Réforme des retraites : "Je voudrais une conférence 'retraite-travail'", explique Jean-Pierre Farandou, ministre du Travail, à propos des discussions pour financer la suspension
Invité du "20 Heures" de France 2 mardi soir, Jean-Pierre Farandou, ministre du Travail et ex-président de la SNCF, est revenu sur l'annonce de la suspension de la réforme des retraites par Sébastien Lecornu. "J'ai commencé à appeler les partenaires sociaux, patronaux, je vais faire le tour de tout le monde", assure-t-il, prévoyant une conférence sur le sujet du financement.
Nommé ministre du Travail et des Solidarités dans le nouveau gouvernement de Sébastien Lecornu dimanche, Jean-Pierre Farandou, ex-PDG de la SNCF, se retrouve notamment en charge du dossier explosif des retraites. Alors que le Premier ministre vient d'annoncer la suspension de la réforme décriée, qui avait été portée par Élisabeth Borne, le ministre revient dans le "20 Heures" du mardi 14 octobre sur ce défi économique et social.
Ce texte correspond à une partie de la retranscription de l'interview ci-dessus. Cliquez sur la vidéo pour la regarder en intégralité.
Léa Salamé : Comme ministre, vous êtes l'une des nominations surprises de ce nouveau gouvernement Lecornu II. Vous allez devoir mettre en place la suspension de la réforme des retraites annoncée par Sébastien Lecornu. On va en parler. Mais d'abord, ce soir, vous dites quoi ? On a échappé à la censure, on a sauvé le gouvernement, on va pouvoir faire adopter le budget ?
Jean-Pierre Farandou : Je crois que d'abord, il faut être prudent et respecter le vote des députés, donc on va attendre sagement que les choses se fassent, dépôt de censure d'un côté, vote de l'autre, on va attendre. Bon, on est un peu moins tendus peut-être après, à la fois la déclaration du Premier ministre, les réactions qu'on a pu entendre, mais laissons faire les choses tranquillement. Mais vous savez, moi, je me suis engagé pour travailler. Je n'ai pas quitté la SNCF pour abandonner le poste qu'on m'a confié. Avec mes collègues, le gouvernement, on a tous décidé de travailler pour les Français très très vite. C'est vrai, il faudra travailler sur le budget, mais à travers le budget, travailler pour les Français. Il y a des choses très concrètes dans le budget. Si les choses se passent bien, si la censure ne fonctionne pas, je peux vous dire qu'on est tous dans les mêmes blocs, on va tous se mettre à travailler pour les Français.
Si la censure ne fonctionne pas comme vous dites, vous allez donc devoir appliquer la suspension de la réforme des retraites, la fin d'un totem du quinquennat d'Emmanuel Macron. Vous n'étiez pas ministre, mais c'est vrai que ça fait trois ans que tous les ministres se sont succédés sur les plateaux pour nous expliquer qu'il n'y a pas d'alternative à repousser l'âge légal, que sinon ce serait une catastrophe pour nos finances publiques, que les marchés financiers nous pénaliseraient. Tout ça n'est plus vrai aujourd'hui ?
Je crois qu'il faut refaire un film. Cette réforme est nécessaire. Le problème qu'on a avec nos systèmes de répartition, qu'on aime beaucoup, c'est que les actifs paient pour les retraités. Le problème c'est qu'il y a de plus en plus de retraités, et tant mieux, puisque la durée de vie des Français augmente et on est tous ravis de ça, mais il y a de moins en moins d'actifs, donc on croit qu'il y a un problème. Donc l'idée toute simple, c'est de dire que dans ce cas-là, il faut travailler un peu plus, c'est deux ans qui ont été fixés avec tous les mécanismes qui vont avec. C'est ça la réforme.
Et finalement, vous y renoncez.
Après, je crois que le Premier ministre l'a dit, on n'est pas sourds, on n'est pas autistes, on voit bien qu'elle passe mal, cette réforme. Il y a des réactions, il y a des inquiétudes, il y a des mécontentements qui s'expriment, on le voit bien, c'est un sujet central. Ce qui n'est pas étonnant, parce que les retraites, c'est un système très important, c'est social, c'est la cohésion sociale. Donc le Premier ministre l'a dit, devant cette situation-là, il a décidé aujourd'hui de suspendre les curseurs, les paramètres de la réforme, de les figer. On les fige maintenant jusqu'au 1er janvier 2028.
