Reportage "A 60 ans ans, j'aurai fait 44 ans principalement debout" : la pénibilité, au cœur des négociations sur la réforme des retraites

Les partenaires sociaux entament jeudi trois mois de négociations sur la réforme des retraites de 2023. Les syndicats réclament notamment la réintégration de plusieurs critères de pénibilité.

Article rédigé par Laurine Benjebria
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
Une apprentie coiffeuse, le 28 avril 2005, dans un salon de coiffure de Caen. (MYCHELE DANIAU / AFP)
Une apprentie coiffeuse, le 28 avril 2005, dans un salon de coiffure de Caen. (MYCHELE DANIAU / AFP)

Le conclave sur les retraites promis par le gouvernement démarre enfin. Après avoir reçu le rapport de la Cour des comptes sur l'état financier du système la semaine dernière, les partenaires sociaux se retrouvent jeudi 27 février au ministère du Travail pour discuter du fond. Ils ont jusqu'à fin mai pour tenter d'améliorer la dernière réforme, adoptée en 2023. Au cœur de la bataille, se pose notamment la question de la pénibilité.

Les organisations syndicales réclament la réintégration des quatre critères qui avaient été exclus en 2017 du droit à un départ anticipé en retraite, comme le port des charges lourdes et les postures pénibles. Ces critères concernent notamment les coiffeurs, des professionnels sujets aux maux de dos, problèmes de circulation du sang dans les jambes, tendinites ou encore à des réactions allergiques.

Mains gercées, saignements...

Debout, le dos courbé au-dessus du bac à shampoing, Zora, applique un produit mauve sur les cheveux d'une cliente, dans un salon de coiffure du 18e arrondissement de Paris. "C'est de la poudre avec un oxydant et on décolore les racines avec". Une substance chimique à l'odeur très forte que la trentenaire manie sans aucune protection car elle a "l'impression de mieux travailler" quand elle n'a pas les gants, même si elle sait que "oui, effectivement, il vaut mieux toujours porter ses gants".

Car la manipulation de ces produits et les nombreux shampoings, abîment la peau. A seulement 20 ans, Léane a les mains gercées et crevassées. "Je fais beaucoup de shampoings et dehors il fait froid. Avec le chaud-froid, ça craque, j'ai souvent des saignements. Je mets tout le temps de la crème mais rien n'y fait, j'ai même les mains violettes parfois", explique-t-elle. Ses poignets aussi sont mis à rude épreuve par les nombreux brushings, des gestes répétés toute la journée qui lui ont déjà provoqué des tendinites. Selon l'Assurance maladie, les troubles musculosquelettiques représentent 80% des maladies professionnelles du secteur.

"Je vais sûrement le payer"

Pour éviter les crampes et les maux de dos à ses salariés, le patron Guillaume ne les quitte pas des yeux. "Ça fait 25 ans que je joue au papa, il faut répéter les choses, 'tenez-vous droite', 'prenez plutôt cette position'...". Il n'hésite pas, par exemple, à s'asseoir sur une chaise pour éviter d'avoir le dos courbé trop longtemps quand il coupe des cheveux. Malgré ces précautions, à 50 ans, il ne se voit pas continuer encore longtemps.

"On m'a dit qu'à 60 ans la retraite sera possible et que si je voulais je pourrai faire plus. Ça ne m'intéresse pas alors que j'adore mon métier. À 60 ans j'aurai fait 44 ans principalement debout, je vais sûrement le payer, maintenant j'espère le plus tard possible." Guillaume attend donc beaucoup des négociations sur les retraites. Il espère que les partenaires sociaux pourront notamment réintégrer les critères de pénibilité exclus il y a huit ans.

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