Chantier de l'A69 : comment des parlementaires tentent de relancer les travaux malgré l'arrêt décidé par la justice

Une proposition de loi visant à réautoriser ce chantier est examinée jeudi par le Sénat, deux mois et demi après que le tribunal administratif de Toulouse a fait stopper les travaux de l'autoroute.

Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Une vue aérienne de l'autoroute A69 en construction au niveau de Verfeil (Haute-Garonne), le 14 mars 2025. (ED JONES / AFP)
Une vue aérienne de l'autoroute A69 en construction au niveau de Verfeil (Haute-Garonne), le 14 mars 2025. (ED JONES / AFP)

Ils n'ont pas dit leur dernier mot. Les défenseurs du projet d'autoroute A69, censée relier Toulouse (Haute-Garonne) à Castres (Tarn), placent désormais tous leurs espoirs dans la sphère politique, après le coup d'arrêt imposé au chantier le 27 février par le tribunal administratif de Toulouse. Le Sénat examine, jeudi 15 mai, une proposition de loi visant à autoriser la reprise des travaux et ainsi court-circuiter une décision de justice. Après une validation en commission le 7 mai, ce texte sera voté en séance publique dans le cadre de la niche parlementaire du groupe Union centriste.

Pour les porteurs de ce texte, Marie-Lise Housseau et Philippe Folliot, sénateurs du Tarn, ce projet d'axe routier déjà bien entamé répond à un besoin de "désenclavement" d'un bassin d'environ 100 000 personnes, qui s'étend autour des villes de Castres et de Mazamet. "L'A69 n'est pas un simple tracé routier : c'est un trait d'union vital entre un territoire et son avenir. Refuser de reprendre les travaux, c'est choisir l'abandon, le gaspillage et l'oubli", a écrit sur X Philippe Folliot.

Une demande de sursis examinée le 21 mai

Malgré une importante opposition, et des affrontements parfois violents entre militants écologistes et forces de l'ordre, le chantier de l'A69 débuté en mars 2023 avait poursuivi son cours à rythme soutenu, avant que la justice n'arrête les travaux. Le tribunal administratif de Toulouse a annulé l'autorisation environnementale délivrée par l'Etat, considérant qu'il n'y avait pas de "raison impérative d'intérêt public majeur" (RIIPM) justifiant les atteintes à l'environnement occasionnées par le chantier de ce tronçon long de 53 km. L'Etat a fait appel de cette décision et déposé une demande de sursis pour reprendre les travaux dans l'attente de cet appel. Cette dernière sera examinée le 21 mai.

En plus du Sénat, où la proposition de loi de validation a de bonnes chances d'être adoptée car les partis les plus fermement opposés à l'A69 (LFI, Les Ecologistes) y sont minoritaires, le texte a d'ores et déjà une date d'examen à l'Assemblée nationale. Il sera présenté au Palais-Bourbon le lundi 2 juin, comme l'a déclaré sur Facebook le député de la 3e circonscription du Tarn, Jean Tarlier (Ensemble pour la République, ex-Renaissance). C'est dans le cadre d'une niche du groupe EPR, présidé par l'ancien Premier ministre Gabriel Attal, que ce texte sera examiné.

L'arrivée de cet épineux dossier chez les parlementaires est loin de ravir les organisations opposées au chantier. Pour le collectif écologiste La Voie est libre (LVEL), les soutiens de l'A69 "ne sont pas très beaux joueurs, car, ayant perdu sur le terrain juridique, ils essaient de passer en force sur le terrain législatif". Le groupe dénonce un texte visant "à mettre de côté ce contre-pouvoir qu'est le tribunal administratif". De son côté, l'association Agir pour l'environnement dénonce une "contravention évidente avec l'Etat de droit" et appelle à interpeller les parlementaires en amont des votes.

Une atteinte à la séparation des pouvoirs ?

En marge des oppositions politiques, cette proposition de loi, qui vise à rendre légal ce que le pouvoir judiciaire a déclaré illégal, soulève des questions constitutionnelles. Le sénateur Philippe Folliot dit avoir été "rassuré" par des experts sur ce point. Selon le sénateur Franck Dhersin (Horizons), rapporteur du texte, "la démarche ne vise pas à remettre en cause les principes constitutionnels" mais répond "à une situation d'urgence qui sert à éviter les conséquences dramatiques d'un arrêt du projet".

Si la proposition de loi est adoptée par les deux chambres, elle devra encore être examinée par le Conseil constitutionnel, avec l'espoir, pour les opposants au chantier de l'A69, qu'il rende un avis négatif. Un scénario crédible, selon Loïc Peyen, maître de conférence en droit public à l'université Toulouse-Capitole et spécialiste du droit de l'environnement, qui voit dans ce texte une atteinte à la séparation des pouvoirs législatif et politique. "On a un juge qui prend une décision en s'appuyant sur le droit et là, des parlementaires qui viennent dire : 'Ce qu'a dit le juge, ça ne vaut pas'", observe-t-il, soulignant que "la RIIPM a été annulée notamment pour des raisons économiques. Sauf que ces raisons, dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel, ne sont pas toujours un motif suffisant pour justifier l'adoption d'une telle loi de validation".

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