"L'équation du financement est toujours là"
Mais où va-t-on trouver l'argent pour compenser la perte, le manque à gagner ? Sébastien Lecornu a parlé de 400 millions d'euros pour cette année, d'1,8 milliard pour l'année prochaine. Où va-t-on trouver l'argent ?
Effectivement, vous avez rappelé les sommes : 400 millions d'euros dès cette année, c'est pour ça d'ailleurs qu'il faut travailler dans le cadre du budget, puisque si tout se passe bien et si on n'est pas censuré, on va tous se mettre à travailler dessus. Là aussi, le Premier ministre l'a dit, c'est un travail qui va se faire avec les parlementaires, bien évidemment, puisqu'il n'y a pas le 49.3, et qu'il n'y a pas de majorité.
L'argent, vous le trouvez où ?
Il faudra faire des économies, parce qu'on est sérieux.
Qui va faire des économies ? Où allez-vous les faire ?
Il y en a à peu près partout, il faut le regarder, parce qu'à la fois, je crois que le Premier ministre a aussi été très clair, on ne s'arrête pas à la suspension, et deuxièmement, on ne renonce pas à notre volonté déterminée d'améliorer le déficit de notre pays, donc de 5,4 % à 4,7 %, c'est ça l'ambition que nous avons et que nous allons tenir.
Alors concrètement, comment ça va se passer ? Si vous n'êtes pas censuré jeudi, il y aura tout de suite une loi qui suspend la réforme, une loi qui sera votée à l'Assemblée nationale, pour comprendre le calendrier.
Le mécanisme par lequel on va mettre en musique la décision prise par le Premier ministre, c'est bien au Parlement qu'il faut le faire, puisqu'on va modifier une loi. Il n'y a que le Parlement qui peut modifier une loi, il faut le faire vite, puisque ça va impacter le budget 2026. Donc ça, ça va aller vite.
Le 9 décembre, il y a une loi pour suspendre la réforme des retraites.
Exactement.
"Il faut aussi parler du travail : le travail des jeunes, des seniors, les conditions de travail, qu'est-ce qui fait qu'on a plaisir à aller travailler dans une entreprise ou pas ?"
3,5 millions de personnes sont concernées. Qui, précisément, est concerné ? Qu'est-ce que vous pouvez dire aux Français ? Qui va partir plus tôt à la retraite ?
Vous savez, ça marche par année de naissance. On appelle ça des cohortes ou des générations. C'est un peu compliqué. Ce sont des gens qui sont nés en 1964 jusqu'en 1968. Ça fait cinq cohortes. Comme là, les paramètres sont figés, donc les paramètres, on les rappelle : 62 ans et 9 mois pour partir à la retraite, et puis 170 trimestres. Voilà, ces deux paramètres de durée, de durée de cotisation. Ces deux paramètres sont figés jusqu'au 1er janvier. Donc, les gens concernés, ça fait 3,5 millions de personnes, en gros 700 000 personnes, que l'on multiplie par cinq générations. Voilà les gens qui sont concernés, qui, si on avait appliqué la réforme, auraient dû travailler beaucoup plus longtemps. Donc ils vont pouvoir partir plus tôt avec la même retraite. C'est ce que votre reportage a bien indiqué.
Jean-Pierre Farandou, qu'est-ce qui a été dit à Lecornu à propos de la question de la pénibilité ? Quand est-ce que vous allez la reprendre en main, en discuter ? Est-ce le retour du conclave dont le Medef ne voulait pas ? Est-ce que vous allez reprendre les conclusions du conclave et les faire adopter avant Noël ?
Non, non, on n'est pas dans le conclave du tout. Le conclave a eu lieu, il est terminé, il est derrière nous. Ca renvoie à comment on s'y prend : est-ce qu'il existe un autre système ? Si celui-là est mal compris ou mal accepté, est-ce qu'il en existe un autre ? Parce que l'équation du financement est toujours là, elle n'a pas disparu. Donc, on va engager des discussions. L'idée centrale, c'est de dire que les retraites, c'est la dernière étape du travail. Il faut aussi parler du travail : le travail des jeunes, le travail des seniors, les conditions de travail, qu'est-ce qui fait qu'on a plaisir à aller travailler dans une entreprise ou pas ? La pénibilité en fait partie aussi. Donc, tous ces sujets-là sont plus ou moins avancés dans les discussions avec les organisations syndicales ou les organisations patronales. Il faut gérer l'inventaire de ces sujets et travailler ensemble.
