Vrai ou faux Les touristes ont-ils déserté les stations balnéaires françaises, comme l'affirment plusieurs vidéos sur les réseaux sociaux ?

Article rédigé par Louis Deroo, Valentin Stoquer
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 9min
Une plage pleine de monde à Canet-en-Roussillon, le 30 juillet 2024. Même si la région connaît cette année une petite baisse du nombre de touristes, les plages restent bien fréquentées. (ALINE MORCILLO / HANS LUCAS)
Une plage pleine de monde à Canet-en-Roussillon, le 30 juillet 2024. Même si la région connaît cette année une petite baisse du nombre de touristes, les plages restent bien fréquentées. (ALINE MORCILLO / HANS LUCAS)

Si quelques villes du Sud connaissent de légères baisses de fréquentation, l'été 2025 est globalement un bon cru pour l'hôtellerie. Dans les restaurants en revanche, le chiffre d'affaires est en baisse.

Des plages délaissées, des rues désertées par les passants, des restaurants aux tables inoccupées... Plusieurs vidéos cumulant des millions de vues sont apparues fin juillet et début août sur les réseaux sociaux, affichant des stations balnéaires anormalement vides en pleine saison touristique. "Pas un chat. Même les mouettes ont plié bagage", "fréquentation en berne", "mais que s'est‑il passé pour que les touristes disparaissent ainsi ?", déplorent plusieurs comptes sur X et TikTok.

Parmi les villes prétendument touchées par cette baisse d'affluence, Toulon dans le Var, La Grande-Motte dans l'Hérault, le Canet-en-Roussillon dans les Pyrénées-Orientales, ou encore Deauville et Trouville dans le Calvados. Pourtant, aucune statistique ne permet d'affirmer que les littoraux français connaissent des baisses de fréquentation aussi spectaculaires. "Quand on reprend les chiffres globaux de la France, on voit qu'on a une augmentation du tourisme", a au contraire rapporté Nathalie Delattre, ministre déléguée chargée du Tourisme, vendredi 8 août sur RMC.

Un maintien de la fréquentation touristique en juillet

Au début du mois, le cabinet d'études marketing MKG, relié aux systèmes d'information et de réservations de 5 000 hôtels ou chaînes de résidences de vacances en France, a publié ses estimations pour juillet 2025. Dans cette étude, consultée par franceinfo, le taux d'occupation des établissements hôteliers serait en hausse de 1,1% par rapport à l'année 2023 sur tout le territoire de la France métropolitaine, et de 1,6% sur tous les littoraux français.

Côté campings, le président de la Fédération nationale de l'hôtellerie de plein air (FNHPA), Nicolas Dayot, prévoit "une augmentation du nombre de nuitées de 2% sur toute la saison" par rapport à 2024. Des résultats rassurants, qui laissent présager un maintien de la fréquentation pour ces établissements à l'échelle nationale.

Certaines régions, en particulier, ont de quoi se réjouir. Après plusieurs années difficiles dues à une météo capricieuse, la Normandie a ainsi retrouvé son dynamisme cet été. Sur X, certains internautes dépeignent pourtant des rues et plages désertes à Trouville et Deauville. "Ces villes sont vides en plein mois de juillet ! Il y a un sérieux problème... Je n'ai jamais vu ça !", écrivait le 19 juillet dernier Tony Leprêtre, référent de la Seine-Maritime du parti d'extrême droite Les Patriotes, récoltant plus de 4 000 likes.

Tout le contraire de ce qui est observé sur place, selon les acteurs du secteur. Les chiffres de MKG montrent une hausse du chiffre d'affaires de 31,5% en juillet par rapport à l'année précédente dans les deux stations balnéaires, et une augmentation du taux d'occupation des hôtels de 11%. "Nous ne sommes pas du tout en baisse, la plupart des hôtels étaient complets [le week-end du 2 et 3 août], et la dynamique va s'accélérer", confirme l'office de tourisme de Trouville.

"De forts contrastes territoriaux"

Ces résultats satisfaisants en Bretagne ou en Normandie ne se retrouvent pas dans toutes les stations balnéaires de l'Hexagone. "Il y a de forts contrastes territoriaux, avec des régions ayant plus souffert, comme les pays de la Loire ou les Pyrénées-Orientales", explique Nicolas Dayot, de la FNHPA. Faut-il alors croire les images relayées sur les réseaux sociaux, montrant des rues vides à Barcarès et à Canet-en-Roussillon ?

"Après un mois de juin exceptionnel, nous avons effectivement constaté un petit ralentissement, de l'ordre de 2 ou 3% du taux d'occupation sur le territoire", témoigne Brice Sannac, président de l'Union des métiers et des industries de l'hôtellerie (Umih) des Pyrénées-Orientales. "Mais nous sommes loin d'un département vide", assure-t-il. "Il y a du monde sur les plages en cette saison, et beaucoup de campings sont complets", ajoute Audrey Andonegui, directrice du tourisme à Canet-en-Roussillon.

