"Paradise Papers" : "La France peut être montrée du doigt"
Pour Dominique Plihon, porte-parole d’Attac et professeur d’économie à Paris Nord, la France est également responsable dans l'affaire des "Paradise Papers". Il pointe un manque de volonté gouvernementale pour lutter contre l'optimisation et l'évasion fiscales.
Dominique Plihon, porte-parole d’Attac et professeur d’économie à Paris Nord, a estimé mardi 7 novembre sur franceinfo que la France n'est pas exempte de tous reproches après la révélation des "Paradise Papers". Selon lui, les efforts pour endiguer les systèmes d'optimisation et d'évasion fiscales ont été insuffisants.
franceinfo : Du point de vue du droit, ces pratiques sont légales. Qu'est ce qui peut obliger ces firmes à changer de comportement ?
Dominique Plihon : Ces pratiques sont légales ; cela révèle que les législations fiscales sont inadaptées et trop peu contraignantes pour éviter cette évasion fiscale. Deux propositions permettraient de porter atteinte à ces pratiques inacceptables. La première, c'est d'avoir une taxation unitaire des entreprises multinationales : cela veut dire que l'on considère ces entreprises comme une entité unique, taxée à un taux global, et non pas comme une entreprise avec de multiples filiales à travers le monde, taxée dans des paradis fiscaux à des taux très bas, voire proches de zéro. La deuxième, complémentaire, serait le "reporting public", pays par pays, de la part des multinationales : c'est-à-dire d'imposer aux entreprises transnationales de déclarer leur activité dans le monde entier, dans leurs filiales, à l'étranger et donc en particulier dans les paradis fiscaux. Ce serait un moyen très utile pour instaurer la transparence, ainsi que pour permettre aux citoyens d'être au courant et de faire pression sur ces entreprises qui auraient des pratiques trop agressives.
Nike doit supprimer son mécanisme fiscal, mais pas avant janvier 2020. Est-ce trop tard ?
Il faut agir tout de suite parce que les choses sont claires aujourd'hui. Il y a des manques à gagner considérables pour les Etats. Les "Paradise Papers" citent le chiffre de 350 milliards d'euros amputés chaque année aux budgets des États. Pour la France, la Cour des comptes a estimé que ces pratiques amputaient le budget de 60 milliards. C'est quelque chose qui est récurrent, ce n'est pas nouveau. Il est urgent d'agir.
Pour vous, il y a un manque de volonté gouvernementale sur ce dossier ?
Oui, on pense que la France peut être montrée du doigt. Au moment de la discussion à l'Assemblée nationale sur la moralisation de la vie publique, un amendement avait été proposé pour supprimer ce qu'on appelle en France le "verrou de Bercy" : la possibilité qu'a le ministre du Budget de bloquer toutes les poursuites judiciaires contre une entreprise qui pratiquerait une optimisation fiscale jugée trop agressive. C'est un moyen, dans le plus grand secret, de négocier des accords dont les citoyens, les contribuables, ne sont pas avertis. Là, le gouvernement a refusé cet amendement. Ce qui prouve bien qu'il n'a pas la volonté d'aller de l'avant dans la judiciarisation, les poursuites judiciaires nécessaires contre les entreprises et les personnes qui pratiquent une évasion fiscale trop agressive.
Le consommateur peut-il agir ?
Les consommateurs ont un rôle à jouer, en pratiquant, par exemple, le boycott des produits d'entreprises qui pratiquent l'évasion fiscale à haute dose. Ce n'est pas la seule manière d'agir. Nous, Attac, avec une trentaine d'organisations, nous nous battons par exemple pour la mise en place de ce "reporting public", pays par pays, des multinationales. Pour le moment, le Conseil constitutionnel a rejeté un amendement dans ce sens dans la loi Sapin 2, au motif qu'il nuisait à la liberté d'entreprendre. C'est difficilement compréhensible pour les citoyens. Mais nous menons le combat et à l'échelle européenne il y a des avancées dans ce domaine. Donc la pression citoyenne porte ses fruits. Nous créons un rapport de force avec les pouvoirs publics pour limiter et stopper l'évasion fiscale.
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