Inondations au Texas : la "crue éclair", un phénomène climatique qui concerne de plus en plus de pays
Les "crues éclair", comme celle qui a endeuillé le Texas, se produisent également en Europe, notamment en France. Avec le changement climatique, de plus en plus de zones du monde sont exposées à ce type de risque.
Les Etats-Unis sont sous le choc après la crue qui a ravagé le Texas vendredi 4 et samedi 5 juillet, causant la mort d'au moins 80 personnes. Ce type de catastrophe naturelle, appelé "flash floods" ou "crues éclair", est particulièrement courant dans la région, qui est d'ailleurs surnommée "flash floods alley". En 2017, un épisode d'inondations intenses avait ainsi fait 89 morts au Texas. Mais ce type de phénomène se produit également en Europe et notamment en France, particulièrement dans le bassin méditerranéen. C'est ce qui était arrivé par exemple dans l'arrière-pays niçois au moment de la tempête Alex en octobre 2020. Et avec le changement climatique, tous les pays, y compris ceux du nord de l'Europe par exemple, pourtant moins vulnérables à ce type de risques jusqu'ici, sont potentiellement concernés.
"Ce qui définit ce type de crue, c'est sa vitesse extrême, explique l'hydrologue et chercheuse Emma Haziza, contactée par franceinfo. C'est un épisode de pluie d'une intensité tellement importante qu'il va déclencher la réaction brutale d'un cours d'eau. En quelques heures, on a ce qu'on appelle une 'mise en charge' de ce cours d'eau, c'est-à-dire que le niveau monte jusqu'à ce qu'il déborde. Par exemple, à Vaison-la-Romaine en 1992, la rivière Ouvèze est montée de 10 mètres en seulement quatre heures."
Ce type de crue se produit lorsqu'un cumulonimbus, ces nuages en forme d'enclume qui peuvent s'élever jusqu'à 12 km de hauteur, se charge d'une cellule orageuse. La pluie va ensuite retomber d'un coup sur une zone très concentrée, avec parfois l'équivalent d'un mois de précipitation en quelques heures. Ce type d'événement se produit en particulier dans le pourtour méditerranéen, car la formation de cumulonimbus est favorisée par un air chaud et humide près du sol et un air plus froid et sec en altitude.
Des épisodes plus intenses
Mais avec le changement climatique, de plus en plus de pays du monde font face aux "crues éclair". "Les zones concernées par ce type de risque remontent vers le nord, développe Emma Haziza. On en a eu l'exemple en juillet 2021 avec les crues spectaculaires en Belgique et en Allemagne. Autrefois, il y avait des inondations dans ces pays, mais il s'agissait plutôt de crues de grands bassins versants, sur des cours d'eau beaucoup plus importants et avec une mise en charge beaucoup moins rapide." Dans les années à venir, on pourrait même envisager que les pays du nord de l'Europe, les pays scandinaves par exemple, soient concernés car "l'air chaud remonte vers le nord du continent", alerte Emma Haziza.
Quant à des pays qui ont historiquement toujours été concernés par ce type de risque comme la France, l'Espagne ou l'Italie, c'est l'intensité des épisodes qui va augmenter avec la hausse des températures. "Ce qui change précisément, c'est la quantité d'eau concentrée dans un nuage. Ils contiennent autour de 12% de pluie en plus", précise l'hydrologue. De même, si les Etats-Unis ont toujours été vulnérables aux crues éclair, "le pays subit de plein fouet les anomalies de température qui augmentent l'intensité et la fréquence de ces épisodes", affirme la chercheuse, qui évalue qui le réchauffement climatique cause une accentuation de ce type de crues "de 10% à 20%." Et l'Amérique du Sud est elle aussi concernée, notamment l'Equateur. "Par exemple, en février 2022, des inondations avec d'importantes coulées de boue ont fait 27 morts à Quito, la capitale."
Pour éviter justement ces victimes, la prévention des crues éclair a fait beaucoup de progrès ces vingt dernières années, grâce à l'imagerie radar. "Cela permet d'établir une carte du ciel en temps réel, détaille Emma Haziza. On peut ainsi reconnaître la forme d'un cumulonimbus porteur d'une cellule orageuse. On croise ces données avec celles d'appareils placés au sol, les limnimètres, qui permettent de mesurer le niveau des cours d'eau. Si le débit monte beaucoup en peu de temps, c'est la signature d'une crue éclair." Il est donc désormais possible de prévoir ce type d'épisode entre deux et six heures à l'avance, ce qui permet de mettre la population à l’abri.
Selon l'emplacement des logements, les habitants sont soit confinés chez eux, soit évacués dans des lieux de replis identifiés dans la commune, en hauteur. Et selon l'hydrologue, "l'intelligence artificielle peut être un outil précieux pour prévoir les crues éclair plus longtemps à l'avance. On peut vraiment gagner du temps de traitement sur les calculs et l'analyse des données." Aujourd'hui, la chercheuse travaille avec 32 communes concernées par le risque de "crue éclair", sur la mise à l'abri des populations.
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