Moins de goût, d'odeur, de couleur... Le réchauffement climatique altère la qualité des fromages, selon une étude française
A cause de la sécheresse, les vaches sont nourries avec moins d'herbe, mais plus de maïs et de foin. Un changement de régime qui se ressent jusque sur votre plateau de fromages.
Le patrimoine culinaire français est-il en danger ? Le changement climatique, à l'origine de sécheresses de plus en plus fréquentes et intenses, a des conséquences néfastes sur la quantité d'herbe consommée par les vaches. Et, par conséquent, sur la qualité des fromages fabriqués avec leur lait, alerte l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae), lundi 5 mai.
"Quand les vaches se nourrissent d'herbe au pâturage, les fromages sont plus fondants, plus jaunes et plus aromatiques, tandis que lorsqu'elles mangent peu ou pas d'herbe, les fromages sont plus blancs, plus fermes et ont des goûts moins prononcés", expliquent les scientifiques de l'Inrae et de VetAgro Sup, dans une étude publiée dans la revue scientifique Journal of Dairy Science.
Une ferme expérimentale
Afin d'arriver à ces conclusions, les scientifiques sont partis dans le Massif central. Là-bas, comme dans de nombreuses zones de moyenne montagne en France, les agriculteurs doivent faire face à des sécheresses qui les obligent à modifier l'alimentation de leurs bêtes. Ces zones sont de moins en moins favorables au pâturage d'herbe fraîche et de plus en plus propices à la culture de plantes fourragères (comme le maïs) introduites dans l'alimentation des vaches. "On voulait voir comment ces stratégies d'adaptation pouvaient impacter la typicité des fromages", explique Matthieu Bouchon, ingénieur d'études en charge des expérimentations, à franceinfo.
Pour le savoir, les scientifiques ont mené un essai dans une ferme expérimentale de la région. Concrètement, quatre lots de dix vaches y ont reçu des régimes alimentaires différents pendant quatre mois, avec plus ou moins d'herbe, de foin et d'ensilage (une technique de conservation par voie humide) de maïs. Ces régimes correspondent à ceux mis en place par les éleveurs de la région pour s'adapter au changement climatique et aux sécheresses.
Maïs partout, goût nulle part
Le lait des vaches a ensuite été collecté pour produire des fromages de type cantal. Avant même de les déguster avec du pain, les scientifiques ont étudié la matière première. Le résultat est sans appel : "Plus les vaches mangent d'herbe, plus les laits sont riches en acides gras oméga 3, favorables à la santé humaine", note l'Inrae.
Reste à savoir ce qu'il en est des qualités gustatives (et olfactives) de ces fromages. Pour cela, un jury de douze experts a été constitué. Ils ont noté les produits en fonction de 28 critères, portant sur la couleur, l'odeur, le goût, les arômes et la texture des différents fromages. Encore une fois, le verdict est tranché : moins les vaches mangent d'herbe au pâturage, moins les fromages ont de goût, plus leur couleur est blanche et leur texture ferme.
"Les grandes stratégies d'adaptation des éleveurs face aux sécheresses ont un impact à long terme sur la qualité des produits."
Matthieu Bouchon, ingénieur d'études en charge des expérimentationsà franceinfo
Selon les scientifiques, l'alimentation composée exclusivement de maïs se révèle la plus préjudiciable à la qualité des fromages. "Maintenir de l'herbe fraîche dans les régimes à base de maïs, même en quantité limitée, est donc crucial pour ne pas trop détériorer la qualité nutritionnelle et sensorielle du fromage", estiment-ils. L'utilisation de foin pour faire face à un épisode de sécheresse a, de son côté, un impact plus limité sur la qualité des fromages. La préservation du patrimoine culinaire français passera donc par la sauvegarde de ses prairies et la lutte contre le réchauffement climatique.
Depuis le XIXe siècle, la température moyenne de la Terre s'est réchauffée de 1,1°C. Les scientifiques ont établi avec certitude que cette hausse est due aux activités humaines, consommatrices d'énergies fossiles (charbon, pétrole et gaz). Ce réchauffement, inédit par sa rapidité, menace l'avenir de nos sociétés et la biodiversité. Mais des solutions – énergies renouvelables, sobriété, diminution de la consommation de viande – existent. Découvrez nos réponses à vos questions sur la crise climatique.
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