: Reportage "Ça devient un vrai problème de santé" : comment une ville comme Paris tente de s'adapter aux fortes chaleurs
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Paris a commencé à se transformer pour s'acclimater au réchauffement climatique et le chantier est immense. Face à cette urgence, la ville s’adapte : plus d’arbres, moins de béton, et même des baignades dans la Seine.
Un gros coup de chaud sur la France. La première vague de chaleur de l'année frappe la France, elle est précoce et intense. Seize départements sont placés en vigilance orange canicule à partir de midi vendredi 20 juin, principalement dans l'ouest de la France. Des épisodes caniculaires de plus en plus nombreux et difficile à supporter en ville et notamment dans notre capitale, Paris, très vulnérable.
Car Paris est aujourd'hui la capitale d'Europe la plus mortelle pendant les canicules avec 400 morts liés à la chaleur tous les ans, selon une étude publiée dans The Lancet en 2023. Et pour comprendre pourquoi, il faut se rendre au cœur de la ville devant l'Opéra Garnier, avec ses immeubles haussmannien le long de l'avenue de l'Opéra. Ils ne sont pas du tout adaptés aux fortes chaleurs.
"Le problème de l'immeuble haussmannien, c'est l'isolation de la toiture, explique Alexandre Labasse, architecte, directeur général de l'atelier parisien de l'urbanisme. Il y a peu d'isolant, il y a peu d'inertie thermique et c'est ça qu'il faudrait changer demain. On s'est longtemps protégé du froid à Paris. La question c'était comment avoir plus chaud dans les habitations. Et aujourd'hui, c'est exactement l'inverse et on voit toutes les fenêtres de toit. Il n'y a aucune protection solaire extérieure. C'est assez aberrant quand on y pense."
Des îlots de fraîcheur grâce aux arbres
Surtout qu'il n'y a pas le moindre arbre le long de l'avenue mais du bitume partout jusqu'au musée du Louvre un kilomètre plus loin. C'est le gros problème dans les villes. "Le pire, c'est la grande rue sans ombre et des grandes surfaces qui prennent de l'ensoleillement toute la journée, ce qu'on appelle un îlot de chaleur urbain qui restitue beaucoup de chaleur la nuit, poursuit Alexandre Labasse. Donc le soir, on ne rafraîchit plus, on continue à chauffer, y compris la nuit. Et là, ça devient vraiment un problème même de santé."
La première solution pour adapter Paris c'est donc de la verdir. Et c'est ce que fait la municipalité avec 15 000 arbres plantés l'hiver dernier. Il y en aura 170 000 au total qui le seront d'ici 2030. Sur la place de Catalogne, dans le 14e arrondissement, la mairie a créé ce qu'elle appelle une "forêt urbaine". Le grand rond-point en béton a laissé place à parc et quelques centaines d'arbres. Il y a eu un effet immédiat racontent ces habituées des lieux : "J'ai connu la place avant, tout en béton..., raconte une habitante. Je me suis assise et je me suis dit : 'Mon Dieu, qu'est-ce que c'est agréable'." "Il faisait très chaud avec le soleil qui tapait sur le sol et sur les façades, explique une autre riveraine. On sent tout de suite qu'on perd quelques degrés quand on est proche de la végétation sous les arbres, ça permet d'avoir un îlot de fraîcheur. C'est très agréable."
"Ça permet d'avoir une petite bulle de fraîcheur pour les personnes fragiles ou pour les enfants."
Une Parisienneà franceinfo
Les arbres agissent en effet comme des climatiseurs et gagner entre 6 et 10°C. Les feuilles font évidemment de l'ombre mais elles dégagent aussi de l'eau, c'est ce qu'on appelle l'évapotranspiration. Idéal pour casser les îlots de chaleur. Il y a une limite tout de même à cette solution quasi-miracle : impossible de planter des arbres partout les sous-sols à Paris sont très encombrés (canalisation, réseau électrique, métro) et les racines ont parfois bien du mal à se frayer un chemin.
L'eau de la Seine pour se rafraîchir
Mais Paris a aussi un autre atout et de taille pour se rafraîchir : la Seine ! Après un siècle d'interdiction, les Parisiens pourront s'y baigner dès le mois juillet. Trois lieux de baignade vont être ouverts à partir du 5 juillet, l'un d'eux tout près du Pont Marie. "Le fait d'avoir dépollué ce fleuve, c'est un aboutissement et un atout indispensable pour arriver à vivre à Paris avec le réchauffement climatique, explique Dan Lert, adjoint à la mairie en charge de la transition écologique. Donc ce sont des vraies solutions d'adaptation avec des baignades qui seront gratuites. Plus de solutions pour les Parisiens pour se rafraîchir."
La Seine est une précieuse source de froid. L'eau du fleuve est pompée, et acheminée jusqu'à 800 bâtiments parisiens pour les refroidir - le musée du Louvre, par exemple en profite - c'est le plus grand réseau de froid d'Europe et il sera encore étendu explique Dan Lert : "L'idée, c'est évidemment de tripler la longueur de ce réseau de froid. D'ici 2040, 250 kilomètres de réseau vont être créés. On va passer de 80 à 250 km pour pouvoir raccorder 300 établissements : crèches, écoles, Ehpad ou alors les établissements de santé comme les hôpitaux parisiens. On refroidit sans réchauffer l'air extérieur. Donc c'est vraiment une solution écologique par rapport à la climatisation."
Indispensable pour rendre cette ville plus habitable, quand on sait que Paris connaîtra dans les prochaines décennies des températures encore inimaginables aujourd'hui. Selon les projections, le thermomètre pourra monter jusqu'à 50°C dès le milieu de ce siècle, ce n'est pas si loin, c'est dans vingt-cinq ans à peine.
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