Mais quand vous dites une conférence sur les retraites, on est d'accord que c'est après Noël, après le vote du budget. Le calendrier, ce sera ?
Je viens juste d'arriver, je n'ai même pas fait un jour en tant ministre, donc j'ai commencé à appeler les partenaires sociaux, les partenaires patronaux, je vais faire le tour de tout le monde. On va aussi se mettre d'accord sur comment on y va, est-ce qu'on commence à préparer tout ça d'ici la fin de l'année, puisqu'il y a déjà des matériaux qui existent, comment on s'organise, est-ce qu'on fait appel à des experts ? Ça débordera l'année prochaine. Et je crois que le bon nom de cette conférence, je voudrais qu'on parle d'une conférence "retraite-travail". J'y tiens absolument. C'est peut-être d'ailleurs une lacune de la méthode précédente qui n'a regardé que les retraites. Tout l'environnement du travail, c'est très important de le mettre autour de la réflexion sur les retraites.
Est-ce qu'on pourrait imaginer, et c'est ma dernière question, faire revenir le système de retraite à points dans cette conférence pour les retraites et le travail ?
On verra ce que les partenaires nous amènent.
Mais vous, vous en pensez quoi ?
Moi, à ce stade, je suis très ouvert. Je ne rentre surtout pas par les solutions, je rentre par les problématiques. J'assume complètement la problématique financière. Il faudra qu'à la fin, on soit d'accord pour financer le régime que nous aurons inventé. Et deuxièmement, il faut que les Français adhèrent à la construction qu'on fera. On voit bien que ce qui a manqué, c'est une adhésion populaire assez forte, que les Français trouvent le système juste, équitable, en comprenant quand même que l'argent qui finance les retraites, il vient du travail. Ce sont les travailleurs et la croissance qui nous permettront de financer, quoi qu'il en soit, le futur système de retraite.
Ça veut dire qu'on va travailler plus, quoi qu'il arrive.
C'est un des paramètres, on le sait bien. Voilà, on le sait bien, ce paramètre de l'âge. En tout cas, dans une logique de système par répartition, c'est difficile de ne pas travailler plus. À partir du moment où la durée augmente… Et je le redis, on a plus de retraités que d'actifs.
Parmi nos sources :
Jean-Pierre Farandou, ministre du Travail, anciennement SNCF
Liste non exhaustive.
À regarder
-
Tornade meurtrière : scènes d'apocalypse dans le Val-d'Oise
-
Nicolas Sarkozy : premier jour en prison
-
L'OMS alerte sur la résistances aux antibiotiques
-
Les frères Lebrun, du rêve à la réalité
-
Que disent les images de l'incarcération de Nicolas Sarkozy ?
-
Algospeak, le langage secret de TikTok
-
Une Russe de 18 ans en prison après avoir chanté des chants interdits dans la rue
-
Cambriolage au Louvre : d'importantes failles de sécurité
-
"Avec Arco, on rit, on pleure..."
-
Wemby est de retour (et il a grandi)
-
Arnaque aux placements : la bonne affaire était trop belle
-
Une tornade près de Paris, comment c'est possible ?
-
La taxe Zucman exclue du prochain budget
-
Un ancien président en prison, une première
-
Normes : à quand la simplification ?
-
La Terre devient de plus en plus sombre
-
Cambriolage au Louvre : d'importantes failles de sécurité
-
Louis Aliot, vice-président du RN, et les "deux sortes de LR"
-
Nicolas Sarkozy incarcéré à la prison de la Santé
-
Décès d'une femme : les ratés du Samu ?
-
Louvre : cambriolages en série
-
Grues effondrées : tornade meurtrière dans le Val d'Oise
-
De nombreux sites paralysés à cause d'une panne d'Amazon
-
Hong Kong : un avion cargo quitte la piste
-
Quand Red Bull fait sa pub dans les amphis
-
Ces agriculteurs américains qui paient au prix fort la politique de Trump
-
ChatGPT, nouveau supermarché ?
-
Eléphants : des safaris de plus en plus risqués
-
Concours de vitesse : à 293 km/h sur le périphérique
-
Églises cambriolées : que deviennent les objets volés ?
Commentaires
Connectez-vous ou créez votre espace franceinfo pour commenter.
Déjà un compte ? Se connecter