Pour Brice Sannac, certains internautes tournent ces vidéos dans des situations inhabituelles, sans fournir la moindre indication sur le contexte. "Ceux qui affirment que les plages sont dépeuplées répandent des fake news. Les vidéos à Canet-en-Roussillon ou à Barcarès ont été filmées des jours avec une forte tramontane, un vent froid, c'est donc normal qu'il n'y ait pas beaucoup de monde", assure le président de l'Umih des Pyrénées-Orientales. Des images tournées le 19 juillet laissent aussi apparaître un drapeau jaune, indiquant un "danger limité ou marqué" en mer. De quoi, sans doute, refroidir certains vacanciers.

Autre exemple à Toulon, dont la plage du Mourillon a été filmée vide le 22 juillet, selon un post ayant récolté 155 000 vues sur TikTok. Ce jour-là, la plage était fermée pour cause de pollution, après un violent orage la veille, précise Ici.

Des vacanciers moins dépensiers

Si l'été 2025 reste globalement bon en termes de fréquentation, les commerçants interrogés s'accordent néanmoins sur une chose : le chiffre d'affaires sera moins fructueux cette année. "Les Français partis en vacances en juillet ont été plus frileux à la consommation, avec un panier moyen plus bas", explique Stéphane Villain, maire de la station balnéaire Châtelaillon-plage, en Charente-Maritime, et président d'ADN Tourisme, la fédération nationale des acteurs institutionnels du tourisme.

Dans son interview sur RMC, la ministre déléguée au Tourisme, Nathalie Delattre, a elle aussi relevé cette tendance. Selon une étude citée par la membre du gouvernement, "un tiers des Français souhaitent consacrer moins de 500 euros aux vacances, alors des choix s'opèrent entre le budget alimentation et les activités". Semblant aller dans ce sens, plusieurs posts montrant des terrasses de restaurants vides ont circulé sur les réseaux sociaux, comme à La Grande-Motte (Hérault), le 3 août dernier.

"Les touristes achètent ce dont ils ont besoin, pas plus. Un maillot de bain, un débardeur, et c'est tout. Il n'y a plus de coup de cœur. Ils font très attention aux prix", témoigne Robert Giusti, président de l'association des commerçants d'un quartier de La Grande-Motte, auprès de France 3 Occitanie. "Avant, les gens prenaient entrée, plat, dessert. Aujourd'hui, c'est souvent juste un plat", ajoute un propriétaire de brasserie de la ville.

Même constat dans les restaurants de Saint-Laurent-du-Var, où le manque de clients a été pointé dans une vidéo ayant dépassé les 700 000 vues sur TikTok. "Ce n'est pas la meilleure des saisons, nous mesurons encore une baisse de chiffre d'affaires par rapport à l'année dernière", explique à franceinfo un responsable du restaurant Playamesa, dont les terrasses étaient vides sur les images. "Le midi, il n'y a pas grand monde, c'est inquiétant", abonde un employé du restaurant voisin, le Tortola, lui aussi filmé.

La fréquentation des restaurants en baisse

"Les parkings des plages sont bourrés, mais la consommation est plus basse dans les restaurants saisonniers : tous nos espoirs sont dans le mois d'août", confie Jean-Pierre Ghiribelli, président de l'Umih du Var. Au niveau national, l'Union estime ainsi que la fréquentation des restaurants est en baisse de 15 à 20% cet été. "En juillet, il nous a manqué une clientèle française dans les hôtels et restaurants, qui sont allés dans des lieux de tourisme de masse moins chers, tels que le Portugal, l'Espagne ou la Tunisie", poursuit Jean-Pierre Ghiribelli.

Une situation dont certains internautes se servent pour dresser le portrait d'une France en déclin, quitte à tordre la réalité. Parmi les posts affirmant que les stations balnéaires françaises sont désertées, beaucoup comportent ainsi des commentaires à caractère politique, parfois totalement décorrélés de la vidéo d'origine. "A force de taxes, de normes, d'électricité hors de prix et de racket fiscal, bah t'as ce que tu vois là : une station balnéaire fantôme en plein mois d'août", écrit l'utilisateur Chien Surpris sur X, à propos de Canet-en-Roussillon.

L'auteur du compte, suivi par plus de 41 000 personnes, se présente lui-même comme un "citoyen sous pression fiscale", arborant le hashtag "Je suis Nicolas". Une référence à l'expression "c'est Nicolas qui paie", créée à l'origine pour exprimer un ras-le-bol fiscal, mais qui sert également à propager une idéologie raciste sur les réseaux sociaux.

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