Législatives 2024 : pourquoi il faut être particulièrement prudent avec les sondages
Avec un scrutin différent pour chacune des 577 circonscriptions, les élections législatives compliquent la tâche des sondeurs pour tenter de prévoir la composition de la future Assemblée nationale.
Quelques chiffres pour tenter de percer l'inconnu. Depuis l'annonce surprise de la dissolution de l'Assemblée nationale le 9 juin, la vie politique française est nimbée d'un épais brouillard. Le Rassemblement national va-t-il emporter une majorité absolue ? Le Nouveau Front populaire peut-il devenir le premier bloc parlementaire ? Le camp présidentiel est-il en mesure de limiter les dégâts après sa défaite aux européennes ?
D'ici au premier tour des élections législatives, fixé le dimanche 30 juin, les instituts de sondages vont multiplier les études afin d'établir la photographie de l'opinion la plus fidèle possible. Comme nous le rappelions en 2022, il y a deux types de sondages publiés avant des élections législatives : ceux qui mesurent le rapport de force des différents partis ou coalitions au premier tour et les projections de sièges au lendemain du second.
Quelque 577 scrutins à évaluer
Pour les premiers, les résultats sont mesurés en pourcentage. Mais lors des législatives, il existe une différence fondamentale par rapport aux européennes ou à la présidentielle : il y a non pas une seule élection à l'échelle du pays, mais 577, comme le nombre de circonscriptions que comprend le territoire français. Et même si les sondages doivent obéir à des règles claires, les intentions de vote nationales se répercutent inégalement à l'intérieur de chaque circonscription.
Ces écarts se vérifient jusque dans les résultats des législatives. Ainsi, en 2022, la coalition présidentielle et la Nupes avaient fait jeu égal au premier tour, en pourcentage, mais la situation politique de chaque circonscription avait dessiné une Assemblée bien plus favorable à la majorité qu'à la gauche au soir du second tour. La prudence est donc de mise jusqu'aux résultats définitifs.
Il faut également se garder de voir dans les résultats des européennes un aperçu fiable de ce que donneront les législatives dans une circonscription. "La transposition des résultats des élections européennes sur les élections législatives n'est pas possible", prévient Olivier Rouquan, chercheur associé au Centre d'études et de recherches de sciences administratives et politiques (Cersa), dans Sud-Ouest.
Dans Le Courrier des maires, le professeur de droit public Romain Rambaud poursuit la réflexion : "Il y a notamment l'attachement à la personne du député qui reste important dans ce vote, particulièrement dans l'hypothèse des sortants." Un nom connu et un ancrage local peuvent ainsi contredire des intentions de vote nationales.
Des projections très aléatoires
Quant aux projections de sièges, réalisées pour tenter de cerner les équilibres politiques au lendemain du scrutin, elles sont là aussi à interpréter avec prudence. C'est d'ailleurs le sens du message délivré par la Commission des sondages, dans un communiqué publié mardi : "Un tel exercice ne présente pas les mêmes encadrements méthodologiques que les sondages et demeure tributaire d'un grand nombre de paramètres, souvent propres à chacune des 577 circonscriptions comme ceux de l'offre politique de chaque élection locale, de la personnalité des candidats, du taux de participation qui peut conditionner la survenance et la configuration d'un second tour, etc.", met en garde l'instance.
Les instituts font généralement preuve de précaution dans les chiffres qu'ils fournissent aux médias. "Quand on fait des projections en sièges, on donne des fourchettes, qui sont souvent assez larges", rappelait Mathieu Gallard, directeur de recherches à l'institut Ipsos, en 2022. Ces fourchettes sont le résultat d'une combinaison complexe, avec une prise en compte des situations locales et l'application d'un coefficient liée aux résultats passés dans le territoire. Dans une campagne très courte, des faits peuvent bousculer la situation dans une ou plusieurs circonscriptions, jusqu'à la dernière minute.
En 2022, avant le premier tour, plusieurs instituts de sondages évoquaient "entre 20 et 50" ou "entre 35 et 55" députés pour le Rassemblement national, qui obtiendra finalement 88 sièges. Une autre dynamique peut s'installer après le premier tour et remettre en cause les sondages antérieurs. Il convient donc de rappeler que les sondages ne sont qu'une photographie de l'opinion et pas un outil prédictif.
Un contexte politique inédit
Deux éléments rendent les législatives particulièrement incertaines cette année, après la première dissolution depuis 1997. D'une part, la question de la participation revêt un enjeu crucial : si l'abstention recule, ce que les sondages et le nombre de procurations laissent augurer, le seuil de 12,5% des inscrits nécessaire à la qualification au second tour du candidat arrivé troisième est mécaniquement plus facile à atteindre. Alors que les triangulaires étaient très rares en 2017 (une seule) et en 2022 (huit), elles pourraient être beaucoup plus nombreuses cette année, avec l'existence de trois principaux blocs dans l'opinion.
D'autre part, les projections de sièges comme les rapports de force nationaux ne mesurent pas encore l'importance des consignes de vote après le premier tour. Or, celles-ci pourraient avoir une influence sur le scrutin. Au sein de la majorité, la stratégie du "ni-ni" en cas de duels entre le RN et LFI est de plus en plus assumée, mais la qualification d'autres partis du Nouveau Front populaire pourrait changer la donne. La gauche n'a pas encore donné une consigne de vote nationale pour les affrontements entre le RN et la coalition présidentielle, ce qui rajoute une inconnue à l'équation déjà complexe du second tour.
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