduction de l'acétamipride, un pesticide interdit de la famille des néonicotinoïdes, a été censurée par les Sages jeudi. Le Conseil constitutionnel a aussi déclaré conformes les autres dispositions clés sur les ouvrages de stockage de l'eau et les bâtiments d'élevage.
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Le Conseil constitutionnel a censuré, jeudi 7 août, la disposition la plus contestée de la loi Duplomb, qui prévoyait la réintroduction sous conditions d'un pesticide interdit de la famille des néonicotinoïdes, jugée par les Sages contraire à la Charte de l'environnement. Mais le Conseil a aussi validé les simplifications administratives accordées aux plus gros élevages, ainsi qu'à la construction d'ouvrages de stockage d'eau à finalité agricole - avec quelques réserves pour cette deuxième mesure. Il a également estimé que la procédure d'adoption du texte, qui avait été rejeté par ses propres défenseurs à l'Assemblée, était conforme à la Constitution.
Les syndicats agricoles soutenant la loi dénoncent une décision "inacceptable"
La censure est un "choc", "inacceptable et incompréhensible" pour la FNSEA qui demandait le retour de ce pesticide interdit pour protéger des filières agricoles "en danger". "C'est inacceptable que le Conseil constitutionnel continue à permettre des surtranspositions" du droit européen qui autorise l'acétamipride jusqu'en 2033 dans l'Union européenne, a indiqué Jérôme Despey, vice-président du puissant syndicat agricole. Il a toutefois salué la validation des "allègements administratifs" pour construire des bâtiments d'élevage et des ouvrages de stockage de l'eau.
"L'agriculture n'est rien pour les juges constitutionnels", dénonce de son côté la Coordination rurale. Jeudi matin sur franceinfo, la présidente du syndicat agricole Véronique Le Floc'h prévoyait de demander des mesures fortes au gouvernement en cas de censure de la loi Duplomb par le Conseil constitutionnel, comme "le retrait des rayons de tous les produits d'importation ayant fait usage de l'acétamipride. Tous ces produits très achetés, très appréciés comme les pâtes à tartiner, certains fruits. Si jamais l'Etat ne mettait pas en œuvre ces retraits de produits, nous serions amenés à aller le faire nous-mêmes".
Les opposants politiques au texte se disent "soulagés"
"Il y a une partie de moi qui est très soulagée par la censure de cette réintroduction de l'acétamipride, Ça, ça me réjouit", a souligné sur franceinfo la patronne des Écologistes Marine Tondelier. Sauf que pour elle, "c'est une occasion de se réjouir mais à moitié seulement car cette loi Duplomb, ce n'était pas seulement la réintroduction de l'acétamipride".
"Grâce à une mobilisation populaire extraordinaire et à la détermination sans faille des élus insoumis et écologistes, le Conseil constitutionnel vient de censurer la réintroduction du pesticide prévue dans la loi Duplomb", se réjouit sur le réseau social X l'insoumis Manuel Bompard. Il salue une "première victoire" et appelle à la mobilisation "jusqu'au retrait de la loi".
Le Parti socialiste parle d'une décision "salutaire" et d'une "sanction de l'irresponsabilité de François Bayrou, de son gouvernement et de sa majorité", après la censure partielle de la loi Duplomb. "Dans notre recours, nous demandions que les principes garantis par la Constitution, qui permettent de concilier revenu et productivité agricole, protection de la santé et préservation de l’environnement, soient réaffirmés", écrit le PS dans un communiqué.
De son côté, la Confédération paysanne, troisième syndicat agricole, salue une "victoire d'étape". Son porte-parole Stéphane Galais espère "que la mobilisation ne s'éteindra pas", faisant référence à la pétition contre le texte qui a réuni plus de deux millions de signatures.
Le sénateur Duplomb "prend acte" de cette décision
Le sénateur à l'origine du texte Laurent Duplomb dit "prendre acte" et "respecter" la décision du Conseil constitutionnel. Cependant, selon lui, le refus d'autoriser les agriculteurs à recourir à l'acétamipride "va conduire inexorablement à encore plus d'importations" de produits étrangers traités avec cet insecticide. "Je veux dire à tous ces producteurs qui ont placé tant d'attentes dans ce texte que le combat continue et que je serai toujours à leurs côtés", ajoute-t-il.
Emmanuel Macron "a pris bonne note de la décision du Conseil constitutionnel" qui a censuré la réintroduction d'un pesticide prévu par la loi Duplomb et "promulguera" le texte "tel (qu'il) résulte de cette décision dans les meilleurs délais", a indiqué jeudi l'Elysée.
Quant à la ministre de l'Agriculture Annie Genevard, elle estime, sur X, que "la censure de l’article 2 portant sur l’utilisation par dérogations exceptionnelles de l’acétamipride [...] fait courir un risque de la disparition de certaines filières".
Les associations saluent "une excellente nouvelle"
Plusieurs associations ont également réagi à l'annonce de la décision du Cnseil Constitutionnel. La Ligue contre le cancer "salue la décision du Conseil constitutionnel de censurer les dispositions de la loi Duplomb qui autorisaient la réintroduction de pesticides de la famille des néonicotinoïdes", écrit-elle dans son communiqué publié jeudi.
"En censurant ces dispositions, le Conseil constitutionnel rappelle que le débat parlementaire (...) ne pouvait pas éluder le droit fondamental à vivre dans un environnement favorable à la santé. Ce qu’il faut retenir, c’est que la santé publique ne peut pas faire l’économie d’un débat éclairé par la science", souligne dans ce communiqué Francelyne Marano, présidente du comité de pilotage cancer et environnement de la Ligue contre le cancer et professeure émérite en toxicologie à l'Université Paris Cité.
"C'est une excellente nouvelle et une grande avancée", salue l'association de défense de l'environnement France Nature Environnement. "C’est une grande décision du Conseil Constitutionnel", estime dans ce communiqué Raymond Leost, pilote du réseau juridique de France Nature Environnement.
Jean Burkard, directeur du plaidoyer du WWF France, salue un "sursaut collectif pour la nature et la santé publique". Dans un communiqué, l'ONG environnementale applaudit la décision du Conseil constitutionnel et "rappelle que nos institutions peuvent encore faire rempart contre les reculs environnementaux".
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