Cinq alternatives aux pesticides pour une agriculture plus durable
Plusieurs études scientifiques montrent que ces produits phytosanitaires sont particulièrement dangereux pour la biodiversité et pour les êtres humains. Des alternatives existent pour les remplacer.
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Cet article a été publié une première fois en 2023 par le média Nowu, spécialisé en écologie.
Certains sont employés pour protéger les cultures en éloignant les insectes et maladies, mais le problème des pesticides réside dans la possible contamination des sols, de l’eau et même de l’air.
Concernant la biodiversité, une étude du CNRS publiée en 2018 montre que la France a perdu un tiers de ses populations d’oiseaux en milieu agricole en une quinzaine d’années seulement. En cause, notamment la disparition des insectes dont ils se nourrissent, eux-mêmes touchés par les pesticides.
Concernant la santé humaine, l'Inserm a actualisé en 2021 ses données et conclut que l’exposition directe aux pesticides augmente le risque de développer certaines maladies (comme certains types de cancer par exemple), auxquelles les agriculteurs sont particulièrement exposés.
La France s’est fixée plusieurs objectifs pour réduire l’usage des pesticides. Le plan Ecophyto prévoit de réduire de moitié l’usage des pesticides d’ici à 2025. La loi d’Avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt indique que 50% des exploitations agricoles devraient aussi être engagées dans des démarches agro-écologiques d’ici à 2025.
Les produits phytosanitaires ne sont pourtant pas utilisés sans raison. Alors comment faire sans eux ? Focus sur 5 alternatives intéressantes.
1 Installer des pièges olfactifs pour tromper les insectes
Penchons-nous d’abord sur le bio contrôle : un ensemble de méthodes de protection des végétaux basé sur l’utilisation de mécanismes naturels.
D'abord, les pièges olfactifs. C’est une technique assez innovante qui consiste à perturber les insectes avec des odeurs, comme l’explique Xavier Reboud, chercheur en agroécologie à l’INRAE de Dijon. Effectivement, de nombreux insectes utilisent ces dernières pour repérer les plantes qui les intéressent ou pour trouver leurs partenaires sexuels et se reproduire.
Pour l’instant, cette technique est testée et commercialisée par la start-up Agriodor, grâce à des recherches effectuées à l’INRAE, par exemple pour éviter que les bruches (des coléoptères qui ressemblent à de petits scarabées) ne s’attaquent à la féverole, une légumineuse.
Plusieurs méthodes peuvent être utilisées pour les pièges olfactifs :
- Le monitoring : détecter la présence des insectes nuisibles grâce à quelques pièges pour mieux réagir.
- Le piégeage de masse : dans le cas de certains papillons, attirer et tuer un maximum de mâles pour réduire la descendance.
- La confusion sexuelle : saturer l’air de l’odeur qu’émettent les femelles. "Si on en émet assez au bon moment, ça va masquer pour les mâles l’odeur des femelles car ça donne l’impression qu’elles sont partout, et donc ils ne peuvent pas produire de descendance", explique Xavier Reboud.
L’un des avantages de cette technique est qu'elle ne touche que les espèces ciblées et non les autres, contrairement à beaucoup d’insecticides qui s’attaquent aussi bien aux insectes parasites qu’aux insectes qui ne nuisent pas aux cultures. C’est par ailleurs local : dans le cas de la confusion sexuelle, les insectes peuvent continuer de se reproduire ailleurs que sur la zone où ces odeurs sont diffusées.
Cette méthode à tout de même un inconvénient. "Peu importe la manière dont on enlève un organisme de l’environnement, ceux qui s’en nourrissent vont en pâtir. Par exemple éradiquer les moustiques peut nuire aux hirondelles, mais l’espoir est que ça se fasse de manière plus ciblée et moins aveugle que l’utilisation des pesticides", d’après Xavier Reboud.
2 Influencer le microbiote
Les microbiotes sont des champignons microscopiques, virus, bactéries. Certains sont bons pour les humains, par exemple ceux qui vivent dans les intestins. C'est pareil pour les plantes, et on pourrait se servir de ces microbiotes pour se passer de certains pesticides.
Encore une technique de bio contrôle : manipuler des micro-organismes, soit pour induire des maladies chez les ravageurs ; soit lorsqu’il s’agit par exemple de micro-organismes qui vont coloniser les plantes (saturer la plante de micro-organismes non nocifs pour qu’il n’y ait plus de places pour ceux qui le sont).
"En gros, il faut s’imaginer le micro-organisme nocif pour la plante comme un baigneur avec sa serviette de bain, qui cherche une place sur la plage : on l’empêche de se poser sur la plage en mettant une foule d’autres baigneurs qui ne sont pas nocifs dessus à sa place."
