Sûreté nucléaire : un niveau "globalement satisfaisant" en France mais des "points de vigilance", note le rapport annuel de l'ASNR
Le rapport de l'Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection a été présenté jeudi devant des parlementaires. Il relève plusieurs points sur lesquels EDF doit se renforcer, évoquant notamment le démarrage de l'EPR de Flamanville et la construction de nouveaux réacteurs EPR2.
Le niveau de sûreté nucléaire est "globalement satisfaisant", en France. C'est ce qui ressort du rapport annuel de l'ASNR, l'Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection. Son président et ses commissaires l'ont présenté jeudi 22 mai devant des sénateurs et des députés au Sénat. Ils soulignent toutefois des points de vigilance et des défis à venir, à l'heure de la relance du nucléaire.
L'ASNR est notamment très vigilante sur le démarrage de l'EPR de Flamanville, dans la Manche. Le démarrage du réacteur nouvelle génération, avec 12 ans de retard, est l'un des faits marquants de 2024 et il se poursuit en ce moment avec de nombreux essais. L'EPR est monté à presque 50% de sa puissance, la semaine dernière, il doit atteindre 100% cet été, selon le calendrier prévisionnel d'EDF. Un calendrier réalisable, selon l'ASNR.
Mais ces derniers mois, il y a eu plus d'anomalies qu'attendu, par exemple, des mauvais réglages. Cela n'a pas eu d'impact sur la sûreté, mais selon le président de l'ASNR, Pierre-Marie Abadie, cela montre qu'EDF doit se renforcer. "Les événements auxquels on a été confrontés en matière de sûreté de démarrage de l'EPR de Flamanville ne sont pas directement liés à des défauts de compétences, mais plutôt à des défauts de formation et de préparation, explique-t-il. Ce qui est paradoxal pour un réacteur qu'on a beaucoup attendu. Mais peut-être qu'on l'a trop attendu."
"Je rappelle que c'est le premier démarrage d'un nouveau réacteur depuis plusieurs décennies. Et comme il y en a d'autres en perspective, il y aura des leçons à tirer de cette phase de démarrage plus lent que prévu."
Pierre-Marie Abadie, président de l'ASNRà franceinfo
L'Etat veut construire au moins six nouveaux réacteurs EPR2 dans les prochaines décennies. Le tissu industriel de la filière a encore des fragilités, prévient l'ASNR. Il y a aussi en ce moment des projets de petits réacteurs nucléaires. L'ASNR se montre très attentive sur ces programmes. C'est une course mondiale pour développer ces petits réacteurs au plus vite. Ils permettraient aux usines de sortir des énergies fossiles en leur fournissant l'électricité ou la chaleur nécessaire aux industriels.
L'ASNR suit une dizaine de projets en France, dont deux plus avancés. Ces industriels promettent parfois des mises en service dans les prochaines années, d'ici 2030. Un calendrier peu réaliste, selon Stéphanie Guénot-Bresson, commissaire de l'ASNR, car il y a encore beaucoup de questions à trancher. "Ces petits réacteurs modulaires sont très prometteurs en matière de sûreté. Néanmoins, ils ont vocation à être implantés sur les sites non nucléaires de leurs clients, relève-t-elle. Or, de tels sites peuvent se trouver dans des zones à risque industriel ou des zones à risques naturels importants, ou à proximité immédiate de zones densément habitées. Ce qui compliquerait la mise en œuvre de mesures de protection des populations et de l'environnement en situation accidentelle. Les objectifs de sûreté à atteindre doivent donc être adaptés." La commissaire souligne aussi les verrous technologiques qu'il reste à lever avant de voir des petits réacteurs en fonctionnement.
Les syndicats déplorent des "postes gelés"
La présentation de ce rapport est aussi l'occasion de faire un premier point sur cette nouvelle entité qu'est l'ASNR, une entité née début janvier de la fusion entre l'ASN et l'IRSN, qui était en charge l'expertise. L'ASNR est opérationnelle, d'après son président, l'organisation est en place, même s'il reste du travail à long terme. Il parle aujourd'hui d'un dialogue social qui "s'apaise". Car la fusion a été très contestée, notamment par les syndicats de l'ex-IRSN, qui effectue la recherche et l'expertise pour guider les décisions.
Ces syndicats qui eux, dénoncent aujourd'hui au contraire une mise en œuvre difficile. Névéna Latil-Querrec, déléguée CGT, s'inquiète de voir des postes gelés. "On voit que sur la partie expertise, c'est là où on a eu des postes en moins, déplore la syndicaliste. Il y a des postes gelés notamment sur Cigéo, le projet de stockage profond des déchets radioactifs. Les dossiers sont en cours d'expertise et il y a un poste gelé à l'heure actuelle. Donc on voit bien que le gouvernement ne met pas les moyens sur l'expertise dans la nouvelle autorité." Les syndicats rappellent la promesse du gouvernement d'attribuer les moyens nécessaires à l'ASNR pour accompagner la relance du nucléaire en France.
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