Forêt de Bialowieza : un sanctuaire intact depuis 12 000 ans en Pologne

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Article rédigé par France 2 - A. Sylvain, S. Pichavant, N. Jauson, Institut polonais de recherche sur les mamminères (M. Kosinski) - Édité par l'agence 6Médias
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C’est le temple sacré des bisons, des loups et des oiseaux. Un lieu encore totalement préservé, où aucun arbre n’a jamais été coupé. Entre la Pologne et la Biélorussie, la forêt de Bialowieza est la dernière forêt primaire d'Europe. Un lieu qui fascine les scientifiques et les passionnés, autorisés à la visiter.

Ce texte correspond à une partie de la retranscription du reportage ci-dessus. Cliquez sur la vidéo pour le regarder en intégralité.

Certains des arbres de Bialowieza sont nés avant Léonard de Vinci ou la découverte de l'Amérique. Entre Pologne et Biélorussie, elle est la dernière forêt primaire d'Europe. Un joyau national où il est interdit d'entrer sans guide, comme Joao Ferrro, accompagné de touristes italiens. Nous pénétrons dans le saint des saints, la réserve intégrale.

"On se sent vraiment très petit"

"Bienvenue à la maison. À partir d'ici, vous êtes dans l'un des rares endroits en Europe où l'on n'a jamais touché à la nature. C'est comme avant les débuts de l'agriculture", présente d'abord le guide.

Dans cette forêt polonaise, il n'y a pas d'intervention humaine. Les arbres n'ont jamais vu la tronçonneuse. Alors certains sont de vieux messieurs à l'image de ce chêne pédonculé. Près de 500 ans et 40 mètres de hauteur. L'un des plus grands du monde. "Ici, nous avons 20 000 arbres très âgés qui sont classés au patrimoine national", explique Joao Ferrro. "Ici, on a l'impression que tout est vivant. Et voici un individu qui est là depuis des centaines d'années. On se sent vraiment très petit à côté de lui", témoigne une des visiteuses privilégiées.

Mais cette forêt unique est sous haute protection. Il n'est pas question de sortir du sentier public, par exemple. "C'est un peu pareil, comme par exemple, au Louvre. Ici, nous avons 15 000 visiteurs par an, donc si l'on laisse 15 000 visiteurs par an partout, la forêt ne sera pas comme elle est aujourd'hui", illustre le guide. Il faut aussi protéger une biodiversité exceptionnelle, avec des prédateurs comme les loups ou les lynx. Et à l'autre bout de la chaîne, des insectes et des champignons souvent rarissimes qui fabriquent des gouttes d'eau. Et puis, au détour d'un sentier, il y a parfois des surprises.

Des bisons et des espèces très rares

"Oh mon Dieu ! Ça, c'est une forme d'organisme parmi les plus archaïques de cette planète Terre", s'exclame Joao Ferrro devant une espèce très rare : un blob. D'habitude, cet organisme unicellulaire est invisible. Mais la température et l'humidité sont parfaites. Il a pu s'épanouir sur ce trou en décomposition. "C'est la première fois que je trouve un si grand spécimen cette année. Donc c'est très beau. Bienvenue à la Terre planétaire, cela fait 500 millions d'années".

Des merveilles comme celle-là, c'est justement ce que traque Marek Kosinski, photographe professionnel. À son actif, des clichés de bison, les stars de la forêt. "Nous n'avions plus que quelques individus dans des enclos pour les nourrir et les préserver, et nous les avons réintroduits. En ce moment, il y en a environ 700 du côté polonais". Son autre passion, les oiseaux. Nous voici dans l'une des huttes qu'il a aménagées à l'extérieur de la réserve intégrale. Après un peu d'attente, voici un pique et pêche, puis un gros bec casse-noyaux, rejoint par son petit. D'habitude, il est difficile à observer.

Mais même ici, le réchauffement climatique commence à faire son effet, notamment chez les grues. "On a remarqué ces dernières années que les grues avaient beaucoup de mal à élever leurs petits. Et c'est sans doute dû au manque d'eau. Leurs nids, qui sont construits dans des zones inondées, ne sont plus protégés par l'eau", remarque le photographe.

Une résistance face à ceux qui veulent contrôler la forêt

Il n'est pas le seul à faire ce constat. Michal Zmihorski, scientifique, nous emmène là où de nombreux épicéas sont morts. Des étés trop chauds, des hivers sans neige. Selon lui, la forêt se régénère toute seule, à l'image de ces jeunes chênes. Le danger, ce sont les forestiers qui lorgnent sur le bois. "Les gens du coin et les forestiers disent qu'il faut permettre à l'homme d'intervenir et de contrôler davantage la forêt. Ils reviennent à la charge en permanence pour pouvoir retirer les arbres morts. Mais ils ne comprennent pas que ces arbres abritent une biodiversité incroyable", critique le directeur de l'Institut de recherche sur les mammifères et de l'Acédémie polonaise des sciences.

Mais Bialowieza, on a vu d'autres en 10 000 ans. Elle, qui s'étend sur 15 fois la surface de Paris, a su résister aux guerres et à l'essor de l'agriculture.

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