Xavier ReboudChercheur en agroécologie à l’INRAE de Dijon
Les scientifiques connaissent des micro-organismes favorables à certaines cultures, qui pourraient être efficaces. Cela pourrait par exemple être mis en place au moment de la mise en terre des semences, pour protéger celles-ci et qu’elles germent correctement.
L'inconvénient de cette méthode est qu'elle est encore expérimentale, même si Xavier Reboud est confiant. "On va beaucoup progresser, d’ici 5 à 10 ans on sera capable de remplacer les fongicides qui enrobent les semences de blé par des communautés microbiennes qui rendent le même service."
3 Sélectionner les plantes résistantes aux maladies
Une méthode très ancienne peut aussi être utilisée : la sélection génétique. En agriculture, cette pratique consiste à sélectionner et à faire se reproduire des plantes ou animaux qui ont des caractéristiques particulières (par exemple : d’une certaine taille, résistante à des maladies…) pour créer de nouvelles variétés ou espèces qui auront ses avantages.
Ce n’est pas la même chose que les OGM (organismes génétiquement modifiés) : on ne modifie pas directement le patrimoine génétique d’un être vivant, mais on sélectionne et croise pour faire évoluer ce patrimoine génétique pour essayer d’obtenir un certain résultat.
Comment cette technique peut remplacer les pesticides ? Si on prend l'exemple de la vigne, celle-ci reçoit 13 traitements phytosanitaires, explique Xavier Reboud (contre des champignons par exemple). "Mais il existe des variétés de vigne moins sensibles voire insensibles à certaines maladies comme le mildiou et l'oïdium", elles n'ont donc plus besoin de traitement contre ces maladies.
L'Inconvénient est que ces maladies s’adaptent sans cesse pour infecter des variétés jusque-là immunisées.
4 Diversifier les cultures
Autre méthode vieille comme le monde : rendre le milieu imprévisible en évitant de cultiver une seule et même plante sur une parcelle agricole. Cela peut consister en :
- Semer un mélange de variétés dans un champ (en incluant des variétés anciennes et locales ou encore des semences paysannes).
- Semer différentes espèces dans un champ, mélangé sur un rang, ou en alternant les rangées (avec par exemple un mélange de céréales comme le blé et des légumineuses comme les pois).
- Planter des végétaux ailleurs, via l’agroforesterie. Cela consiste à associer les cultures avec des arbres, comme des arbres fruitiers.
- Changer régulièrement le type de culture sur une seule et même parcelle. Cette technique est appelée la rotation des cultures.
L’avantage étant que, lorsqu'une maladie débarque dans les cultures, les différentes plantes ne sont pas toutes forcément vulnérables aux mêmes choses, ainsi l’agriculteur a moins de risque de perdre toute sa récolte en un seul coup.
L'inconvénient est que cette méthode produit de plus petits volumes, elle est donc moins efficace et économique qu’une grande monoculture standardisée. "La compétitivité des filières peut dépendre de la capacité à avoir une production homogène et standardisée, appuie Xavier Reboud. C’est typiquement là qu’on pose le curseur entre “c’est OK d’utiliser des pesticides” et “on n'en utilise pas mais ça coûte plus cher”."
5 Faire appel à des plantes et insectes alliés
Planter certaines plantes ou attirer certains insectes peut aider à protéger des cultures (c’est même un des principes de la permaculture).
Côté insectes, ces alliés peuvent :
- Manger les ravageurs. Un des exemples les plus connus des jardiniers est d’utiliser les larves de coccinelle pour combattre les pucerons.
- Aider à la reproduction de certaines plantes dans le cas des insectes pollinisateurs, comme les abeilles.
Côté plantes, ces alliées peuvent :
- Faire obstacle aux mauvaises herbes ou aux ravageurs.
- Repousser les insectes en sécrétant des substances.
- Attirer les insectes, qui vont préférer s’attaquer à elles plutôt qu’aux cultures.
- Attirer les "bons" insectes qui vont ensuite protéger les cultures.
(voilà d’ailleurs un tableau pour repérer quelles plantes associer entre elles)
L'inconvénient est que cette méthode est efficace mais incompatible avec l’utilisation de pesticides. "S'il n'y a qu’un seul ravageur dans une exploitation, cela peut fonctionner, mais s'il y en a plusieurs, dont certains qui ne peuvent être tués qu’avec un insecticide, ça ne sert à rien de lâcher des coccinelles car les produits vont les tuer", conclut Xavier Reboud.
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